Название: Han d'Islande
Автор: Victor Hugo
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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C'est vers le triste rocher de Munckholm que s'avançait assez lentement la barque du jeune homme à la plume noire. Le soleil baissait rapidement derrière le château-fort isolé, dont la masse interceptait ses rayons, déjà si horizontaux que le paysan des collines lointaines et orientales de Larsynn pouvait voir se promener près de lui, sur les bruyères, l'ombre vague de la sentinelle placée sur le donjon le plus élevé de Munckholm.
III
Ah! mon coeur ne pouvait être plus sensiblement >blessé!… Un jeune homme sans moeurs… il a osé la regarder! ses regards souillaient sa pureté.– Claudia! cette seule pensée me met hors de moi.
– Andrew, allez dire que dans une demi-heure on sonne le couvre-feu. Sorsyll relèvera Duckness à la grande herse, et Maldivius montera sur la plate-forme de la grosse tour. Qu'on veille attentivement du côté du donjon du Lion de Slesvig. Ne pas oublier à sept heures de tirer le canon pour qu'on lève la chaîne du port;– mais non, on attend encore le capitaine Dispolsen; il faut au contraire allumer le fanal et voir si celui de Walderhog est allumé, comme l'ordre en a été donné aujourd'hui. Surtout qu'on tienne des rafraîchissements prêts pour le capitaine.– Et, j'oubliais,– qu'on marque pour deux jours de cachot Toric-Belfast, second arquebusier du régiment; il a été absent toute la journée.
Ainsi parlait le sergent d'armes sous la voûte noire et enfumée du corps de garde de Munckholm, situé dans la tour basse qui domine la première porte du château.
Les soldats auxquels il s'adressait quittèrent le jeu ou le lit pour exécuter ses ordres; puis le silence se rétablit.
En ce moment, le bruit alternatif et mesuré des rames se fit entendre au dehors.– Voilà sans doute, enfin, le capitaine Dispolsen! dit le sergent en ouvrant la petite fenêtre grillée qui donne sur le golfe.
Une barque abordait en effet au bas de la porte de fer.
– Qui va là? cria le sergent d'une voix rauque.
– Ouvrez! répondit-on; paix et sûreté.
– On n'entre pas; avez-vous droit de passe?
– Oui.
– C'est ce que je vais vérifier; si vous mentez, par les mérites du saint mon patron, je vous ferai goûter l'eau du golfe.
Puis, refermant le guichet et se retournant, il ajouta:– Ce n'est point encore le capitaine!
Une lumière brilla derrière la porte de fer; les verrous rouillés crièrent; les barres se levèrent, elle s'ouvrit, et le sergent examina un parchemin que lui présentait le nouveau venu.
– Passez, dit-il. Arrêtez cependant, reprit-il brusquement, laissez en dehors la boucle de votre chapeau. On n'entre pas dans les prisons d'état avec des bijoux. Le règlement porte que «le roi et les membres de la famille du roi,– le vice-roi et les membres de la famille du vice-roi, l'évêque et les chefs de la garnison, sont seuls exceptés». Vous n'avez, n'est-ce pas, aucune de ces qualités?
Le jeune homme détacha, sans répondre, la boucle proscrite, et la jeta pour payement au pêcheur qui l'avait amené; celui-ci, craignant qu'il ne revînt sur sa générosité, se hâta de mettre un large espace de mer entre le bienfaiteur et le bienfait.
Tandis que le sergent, murmurant de l'imprudence de la chancellerie qui prodiguait ainsi les droits de passe, replaçait les lourds barreaux, et que le bruit lent de ses bottes fortes retentissait sur les degrés de l'escalier tournant du corps de garde, le jeune homme, après avoir rejeté son manteau sur son épaule, traversait rapidement la voûte noire de la tour basse, puis la longue place d'armes, puis le hangar de l'artillerie où gisaient quelques vieilles couleuvrines démontées que l'on peut voir aujourd'hui dans le musée de Copenhague, et dont le cri impérieux d'une sentinelle l'avertit de s'éloigner. Il parvint à la grande herse, qui fut levée à l'inspection de son parchemin. Là, suivi d'un soldat, il franchit, suivant la diagonale, sans hésiter et comme un habitué de ces lieux, une de ces quatre cours carrées qui flanquent la grande cour circulaire, du milieu de laquelle sort le vaste rocher rond où s'élevait alors le donjon, dit château du Lion de Slesvig, à cause de la détention que Rolf le Nain y fit jadis subir à son frère, Joatham le Lion, duc de Slesvig.
Notre intention n'est pas de donner ici une description du donjon de Munckholm, d'autant plus que le lecteur, enfermé dans une prison d'état, craindrait peut-être de ne pouvoir se sauver au travers du jardin. Ce serait à tort, car le château du Lion de Slesvig, destiné à des prisonniers de distinction, leur offrait, entre autres commodités, celle de se promener dans une espèce de jardin sauvage assez étendu, où des touffes de houx, quelques vieux ifs, quelques pins noirs, croissaient parmi les rochers autour de la haute prison, et dans un enclos de grands murs et d'énormes tours.
Arrivé au pied du rocher rond, le jeune homme gravit les degrés grossièrement taillés qui montent tortueusement jusqu'au pied de l'une des tours de l'enclos, laquelle, percée d'une poterne dans sa partie inférieure, servait d'entrée au donjon. Là, il sonna fortement d'un cor de cuivre que lui avait remis le gardien de la grande herse.-Ouvrez, ouvrez! cria vivement une voix de l'intérieur, c'est sans doute ce maudit capitaine!
La poterne qui s'ouvrit laissa voir au nouvel arrivant, dans l'intérieur d'une salle gothique faiblement éclairée, un jeune officier nonchalamment couché sur un amas de manteaux et de peaux de rennes, près d'une de ces lampes à trois becs que nos aïeux suspendaient aux rosaces de leurs plafonds, et qui, pour le moment, était posée à terre. La richesse élégante et même l'excessive recherche de ses vêtements contrastaient avec la nudité de la salle et la grossièreté des meubles; il tenait un livre entre ses mains et se détourna à demi vers le nouveau venu.
– C'est le capitaine? salut, capitaine! Vous ne vous doutiez guère que vous faisiez attendre un homme qui n'a point la satisfaction de vous connaître; mais notre connaissance sera bientôt faite, n'est-il pas vrai? Commencez par recevoir tous mes compliments de condoléance sur votre retour dans ce vénérable château. Pour peu que j'y séjourne encore, je vais devenir gai comme la chouette qu'on cloue à la porte des donjons pour servir d'épouvantail, et quand je retournerai à Copenhague pour les fêtes du mariage de ma soeur, du diable si quatre dames sur cent me reconnaissent! Dites-moi, les noeuds de ruban rose au bas du justaucorps sont-ils toujours de mode? a-t-on traduit quelques nouveaux romans de cette Française, la demoiselle Scudéry? Je tiens précisément la Clélie; je suppose qu'on la lit encore à Copenhague. C'est mon code de galanterie, maintenant que je soupire loin de tant de beaux yeux....– car, tout beaux qu'ils sont, les yeux de notre jeune prisonnière, vous savez de qui je veux parler, ne me disent jamais rien. Ah! sans les ordres de mon père!… Il faut vous dire en confidence, capitaine, que mon père, n'en parlez pas, m'a chargé de… vous m'entendez, auprès de la fille de Schumacker; mais je perds toutes mes peines, cette jolie statue n'est pas une femme; elle pleure toujours et ne me regarde jamais.
Le jeune homme, qui n'avait pu encore interrompre l'extrême volubilité de l'officier, poussa un cri de surprise:– Comment! que dites-vous? chargé de séduire la fille de ce malheureux Schumacker!…
– Séduire, eh bien soit! si c'est ainsi que cela s'appelle à présent СКАЧАТЬ