Les cinq sous de Lavarède. Paul d'Ivoi
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Название: Les cinq sous de Lavarède

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ est certain que, si la petite Anglaise avait été une personne de sens rassis, si elle avait pris en pension l’habitude de compter, si on lui avait enseigné la valeur de l’argent, elle se serait dit:

      «Voilà un gaillard qui me semble assez décidé. Si on ne l’empêche, il est capable de gagner les millions du voisin Richard. Or, ces millions doivent me revenir un jour, ou peut-être me servir de dot. Tandis qu’en laissant faire ce vilain oiseau qui a nom Bouvreuil, le jeune voyageur sera arrêté, mis en prison, condamné au moins à une amende, qu’il lui faudra payer. De toute façon, il sera obligé de perdre du temps, de revenir, de s’expliquer, de plaider, de gagner de l’argent par son travail. Pendant ce temps, les jours passeront, peut-être les mois. Et les beaux millions voyageront tout seuls, sans lui, pour revenir bientôt au papa Murlyton.»

      Ce raisonnement, logique et sensé, n’entra pas dans sa virginale cervelle. Son esprit honnête se refusa même à la muette et tacite complicité du «laisser faire». Et, tout naturellement, comme si c’eût été son devoir, elle s’en vint toquer de ses doigts mignons sur la caisse receleuse et répéta:

      – Monsieur Lavarède!

      Aucun bruit, aucune réponse. Toujours à mi-voix, elle reprit:

      – N’ayez pas de défiance, je vous en prie. Un danger vous menace, et je viens vous en avertir.

      Alors, du dedans, surgit un organe étouffé:

      – On dirait votre voix, miss Aurett.

      – Oui! fit-elle joyeuse. Sortez bien vite de là.

      – Non, mademoiselle; je n’en sortirai que lorsque ma chambre à coucher sera embarquée à bord du paquebot et que le mouvement m’aura indiqué que le bateau est en marche vers Colon.

      – Mais on ne l’embarquera même pas, votre… ce que vous venez de dire de shocking.

      – Hé! pourquoi donc, mademoiselle? demanda-t-il, frappé du ton désespéré de la jeune Anglaise.

      – Parce que monsieur… je ne sais pas son nom, l’oiseau de la race des vautours…

      – M. Bouvreuil…

      – Justement… vient d’aller chercher les douaniers et les employés pour vous faire «pincer dans la boîte»

      – Pincer! Fichtre!

      Ce disant, il entrouvrit la porte. Miss Aurett était toute rouge.

      – Oh! fit-elle confuse, «pincer» est peut-être un mot pas joli… C’est lui qui l’a prononcé tout à l’heure, – il a dit aussi «la boîte», – quand il a prévenu mon père.

      – Mais que diable fait-il ici?

      – Mon père?… mais il vous escorte, comme il le doit!

      – Non, pas monsieur votre père… l’autre.

      – Lui, il nous a raconté qu’il allait à Panama.

      – Bien, bien, merci, miss… Ainsi M. Murlyton est du complot?…

      – Oh! non… papa est correct. Il s’est engagé à ne rien faire. Aussi il s’est éloigné.

      – Pour laisser faire l’autre?

      – Il ne peut l’empêcher, monsieur… Mais moi…

      – Vous! s’écria Lavarède en sautant sur le pavé du quai… vous, vous êtes la Providence; c’est peut-être pour remplir ce rôle que le bon Dieu vous a faite si jolie…

      – Pas de compliments, monsieur mon sauveur. Et cachez-vous vite, car les voici.

      – Merci, mon bon ange!

      Et, lançant un baiser du bout des doigts, Armand se dissimula derrière des ballots et des baraques qui formaient une pile énorme non loin de là. Miss Aurett, légèrement troublée au fond, mais le visage calme, vit venir Bouvreuil avec un douanier et un employé de chemin de fer. Elle avait eu la précaution de refermer la caisse.

      – Il est là, dit Bouvreuil, avec un geste qui n’était pas sans analogie avec celui que dut faire Napoléon à Marengo.

      – Là-dedans, fit l’employé un peu ahuri, vous dites qu’il y a un homme?

      – Peut-être un malfaiteur qui se cache, ajouta Bouvreuil.

      – En tout cas, viande vivante, chair humaine, marchandise non déclarée, procès-verbal, articula le préposé des douanes.

      Les deux hommes ne savaient comment ouvrir pour vérifier le contenu. Bouvreuil non plus. Tous trois l’essayèrent vainement, devant miss Aurett qui avait peine à garder son sérieux. Mais leurs tentatives eurent un résultat, celui de bousculer la caisse, ce qui fit aussitôt reconnaître à ces hommes accoutumés à manier des colis qu’elle était légère et partant qu’elle devait être vide.

      – Vous êtes fou, mon brave, dit à Bouvreuil l’employé de la gare. Il ne peut pas y avoir un homme là-dedans.

      – Mais si! affirma-t-il.

      – Mais non, insista l’autre, tenez, je la retourne d’une main sans effort.

      – C’est juste, opina le douanier.

      – Pourtant, je vous atteste, comme je l’ai déclaré, qu’à Paris…

      – À Paris, mes collègues se sont moqués de vous.

      – Enfin, il n’y a qu’à l’ouvrir, on verra bien.

      – Seulement, nous n’avons pas d’outils ici, et puis je n’oserai déclouer les planches qu’en présence d’un de mes chefs. Je vais aller chercher des camarades pour transporter ce colis suspect au bureau.

      – Et moi, ajouta le préposé, je vais chercher mon brigadier, nous assisterons à l’autopsie.

      – C’est cela! fit Bouvreuil en levant les bras au ciel d’un air navré… et, pendant ce temps-là, le brigand qui est là-dedans s’enfuira de sa caverne!

      – Eh bien! Restez en faction devant, et vous verrez bien s’il sortira, dirent les deux autres en s’en allant.

      Bouvreuil était donc seul à faire les vingt pas dans un petit espace de terrain demeuré vide entre des monticules de caisses, de tonneaux, de ballots, de paniers, de marchandises de toutes les provenances et de toutes les espèces, venant des Amériques ou y allant.

      Nous disons qu’il y était seul, car miss Aurett, un peu avant, s’était approchée de la cachette de Lavarède qui lui avait fait un signe de détresse.

      – Je vous en supplie, miss, dit-il à voix basse, ne restez pas là… Il ne faut pas qu’il y ait un seul témoin de ce qui va se passer.

      Sans répondre, elle salua Bouvreuil et s’éloigna pour retrouver son père qui s’était dirigé, lui, vers l’appontement du paquebot.

      – Eh bien, ma fille?… demanda-t-il.

      – Eh СКАЧАТЬ