Les cinq sous de Lavarède. Paul d'Ivoi
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Название: Les cinq sous de Lavarède

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Griff s’inclina respectueusement. Murlyton et Aurett montèrent dans le seul compartiment encore disponible en partie. Ils étaient assis en face de M. Bouvreuil qu’ils ne connaissaient point.

      Celui-ci avait tiré de sa poche un portefeuille énorme, le portefeuille de l’homme d’affaires; et, en attendant le départ du train, il prenait quelques notes, pendant que Mlle Pénélope cherchait des yeux sa bonne qui avait disparu. Bouvreuil écrivait sur une feuille blanche:

      «1° Choisir de préférence les hôtels anglais: ils sont plus confortables;

      «2° Éviter la société des Français, excepté celle des ingénieurs de la Compagnie;

      «3° Ne parler politique avec personne;

      «4° En cas de difficultés, aller voir d’abord le consul de France.»

      Il en était là de ses sages prévisions lorsque sa fille accourut vers le compartiment; son visage semblait bouleversé, mais rayonnant.

      – Papa, dit-elle, papa!… en voilà une nouvelle!…

      – Qu’y a-t-il?

      – Il y a que M. Lavarède doit être dans le même train que toi.

      – Dans le train!… je ne l’ai pas vu.

      – Ni toi ni personne. Il est dans la caisse.

      – Quelle caisse?

      – Tu sais bien, la grande caisse à destination de Panama.

      – Celle que nous croyions renfermer un piano?…

      Murlyton et sa fille ne purent s’empêcher d’échanger un regard et une parole.

      – Aoh! M. Lavarède…

      – Je te le disais bien, fit miss Aurett.

      Bouvreuil les regarda, tout étonné d’entendre prononcer par ces étrangers le nom de Lavarède. Mais il avait le temps de les interroger là-dessus, tandis que les contrôleurs fermaient déjà les portières des compartiments, et qu’il allait être séparé de Pénélope. Se penchant à la fenêtre, sa fille étant debout sur le marchepied, il demanda encore:

      – Mais comment sais-tu cela?

      – Par la bonne.

      – Ah bah!

      – Un des hommes d’équipe est son «pays», de Santenay, dans la Côte-d’Or. Ils se sont reconnus là, et cet homme lui a raconté, en riant, qu’il avait vu un individu entrer dans la caisse, au dépôt des marchandises. Le signalement est celui de M. Lavarède, impossible de s’y tromper. Un sous-chef de bureau est venu, très gaiement, refermer les planches qui forment la porte et a recommandé à l’employé témoin de garder le silence…

      – Qu’il s’est empressé de rompre.

      – Oh! Avec sa payse, cela lui a semblé sans importance. Mais il paraît que personne ne sait cela dans la gare.

      – Très bien, je le tiens! Je le ferai pincer à Bordeaux; ses quatre millions sont flambés.

      – Merci, papa, et dis-lui qu’il n’a qu’à venir à la maison, que je l’autorise à me faire sa cour, et que nous nous marierons dans cinq semaines, à ton retour.

      – C’est entendu.

      Miss Aurett et son père n’avaient pas perdu un mot de cette conversation, tenue, du reste, à voix haute.

      Un coup de sifflet, un signal. Le train s’ébranle. Bouvreuil, toujours penché à la portière, fait un geste d’adieu. Et voilà tout notre monde parti pour Bordeaux-Pauillac: Lavarède dans sa caisse; Murlyton, Aurett et Bouvreuil dans leur compartiment.

      On sait la discrétion des Anglais, qui ne parlent jamais les premiers aux gens qu’ils ne connaissent point. Ce fut donc Bouvreuil qui commença.

      – Je vous demande pardon, fit-il à ses voisins, mais tout à l’heure vous avez paru connaître ce M. Lavarède, dont ma fille me parlait.

      – Nous le connaissons en effet, dit sir Murlyton. Mais à qui ai-je l’honneur?…

      – Bouvreuil, propriétaire, financier, président du syndicat des porteurs d’actions du Panama, répondit-il en présentant sa carte.

      – Parfaitement, honorable gentleman. Moi je suis sir Murlyton, et voici ma fille Aurett.

      – Ah bah!… Est-ce que c’est vous l’Anglais désigné dans l’article des Échos sous le nom de Mirliton Esquire.

      – Je ne connais pas cet article.

      – Tenez, lisez-le.

      Après un rapide examen, l’Anglais reprit:

      – Oui, ce doit être moi. Et vous, c’est l’oiseau de l’espèce «vautour»?

      – Juste… Ah! le gredin!…

      – Vous n’êtes pas de ses amis, à ce que je vois…

      – Oh! non.

      Miss Aurett interrompit avec son gentil sourire:

      – Pourtant mademoiselle votre fille, tout à l’heure… Est-ce qu’il n’était pas question de mariage entre elle et lui?

      – Ma fille le désirait; mais c’est lui, le pendard, qui n’en veut pas entendre parler.

      – Aoh! pardon…

      Et un sourire bizarre, énigmatique, se dessina sur ses lèvres, à la place du sourire courtois et de bonne compagnie qu’elle esquissait d’abord. Miss Aurett avait vu le visage et la personne de Mlle Pénélope. Miss Aurett, dans son for intérieur, donnait raison à ce M. Lavarède. Dans sa petite idée, ce pauvre garçon, qui lui avait sauvé la vie, – elle n’en démordait pas, – méritait mieux que cette épouse peu avenante.

      Mais les deux hommes continuaient de causer.

      – Oui, disait Bouvreuil, je vais lui faire manquer son héritage; dès ce soir, il sera arrêté; cela doit vous satisfaire, puisque vous êtes son concurrent; et vous allez m’y aider.

      – Oh! moi, je ne puis rien contre lui. C’est une question d’honneur, prévue par le testament. Je dois vérifier seulement, sans lui créer moi-même d’obstacle.

      – Qu’à cela ne tienne, j’agirai seul, et il ne dépassera pas Bordeaux.

      Après un voyage de quatorze heures, les bagages sont descendus près du quai d’embarquement aux bateaux. Bouvreuil n’a pas perdu de vue la caisse où est son ennemi. Et, en se frottant les mains, il se dirige vers le bureau de la douane. Au même instant, tout à côté de la caisse, on entend frapper sur les planches, et une jolie petite voix bien douce appelle:

      – Monsieur Lavarède!… monsieur Lavarède!

      C’était miss Aurett qui, d’instinct, sans réflexion, prenait le parti de Lavarède contre Bouvreuil. Ce faisant, elle se mettait bien СКАЧАТЬ