Les cinq sous de Lavarède. Paul d'Ivoi
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Название: Les cinq sous de Lavarède

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ en géographie, c’est un ingénieur de l’isthme qui m’a donné ce renseignement).

      «Nécessairement, c’est de ce côté-ci qu’il doit revenir, car c’est d’ici seulement que partent les navires dans toutes les directions du monde. Il est assez fou pour essayer de continuer sa route; mais, avant qu’il s’y hasarde, je soulèverai quelques obstacles qui viendront se joindre au plus dangereux de tous, le temps. En effet, les semaines passent, elles deviennent des mois; et ton bel Armand sera bien heureux, lorsque sonnera la date fixée, de retrouver la fille au papa Bouvreuil.»

      Quant à don José, il était à remarquer qu’une fois débarqué, il avait éteint sa morgue castillane et semblait vouloir se faire tout petit, afin de passer inaperçu. C’est qu’à Colon on était dans l’État de Panama, l’un de ceux qui forment les États-Unis de Colombie. Et l’aventurier ne tenait pas à se faire remarquer des autorités colombiennes.

      Il disparut même complètement pendant deux jours, sans que ses compagnons pussent s’expliquer cette éclipse. Nous qui savons tout, rien ne nous empêche de le dire. Don José, en réalité fils d’un Guaymie, issu de quelque péon indien misérable, était allé jusqu’à Miraflorès, petit bourg situé sur le versant du massif montagneux qui regarde l’océan Pacifique. Là, il avait embrassé sa bonne femme de mère, travaillant à quelque bas emploi dans une exploitation agricole, une cafetale ou hacienda de café. Bon fils, tout au moins, il lui avait laissé quelques piastres, lui en promettant davantage lorsqu’il occuperait son poste de préfet de Cambo.

      Voilà donc précisée la nationalité jusqu’ici indécise de ce rastaquouère. Miraflorès était le nom de son village natal. D’origine, il était donc Colombien. Mais ses aventures, qui en avaient fait successivement un Vénézuélien, puis un Guatémaltèque, l’avaient définitivement établi Costaricien. Là, seulement, il s’était prononcé pour l’un des prétendants à la présidence et s’était attaché à sa fortune. Nous avons vu que, pour le moment, José avait bien fait.

      Lorsqu’il reparut à Colon, ce fut pour annoncer son départ immédiat.

      Par la voie de terre, cela ne lui semblait ni sûr, ni rapide. Des navires de commerce partent constamment pour Limon, le port de Costa-Rica sur l’Atlantique, comme Puntarena est celui du Pacifique. Un chemin de fer isthmique les relie, du reste, l’un à l’autre, depuis quelques années. José retrouva son emphase habituelle pour faire ses adieux à la famille Murlyton.

      – Ce n’est point adieu, miss, que je vous dis, mais au revoir. Je vais prendre possession du gouvernement que me confie la nation (185 000 habitants, en y comprenant les Indiens!…), et j’espère vous y revoir et vous y recevoir… Quand le soleil a vu la rose de l’Angleterre, c’est elle désormais qui lui envoie ses rayons. Il n’a plus qu’à s’éteindre devant la beauté blonde et pure!

      Le compliment, qui laissa froide «la rose d’Angleterre», enthousiasma Bouvreuil. Il dit à son complice, en l’accompagnant sur le port:

      – Quoi qu’il arrive, j’amènerai sir Murlyton à prendre la route de terre.

      – On pourrait lui faire savoir que Lavarède est dans l’État de Costa-Rica, dans une ville que je désignerai.

      – Oui, ce moyen peut-être…

      – J’enverrai des relais de mulets jusqu’à la frontière et, en passant par la Sierra, je me charge du reste!

      Bouvreuil, redoutant quand même un retour offensif de Lavarède, n’était pas fâché de se conserver l’aide de José. Cela lui assurait au moins que les millions personnels de la «rose» très dorée n’iraient pas à lui, comme compensation de l’héritage du cousin. Ça valait encore mieux que de faire assassiner son futur gendre.

      Cependant la semaine s’écoulait. Le délai fixé par Lavarède approchait, et l’on n’entendait pas encore parler de lui. Bouvreuil se montrait enchanté; il avait fini par faire la connaissance d’un certain Gérolans, conducteur de travaux, qui lui indiquait un tas de choses peu connues sur le pays, et qu’il appelait «Monsieur l’Ingénieur», gros comme le bras.

      Sir Murlyton et miss Aurett demeuraient calmes et tranquilles. Ils occupaient leur temps à des promenades dans la direction opposée aux marais et évitaient de sortir pendant les heures torrides de la journée. Car le climat de Colon est insalubre, justement à cause de la chaleur humide qui y règne et des marécages qui environnent la ville. Mais, quand ils eurent fait trois fois le tour de la statue de Christophe Colomb, – Colon en espagnol, – ils eurent bien vite connu cette petite cité, qu’un criminel incendiaire détruisit en partie en 1885. Colon fut élevé seulement en 1849, lorsqu’on parla du chemin de fer interocéanique, qui précéda le percement du canal.

      – À l’origine même, expliqua Gérolans, la ville fut appelée «Aspinwall», dénomination que préfèrent les Américains du Nord, – du nom de leur compatriote, l’un des financiers des États-Unis qui contribuèrent à l’ouverture de la voie. Aspinwall choisit pour l’emplacement de la cité, tête de ligne, la petite île de Manzanilla, ainsi qualifiée à cause des mancenilliers qui y croissaient autrefois. Au début, Stephens, Baldwin, Hugues, Totten préféraient un point plus à l’ouest dans la baie de Limon; mais l’avis de Tautwine prévalut: la profondeur des eaux est plus considérable au bord de l’îlot, et l’on se décida. Seulement, il fallut construire un terre-plein pour relier Manzanilla à la terre ferme et consolider la chaussée qui traverse les marais fangeux de Mindi. Enfin, en 1855, le chemin de fer fonctionna d’un océan à l’autre.

      Nos amis en étaient là de leur instruction locale, lorsque Lavarède reparut, au grand désespoir de Bouvreuil, à la joie de miss Aurett, partagée à un degré moindre par l’impassible Murlyton.

      – Dites, fit ce dernier, comment vous avez vécu ces jours passés.

      – Venez d’abord avec moi jusqu’au port; et montons sur la Maria-de-la-Sierra-Blanca, le navire qui vient de m’amener. Devant témoins, je vous ferai le récit de mon odyssée, fort simple d’ailleurs.

      Quelques minutes après, Lavarède commença:

      – À la Guayra, nous avons abordé la nuit déjà venue. J’en ai profité pour revenir à terre avec le bateau de la santé, qui m’a pris pour un déserteur de l’équipage. Comme, dans toutes les républiques du Sud, on manque d’habitants, et surtout de spécialistes, on accueille fort bien les Européens qui passent par là avec armes et bagages. Si cela se fait un peu moins en Vénézuela, je ne vous apprends rien en vous rappelant que le Paraguay, l’Argentine, etc., attirent à eux les émigrants du vieux monde par tous les moyens, avouables et inavouables. Me voilà donc reçu à la Guayra, et même nourri. Le soir, je m’informai du chemin de Caracas, vingt kilomètres à peine… Je me mis en route et j’arrivai le matin à la ville.

      – Que diable y alliez-vous faire?

      – J’avais mon idée… Je me fis indiquer le Bazar français et me présentai à mon ancien ami Jordan, devenu l’un des plus gros négociants de la région. Je lui exposai mon cas. Il en rit beaucoup et promit de m’aider, ce qui lui était bien facile, comme vous l’allez voir.

      – Le Bazar français?… mais c’est un marché de tous les produits européens, textiles, fabriqués et comestibles.

      – Justement; l’idée est bonne, hein?

      – Oui, mais comme toutes les bonnes idées, c’est un Anglais qui l’a eue le premier… Chez nous, à Londres, à Bayswater, vous pouvez voir un établissement de ce genre, le «Whiteley».

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