La corde au cou. Emile Gaboriau
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Название: La corde au cou

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ manger après nous vous ferait perdre du temps, et un serviteur tel que vous fait partie de la famille.

      Antoine obéit, confus, mais rouge de plaisir de l'honneur qui luiétait fait, car ce n'est pas par excès de familiarité que péchait le baron de Chandoré.

      Et le jambon et lesœufs de la métayère expédiés:

      – Maintenant, reprit maître Folgat, revenons à notre affaire, et vous, mon cher Antoine, du calme, et rappelez-vous que si nous n'obtenons pas une ordonnance de non-lieu, vos réponses seront leséléments de ma défense! Quellesétaient, ici, les habitudes de monsieur de Boiscoran?

      – Ici, monsieur, il n'en avait pour ainsi dire pas. Nous venions si rarement et pour si peu de temps…

      – N'importe, quelétait son genre de vie?

      – Il se levait tard, il se promenait beaucoup, il chassait quelquefois, il dessinait, il lisait… car monsieur est un grand liseur, et qui aime les livres autant que monsieur le marquis, son père, aime la porcelaine.

      – Qui recevait-il?

      – Monsieur Galpin-Daveline, le plus souvent; le docteur Seignebos, le curé de Bréchy, monsieur Séneschal, monsieur Daubigeon…

      – Comment passait-il ses soirées?

      – Chez monsieur le baron de Chandoré, qui est ici pour le dire.

      – Il n'avait pas d'autres relations dans le pays?

      – Non.

      – Vous ne lui connaissez pas quelque… bonne amie?

      Antoine eut un geste pudibond.

      – Oh! monsieur, prononça-t-il, monsieur, ne savez-vous donc pas que monsieur est le fiancé de mademoiselle Denise!

      Le baron de Chandoré n'était pas né d'hier, ainsi qu'il se plaisait à le dire. Si puissamment intéressé qu'il fût, il se leva.

      – J'ai besoin de prendre l'air, fit-il.

      Et il sortit, comprenant que sa qualité de grand-père de Denise pouvait arrêter la vérité sur les lèvres d'Antoine.

      Voilà un homme d'esprit, pensa maître Folgat.

      Et tout haut:

      – Puisque nous voilà seuls, mon brave Antoine, reprit-il, parlons nettement. Monsieur de Boiscoran avait-il quelque maîtresse dans le pays?

      – Non, monsieur.

      – N'en a-t-il jamais eu?

      – Jamais. On vous dira peut-être que, dans le temps, il regardait avec plaisir la Fougerouse, une grande rousse, la fille d'un meunier qui demeure tout près d'ici, et que la mâtine venait au château plus souvent qu'il n'était besoin, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre… Mais c'était pur enfantillage. D'ailleurs, il y a cinq ans de cela, et depuis trois la Fougerouse est mariée à un saunier des environs de Marennes.

      – Vousêtes sûr de ce que vous dites?

      – Comme de mon existence. Et monsieur en serait sûr connaissant le pays comme moi, et la langue infernale des gens. Il n'y a pas de ruses qui tiennent, ni précautions; je défie un homme de parler trois fois à une femme sans que tout le monde le sache. À Paris, je dis pas…

      Maître Folgat dressa l'oreille.

      – Il y a donc eu quelque chose à Paris? interrogea-t-il.

      Mais Antoine hésitait.

      – C'est que, balbutia-t-il, les secrets de mon maître ne sont pas les miens, et après le serment que je lui ai fait…

      – De votre franchise dépend peut-être le salut de votre maître interrompit le jeune avocat, soyez sûr qu'il ne vous en voudra pas d'avoir parlé.

      Quelques secondes encore, l'honnête serviteur demeura indécis; puis:

      – Eh bien! commença-t-il, monsieur a eu, comme on dit une grande passion…

      – Quand?

      – Ah! je l'ignore; cela avait commencé avant mon entrée au service de monsieur. Ce que je sais, c'est que pour recevoir… la personne, monsieur avait acheté à Passy bout de la rue des Vignes, au milieu d'un immense jardin, une belle maison qu'il avait fait meubler magnifiquement.

      – Ah!…

      – C'est là un secret que ni le père de monsieur ni sa mère comme de juste, ne connaissent. Et si je le sais, c'est que monsieur, un jour qu'ilétait à cette maison, est tombé dans l'escalier et s'est déboîté le pied, et qu'il m'a fait venir pour le soigner. C'est probablement sous son nom qu'il l'a achetée, mais ce n'était pas sous son nom qu'il l'occupait. Il s'y faisait passer pour un Anglais, monsieur Burnett, et c'était une servante anglaise qui le servait.

      – Et… la personne…

      – Ah! monsieur, non seulement je ne la connais pas, mais je ne soupçonne pas qui elle pouvaitêtre. Ah! monsieur, et elle prenait de fières précautions! Étant ici pour tout dire, j'avouerai que j'ai eu la curiosité de questionner la servante anglaise. Elle m'a répondu qu'elle n'était pas plus avancée que moi; qu'elle savait bien qu'il venait une dame, mais que jamais elle n'avait réussi à lui voir seulement le bout du nez. Monsieur prenait si adroitement son temps que toujours la servanteétait en course quand la dame arrivait et repartait. Quand elleétait à la maison, monsieur et elle se servaient seuls. Et s'ils voulaient se promener dans le jardin, ils envoyaient la servante faire une commission à tous les diables, à Versailles ou à Fontainebleau, ce dont elle enrageait, comme de raison.

      D'un mouvement machinal qui luiétait familier, maître Folgat tortillait une mèche de sa barbe noire. Un instant, il lui avait semblé voir poindre la femme, cette inévitable femme dont l'inspiration toujours se retrouve au fond de toutes les actions d'un homme, et voici que décidément elle s'évanouissait. Car c'est en vain que d'un esprit alerte il cherchait un rapport quelconque possible, sinon probable, entre la mystérieuse visiteuse de la rue des Vignes et lesévénements dont le Valpinson venait d'être le théâtre; il n'en découvrait aucun.

      Quelque peu découragé:

      – Enfin, mon brave Antoine, reprit-il, cette grande passion de votre maître n'existe sans doute plus?

      – Évidemment, monsieur, puisque monsieur Jacques allaitépouser mademoiselle Denise.

      La raison n'était peut-être pas aussi péremptoire que l'imaginait le fidèle serviteur; pourtant le jeune avocat ne fit aucune observation.

      – Et, selon vous, poursuivit-il, quand cette passion aurait-elle pris fin?

      – Pendant la guerre, monsieur et la dame ont dû se trouver séparés, car monsieur n'est pas resté à Paris. Il commandait une compagnie de nos mobiles, et même il aété blessé à leur tête, ce qui lui a valu la croix.

      – Possède-t-il encore sa maison de la rue des Vignes?

      – Je le crois.

      – Pourquoi?

      – Parce que СКАЧАТЬ