La corde au cou. Emile Gaboriau
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La corde au cou - Emile Gaboriau страница 32

Название: La corde au cou

Автор: Emile Gaboriau

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ et tirer notre gibier. Ilétait à genoux devant monsieur, alors, pour obtenir la main de la nièce des demoiselles de Lavarande. Alors, c'était «mon bon Jacques»par-ci, «mon cher Boiscoran»par-là, et des protestations et des cajoleries à n'en plus finir, au point que je me disais toujours qu'un matin je trouverais les bottes de monsieur cirées par lui. Ah! il a pris sa revanche, hier matin, et il fallait voir de quel air il disait à monsieur: «Nous ne sommes plus amis.»Bandit!… non, nous ne sommes plus amis, et si le bon Dieuétait juste, tu aurais dans le ventre les deux coups de fusil qu'on a tirés sur monsieur de Claudieuse, et tu ne les digérerais pas…

      L'impatience de M. de Chandoré était grande. Aussi, dès qu'Antoine s'arrêta pour reprendre haleine:

      – Pourquoi, fit-il, n'êtes-vous pas venu me raconter cela tout de suite?

      Le vieux serviteur se permit un haussement d'épaules.

      – Est-ce que je le pouvais! répondit-il. Quand l'interrogatoire aété fini, le Galpin a mis partout les scellés, des bandes de toile fixées avec de la cire, comme on en pose sur le secrétaire des morts. Oh! il en a mis sur toutes les ouvertures, et deux plutôt qu'une. Il en a placé trois sur la porte extérieure. Puis il m'a dit qu'il me constituait gardien, que j'aurais une rétribution pour cela, mais que les galères m'attendaient si quelqu'un touchait aux scellés, seulement du bout du doigt. là-dessus, après avoir livré monsieur aux gendarmes, le Galpin est parti, me laissant seul ici, hébété comme un homme qui aurait reçu un coup de marteau sur la tête… Pourtant, je serais allé trouver monsieur le baron, sans une idée qui m'est venue et qui m'a donné le frisson.

      Grand-père Chandoré frappait du pied.

      – Au fait! dit-il. Au fait!…

      – Voilà. Il faut que ces messieurs sachent que, dans l'interrogatoire, il aété beaucoup question du fusil Klebb que monsieur avait emporté le soir de l'incendie. Le Galpin a manié ce fusil et a ensuite demandé quand monsieur avait feu avec pour la dernière fois. Monsieur a répondu qu'il y avait cinq jours… Vous m'entendez, je dis: cinq jours. Et là-dessus, mon Galpin a remis le fusilà sa place, sans examiner les canons.

      – Eh bien? fit maître Folgat.

      – Eh bien! monsieur, moi, Antoine, j'avais, l'avant-veille – je dis bien l'avant-veille – lavé et nettoyé à fond le Klebb de monsieur…

      – Sarpejeu! s'écria M, de Chandoré, comment n'avez-vous pas dit cela plus tôt, Antoine… Si les canons sont propres, c'est la preuve irrécusable que Jacques est innocent!

      Le vieux serviteur branla la tête.

      – C'est vrai, dit-il, seulement… les canons sont-ils propres?

      – Oh!

      – Monsieur peut s'être trompé quant à la date de son dernier coup de fusil, et alors les canons seraient encrassés, et au lieu de le sauver, ma déclaration le perdrait définitivement. Avant de parler, il fautêtre sûr.

      – Oui, approuva maître Folgat, et vous avez bien fait de vous taire, mon brave, et je ne saurais trop vous adjurer de ne parler à personne au monde de cette circonstance, qui peut devenir pour la défense un argument décisif.

      – Oh! je saurai tenir ma langue, monsieur; seulement vous devez comprendre ce que je me suis fait de mauvais sang, devant ces maudits scellés qui m'empêchaient d'aller m'assurer de l'état du fusil… Oh! si j'avais osé les briser!…

      – Malheureux!

      – J'en ai eu l'idée, mais je me suis retenu. Seulement j'ai songé, après, que cette pensée pouvait venir à d'autres. Les scélérats qui ont organisé ce complot abominable contre monsieur Jacques sont capables de tout, n'est-ce pas? Pourquoi ne seraient-ils pas venus, de nuit, briser les scellés… J'ai mis le métayer de garde dans le jardin, sous les fenêtres; j'ai placé son fils de faction dans la cour, et moi je suis resté en sentinelle devant les scellés, avec des armes sous la main… Les brigands pouvaient venir ils auraient trouvé à qui parler!

      On a beau dire, les avocats valent mieux que leur réputation. Il est des grâces d'état. Le premier qui versera une larme à la représentation d'un drame bien noir sera toujours dramaturge, un homme du métier qui connaît toutes les ficelles et pour qui les coulisses n'ont plus de secrets. L'avocat, tant accusé de scepticisme, est par excellence crédule et naïf. C'est sincèrement qu'il se passionne, et, quand on pense qu'il joue la comédie, il est de bonne foi. Les trois quarts du temps est gagnée dans son esprit la cause détestable qu'il plaide et qu'il perd devant les juges.

      D'heure en heure, depuis son arrivée à Sauveterre, maître Folgat s'était pénétré de l'innocence de Jacques de Boiscoran, et le récit du vieil Antoine n'était pas fait pourébranler ses convictions. Non qu'il admît l'existence d'un complot. Mais il n'était paséloigné de croire à l'audacieux calcul de quelque scélérat, profitant de circonstances connues de lui seul pour faire retomber le châtiment de son crime sur M. de Boiscoran.

      Mais il avait bien d'autres explications à demander, et ilétait difficile de les obtenir d'Antoine, dans l'état de fiévreuse exaltation où il se trouvait. Car interroger un homme, si disposé qu'il soit à parler, n'est pas facile. Et si l'on n'apporte pas à cette tâche un grand sang-froid, beaucoup de soin et une méthode imperturbable, on risque fort de passer à côté du fait le plus important à recueillir.

      Donc, après un moment:

      – Mon brave Antoine, reprit maître Folgat, je ne saurais trop louer votre conduite en toute cette affaire. Nous sommes loin d'en avoir fini… Seulement, comme je n'ai rien pris depuis hier à Paris, et que j'entends sonner midi…

      M. de Chandoré se frappa le front.

      – Ah! vieil oublieux que je suis! interrompit-il. Comment ne vous ai-je rien offert!… Pourtant, vous m'excuserez, n'est-ce pas, je suis si bouleversé!… Antoine, qu'avez-vous à nous servir?

      – La métayère a desœufs, du confit d'oie, du jambon…

      – Ce qui sera le plus vite prêt sera le meilleur, dit le jeune avocat.

      – Avant vingt minutes ces messieurs seront à table! s'écria le digne serviteur.

      Et il s'élança dehors, pendant que M. de Chandoré faisait entrer maître Folgat dans le salon.

      Le pauvre grand-père faisait appelà toute sonénergie pour garder une contenance assurée.

      – Cette circonstance du fusil, dit-il, c'est le salut, n'est-ce pas?

      – Peut-être, répondit le jeune avocat.

      Et ils gardèrent le silence: le grand-père songeant à la douleur de sa petite-fille et maudissant le jour où, en ouvrant sa maison à Jacques, il l'avait ouverte à tant et de si cruelles angoisses; l'avocat classant dans son esprit les faits qu'il avait recueillis et préparant les questions qu'il voulait poser encore.

      Ilsétaient, l'un et l'autre, si profondément enfoncés dans leurs réflexions qu'ils tressautèrent quand Antoine reparut disant:

      – Ces messieurs sont servis!

      La table avaitété dressée dans la salle à manger, et les deux convives y ayant pris place, l'honnête domestique se plantait debout, près d'eux, la serviette au bras, quand M. de Chandoré l'interpellant:

      – Mettez un troisième СКАЧАТЬ