Germinal. Emile Zola
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Название: Germinal

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ Maheude eut un geste vague d’excuse. Que voulez-vous? on n’y songeait point, ça poussait naturellement. Et puis, quand ça grandissait, ça rapportait, ça faisait aller la maison. Ainsi, chez eux, ils auraient vécu, s’ils n’avaient pas eu le grand-père qui devenait tout raide, et si, dans le tas, deux de ses garçons et sa fille aînée seulement avaient l’âge de descendre à la fosse. Fallait quand même nourrir les petits qui ne fichaient rien.

      – Alors, reprit Mme Grégoire, vous travaillez depuis longtemps aux mines?

      Un rire muet éclaira le visage blême de la Maheude.

      – Ah! oui, ah! oui… Moi, je suis descendue jusqu’à vingt ans. Le médecin a dit que j’y resterais, lorsque j’ai accouché la seconde fois, parce que, paraît-il, ça me dérangeait des choses dans les os. D’ailleurs, c’est à ce moment que je me suis mariée, et j’avais assez de besogne à la maison… Mais, du côté de mon mari, voyez-vous, ils sont là-dedans depuis des éternités. Ça remonte au grand-père du grand-père, enfin on ne sait pas, tout au commencement, quand on a donné le premier coup de pioche là-bas, à Réquillart.

      Rêveur, M. Grégoire regardait cette femme et ces enfants pitoyables, avec leur chair de cire, leurs cheveux décolorés, la dégénérescence qui les rapetissait, rongés d’anémie, d’une laideur triste de meurt-de-faim. Un nouveau silence s’était fait, on n’entendait plus que la houille brûler en lâchant un jet de gaz. La salle moite avait cet air alourdi de bien-être, dont s’endorment les coins de bonheur bourgeois.

      – Que fait-elle donc? s’écria Cécile, impatientée. Mélanie, monte lui dire que le paquet est en bas de l’armoire, à gauche.

      Cependant, M. Grégoire acheva tout haut les réflexions que lui inspirait la vue de ces affamés.

      – On a du mal en ce monde, c’est bien vrai; mais, ma brave femme, il faut dire aussi que les ouvriers ne sont guère sages… Ainsi, au lieu de mettre des sous de côté comme nos paysans, les mineurs boivent, font des dettes, finissent par n’avoir plus de quoi nourrir leur famine.

      – Monsieur a raison, répondit posément la Maheude. On n’est pas toujours dans la bonne route. C’est ce que je répète aux vauriens, quand ils se plaignent… Moi, je suis bien tombée, mon mari ne boit pas. Tout de même, les dimanches de noce, il en prend des fois de trop; mais ça ne va jamais plus loin. La chose est d’autant plus gentille de sa part, qu’avant notre mariage, il buvait en vrai cochon, sauf votre respect… Et voyez, pourtant, ça ne nous avance pas à grand-chose, qu’il soit raisonnable. Il y a des jours, comme aujourd’hui, où vous retourneriez bien tous les tiroirs de la maison, sans en faire tomber un liard.

      Elle voulait leur donner l’idée de la pièce de cent sous, elle continua de sa voix molle, expliquant la dette fatale, timide d’abord, bientôt élargie et dévorante. On payait régulièrement pendant des quinzaines. Mais, un jour, on se mettait en retard, et c’était fini, ça ne se rattrapait jamais plus. Le trou se creusait, les hommes se dégoûtaient du travail, qui ne leur permettait seulement pas de s’acquitter. Va te faire fiche! on était dans le pétrin jusqu’à la mort. Du reste, il fallait tout comprendre: un charbonnier avait besoin d’une chope pour balayer les poussières. Ça commençait par là, puis il ne sortait plus du cabaret, quand arrivaient les embêtements. Peut-être bien, sans se plaindre de personne, que les ouvriers tout de même ne gagnaient point assez.

      – Je croyais, dit Mme Grégoire, que la Compagnie vous donnait le loyer et le chauffage.

      La Maheude eut un coup d’œil oblique sur la houille flambante de la cheminée.

      – Oui, oui, on nous donne du charbon, pas trop fameux, mais qui brûle pourtant… Quant au loyer, il n’est que de six francs par mois: ça n’a l’air de rien, et souvent c’est joliment dur à payer… Ainsi, aujourd’hui, moi, on me couperait en morceaux, qu’on ne me tirerait pas deux sous. Où il n’y a rien, il n’y a rien.

      Le monsieur et la dame se taisaient, douillettement allongés, peu à peu ennuyés et pris de malaise, devant l’étalage de cette misère. Elle craignit de les avoir blessés, elle ajouta de son air juste et calme de femme pratique:

      – Oh! ce n’est pas pour me plaindre. Les choses sont ainsi, il faut les accepter; d’autant plus que nous aurions beau nous débattre, nous ne changerions sans doute rien… Le mieux encore, n’est-ce pas? Monsieur et Madame, c’est de tâcher de faire honnêtement ses affaires, dans l’endroit où le bon Dieu vous a mis.

      M. Grégoire l’approuva beaucoup.

      – Avec de tels sentiments, ma brave femme, on est au-dessus de l’infortune.

      Honorine et Mélanie apportaient enfin le paquet. Ce fut Cécile qui le déballa et qui sortit les deux robes. Elle y joignit des fichus, même des bas et des mitaines. Tout cela irait à merveille, elle se hâtait, faisait envelopper par les bonnes les vêtements choisis; car sa maîtresse de piano venait d’arriver, et elle poussait la mère et les enfants vers la porte.

      – Nous sommes bien à court, bégaya la Maheude, si nous avions une pièce de cent sous seulement…

      La phrase s’étrangla, car les Maheu étaient fiers et ne mendiaient point. Cécile, inquiète, regarda son père; mais celui-ci refusa nettement, d’un air de devoir.

      – Non, ce n’est pas dans nos habitudes. Nous ne pouvons pas.

      Alors, la jeune fille, émue de la figure bouleversée de la mère, voulut combler les enfants. Ils regardaient toujours fixement la brioche, elle en coupa deux parts, qu’elle leur distribua.

      – Tenez! c’est pour vous.

      Puis elle les reprit, demanda un vieux journal.

      – Attendez, vous partagerez avec vos frères et vos sœurs.

      Et, sous les regards attendris de ses parents, elle acheva de les pousser dehors. Les pauvres mioches, qui n’avaient pas de pain, s’en allèrent, en tenant cette brioche respectueusement, dans leurs menottes gourdes de froid.

      La Maheude tirait ses enfants sur le pavé, ne voyait plus ni les champs déserts, ni la boue noire, ni le grand ciel livide qui tournait. Lorsqu’elle retraversa Montsou, elle entra résolument chez Maigrat et le supplia si fort, qu’elle finit par emporter deux pains, du café, du beurre, et même sa pièce de cent sous, car l’homme prêtait aussi à la petite semaine. Ce n’était pas d’elle qu’il voulait, c’était de Catherine: elle le comprit, quand il lui recommanda d’envoyer sa fille chercher les provisions. On verrait ça. Catherine le giflerait, s’il lui soufflait de trop près sous le nez.

      III. Onze heures sonnaient à la petite église du coron des Deux-Cent-Quarante, une chapelle de briques…

      Onze heures sonnaient à la petite église du coron des Deux-Cent-Quarante, une chapelle de briques, où l’abbé Joire venait dire la messe, le dimanche. À côté, dans l’école, également en briques, on entendait les voix ânonnantes des enfants, malgré les fenêtres fermées au froid du dehors. Les larges voies, divisées en petits jardins adossés, restaient désertes, entre les quatre grands corps de maisons uniformes; et ces jardins, ravagés par l’hiver, étalaient la tristesse de leur terre marneuse, que bossuaient et salissaient les derniers légumes. On faisait la soupe, les cheminées fumaient, une femme apparaissait, de loin en loin le long des façades, ouvrait une porte, disparaissait. D’un bout à l’autre, sur le trottoir pavé, les tuyaux de descente s’égouttaient dans des tonneaux, bien qu’il СКАЧАТЬ