Monsieur Parent. Guy de Maupassant
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Название: Monsieur Parent

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      – Ma chère amie, comme je viens de renvoyer Julie, il faut que je m’occupe, dès aujourd’hui, de trouver une autre bonne. Je sors tout de suite, afin de me procurer quelqu’un pour demain matin. Je rentrerai peut-être un peu tard.

      Elle répondit: – Va; je ne bougerai pas d’ici. Limousin me tiendra compagnie. Nous t’attendrons.

      Puis, se tournant vers la femme de chambre: – Vous allez coucher Georges, ensuite vous pourrez desservir et monter chez vous.

      Parent s’était levé. Il oscillait sur ses jambes, étourdi, trébuchant. Il murmura: «À tout à l’heure», et gagna la sortie en s’appuyant au mur, car le parquet remuait comme une barque.

      Georges était parti aux bras de sa bonne. Henriette et Limousin passèrent au salon. Dès que la porte fut refermée: – Ah, çà! tu es donc folle, dit-il, de harceler ainsi ton mari?

      Elle se retourna: – Ah! tu sais, je commence à trouver violente cette habitude que tu prends depuis quelque temps de poser Parent en martyr.

      Limousin se jeta dans un fauteuil, et, croisant ses jambes: – Je ne le pose pas en martyr le moins du monde, mais je trouve, moi, qu’il est ridicule, dans notre situation, de braver cet homme du matin au soir.

      Elle prit une cigarette sur la cheminée, l’alluma, et répondit: – Mais je ne le brave pas, bien au contraire; seulement il m’irrite par sa stupidité… et je le traite comme il le mérite.

      Limousin reprit, d’une voix impatiente:

      – C’est inepte, ce que tu fais! Du reste, toutes les femmes sont pareilles. Comment? voilà un excellent garçon, trop bon, stupide de confiance et de bonté, qui ne nous gêne en rien, qui ne nous soupçonne pas une seconde, qui nous laisse libres, tranquilles autant que nous voulons; et tu fais tout ce que tu peux pour le rendre enragé et pour gâter notre vie.

      Elle se tourna vers lui: – Tiens, tu m’embêtes! Toi, tu es lâche, comme tous les hommes! Tu as peur de ce crétin!

      Il se leva vivement, et, furieux: – Ah! çà, je voudrais bien savoir ce qu’il t’a fait, et de quoi tu peux lui en vouloir? Te rend-il malheureuse? Te bat-il? Te trompe-t-il? Non, c’est trop fort à la fin de faire souffrir ce garçon uniquement parce qu’il est trop bon, et de lui en vouloir uniquement parce que tu le trompes.

      Elle s’approcha de Limousin, et, le regardant au fond des yeux:

      – C’est toi qui me reproches de le tromper, toi? toi? toi? Faut-il que tu aies un sale coeur?

      Il se défendit, un peu honteux: – Mais je ne te reproche rien, ma chère amie, je te demande seulement de ménager un peu ton mari, parce que nous avons besoin l’un et l’autre de sa confiance. Il me semble que tu devrais comprendre cela.

      Ils étaient tout près l’un de l’autre, lui grand, brun, avec des favoris tombants, l’allure un peu vulgaire d’un beau garçon content de lui; elle mignonne, rose et blonde, une petite Parisienne mi-cocotte et mi-bourgeoise, née dans une arrière-boutique, élevée sur le seuil du magasin à cueillir les passants d’un coup d’oeil, et mariée, au hasard de cette cueillette, avec le promeneur naïf qui s’est épris d’elle pour l’avoir vue, chaque jour, devant cette porte, en sortant le matin et en rentrant le soir.

      Elle disait: – Mais tu ne comprends donc pas, grand niais, que je l’exècre justement parce qu’il m’a épousée, parce qu’il m’a achetée enfin, parce que tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, tout ce qu’il pense me porte sur les nerfs. Il m’exaspère à toute seconde par sa sottise que tu appelles de la bonté, par sa lourdeur que tu appelles de la confiance, et puis, surtout, parce qu’il est mon mari, lui, au lieu de toi! Je le sens entre nous deux, quoiqu’il ne nous gêne guère. Et puis?… et puis?… Non, il est trop idiot à la fin de ne se douter de rien! Je voudrais qu’il fût un peu jaloux au moins. Il y a des moments où j’ai envie de lui crier: «Mais tu ne vois donc rien, grosse bête, tu ne comprends donc pas que Paul est mon amant».

      Limousin se mit à rire: – En attendant, tu feras bien de te taire et de ne pas troubler notre existence.

      – Oh! je ne la troublerai pas, va! Avec cet imbécile-là, il n’y a rien à craindre. Non, mais c’est incroyable que tu ne comprennes pas combien il m’est odieux, combien il m’énerve. Toi, tu as toujours l’air de le chérir, de lui serrer la main avec franchise. Les hommes sont surprenants parfois.

      – Il faut bien savoir dissimuler, ma chère.

      – Il ne s’agit pas de dissimulation, mon cher, mais de sentiments. Vous autres, quand vous trompez un homme, on dirait que vous l’aimez tout de suite davantage; nous autres, nous le haïssons à partir du moment où nous l’avons trompé.

      – Je ne vois pas du tout pourquoi on haïrait un brave garçon dont on prend la femme.

      – Tu ne vois pas?… tu ne vois pas?… C’est un tact qui vous manque à tous, cela! Que veux-tu? ce sont des choses qu’on sent et qu’on ne peut pas dire. Et puis d’abord on ne doit pas?… Non, tu ne comprendrais point, c’est inutile! Vous autres, vous n’avez pas de finesse.

      Et souriant, avec un doux mépris de rouée, elle posa les deux mains sur ses épaules en tendant vers lui ses lèvres; il pencha la tête vers elle en l’enfermant dans une étreinte, et leurs bouches se rencontrèrent. Et comme ils étaient debout devant la glace de la cheminée, un autre couple tout pareil à eux s’embrassait derrière la pendule.

      Ils n’avaient rien entendu, ni le bruit de la clef ni le grincement de la porte; mais Henriette, brusquement, poussant un cri aigu, rejeta Limousin de ses deux bras; et ils aperçurent Parent qui les regardait, livide, les poings fermés, déchaussé, et son chapeau sur le front.

      Il les regardait, l’un après l’autre, d’un rapide mouvement de l’oeil, sans remuer la tête. Il semblait fou; puis, sans dire un mot, il se rua sur Limousin, le prit à pleins bras comme pour l’étouffer, le culbuta jusque dans l’angle du salon d’un élan si impétueux, que l’autre, perdant pied, battant l’air de ses mains, alla heurter brutalement son crâne contre la muraille.

      Mais Henriette, quand elle comprit que son mari allait assommer son amant, se jeta sur Parent, le saisit par le cou, et enfonçant dans la chair ses dix doigts fins et roses, elle serra si fort, avec ses nerfs de femme éperdue, que le sang jaillit sous ses ongles. Et elle lui mordait l’épaule comme si elle eût voulu le déchirer avec ses dents. Parent, étranglé, suffoquant, lâcha Limousin, pour secouer sa femme accrochée à son col; et l’ayant empoignée par la taille, il la jeta, d’une seule poussée, à l’autre bout du salon.

      Puis, comme il avait la colère courte des débonnaires, et la violence poussive des faibles, il demeura debout entre les deux, haletant, épuisé, ne sachant plus ce qu’il devait faire. Sa fureur brutale s’était répandue dans cet effort, comme la mousse d’un vin débouché; et son énergie insolite finissait en essoufflement.

      Dès qu’il put parler, il balbutia:

      – Allez-vous-en… tous les deux… tout de suite… allez-vous-en!…

      Limousin restait immobile dans son angle, collé contre le mur, trop effaré pour rien comprendre encore, trop effrayé pour remuer un doigt. Henriette, les poings appuyés sur le guéridon, la tête en avant, décoiffée, le corsage ouvert, la poitrine nue, attendait, pareille à une bête qui va sauter.

      Parent reprit d’une СКАЧАТЬ