Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde. Voltaire
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Название: Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde

Автор: Voltaire

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066074449

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СКАЧАТЬ & nos sensations, qu'entre le son que nous entendons & la grandeur, la distance, la situation de la chose entendue. Par le son, mon oreille est frappée; j'entends des tons & rien de plus. Par la vûe, mon œil est ébranlé; je vois des couleurs & rien de plus. Non-seulement les proportions de ces angles, & de ces lignes, ne peuvent en aucune maniere être la cause immédiate du jugement que je forme des objets; mais en plusieurs cas ces proportions ne s'accordent point du tout avec la façon dont nous voyons les objets.

      Exemple en preuve.

      Par exemple, un homme vu à quatre pas, & à huit pas, est vu de même grandeur. Cependant l'image de cet homme, à quatre pas, est précisément double dans votre œil, de celle qu'il y trace à huit pas. Les angles sont différens, & vous voyez l'objet toujours également grand; donc il est évident par ce seul exemple, choisi entre plusieurs, que ces angles & ces lignes ne sont point du tout la cause immédiate de la maniere dont nous voyons.

      Avant donc de continuer les recherches que nous avons commencées sur la lumiere, & sur les loix mécaniques de la Nature, vous m'ordonnez de dire ici comment les idées des distances, des grandeurs, des situations, des objets, sont reçues dans notre ame. Cet examen nous fournira quelque chose de nouveau & de vrai, c'est la seule excuse d'un Livre.

      

      

       Table des matières

       Comment nous connaissons les distances, les grandeurs, les figures, les situations.

      Les angles, ni les lignes optiques, ne peuvent nous faire connaitre les distances.

      COMMENÇONS par la distance. Il est clair qu'elle ne peut être apperçue immédiatement par elle-même; car la distance n'est qu'une ligne de l'objet à nous. Cette ligne se termine à un point, nous ne sentons donc que ce point; & soit que l'objet existe à mille lieues, ou qu'il soit à un pied, ce point est toujours le même.

      Nous n'avons donc aucun moyen immédiat, pour appercevoir tout d'un coup la distance, comme nous en avons, pour sentir par l'attouchement, si un corps est dur ou mou; par le goût, s'il est doux ou amer; par l'ouïe, si de deux sons l'un est grave & l'autre aigu. Il faut donc que l'idée de la distance nous vienne par le moyen d'une autre idée intermédiaire: mais il faut au moins que j'apperçoive cette intermédiaire; car une idée que je n'aurai point, ne servira certainement pas à m'en faire avoir une autre. Je dis qu'une telle maison est à un mille d'une telle riviére; mais si je ne sai pas où est cette riviére, je ne sai certainement pas où est cette maison. Un corps cède aisément à l'impression de ma main; je conclus immédiatement sa mollesse. Un autre résiste, je sens immédiatement sa dureté; il faudroit donc que je sentisse les angles formés dans mon œil, pour en conclure immédiatement les distances des objets. Mais personne ne s'avise de songer à ces angles quand il regarde un objet. La plûpart des hommes ne savent pas même si ces angles existent; donc il est évident que ces angles ne peuvent être la cause immédiate de ce que vous connaissez les distances.

      Exemple en preuve.

      Celui qui, pour la premiere fois de sa vie, entendroit le bruit du Canon, ou le son d'un Concert, ne pourroit juger si on tire ce canon, ou si on exécute ce concert à une lieue, ou à trente pas. Il n'y a que l'expérience qui puisse l'accoutumer à juger de la distance qui est entre lui & l'endroit d'où part ce bruit. Les vibrations, les ondulations de l'air, portent un son à ses oreilles, ou plutôt à son ame; mais ce bruit n'avertit pas plus son ame de l'endroit où le bruit commence, qu'il ne lui apprend la forme du canon ou des instrumens de Musique.

      C'est la même chose précisément par rapport aux rayons de lumiere qui partent d'un objet, ils ne nous apprennent point du tout où est cet objet.

      Ces lignes optiques ne font connaitre ni les grandeurs ni les figures.

      Ils ne nous font pas connaitre davantage les grandeurs ni même les figures.

      Je vois de loin une espèce de petite Tour. J'avance, j'apperçois, & je touche un grand Bâtiment quadrangulaire. Certainement ce que je vois & ce que je touche, n'est pas ce que je voiois. Ce petit objet rond qui étoit dans mes yeux, n'est point ce grand Bâtiment quarré.

      Exemple en preuve.

      Autre chose est donc l'objet mesurable & tangible, autre chose est l'objet visible. J'entends de ma chambre le bruit d'un carosse: j'ouvre la fenêtre & je le vois; je descends & j'entre dedans. Or ce carosse que j'ai entendu, ce carosse que j'ai vu, ce carosse que j'ai touché, sont trois objets absolument divers de trois de mes sens, qui n'ont aucun rapport immédiat les uns avec les autres.

      Il y a bien plus: il est démontré, comme je l'ai dit, qu'il se forme dans mon œil un angle une fois plus grand, quand je vois un homme à quatre pieds de moi, que quand je vois le même homme à huit pieds de moi. Cependant je vois toujours cet homme de la même grandeur: comment mon sentiment contredit-il ainsi le mécanisme de mes organes? L'objet est réellement une fois plus petit dans mes yeux, & je le vois une fois plus grand. C'est en vain qu'on veut expliquer ce mystère par le chemin, ou par la forme que prend le cristallin dans nos yeux. Quelque supposition que l'on fasse, l'angle sous lequel je vois un homme à quatre pieds de moi, est toujours double de l'angle sous lequel je le vois à huit pieds; & la Géométrie ne résoudra jamais ce Problême.

      Ni la situation des objets.

      Ces lignes & ces angles géométriques ne sont pas plus réellement la cause de ce que nous voyons les objets à leur place, que de ce que nous les voyons de telles grandeurs, & à telle distance.

      L'ame ne considere pas si telle partie va se peindre au bas de l'œil, elle ne rapporte rien à des lignes qu'elle ne voit point. L'œil se baisse seulement, pour voir ce qui est près de la terre, & se relève pour voir ce qui est au-dessus de la terre.

      Tout cela ne pouvoit être éclairci, & mis hors de toute contestation, que par quelqu'aveugle-né, à qui on auroit donné le sens de la vûe. Car si cet aveugle, au moment qu'il eût ouvert les yeux, eût jugé des distances, des grandeurs & des situations, il eut été vrai que les angles optiques, formez tout d'un coup dans sa rétine, eussent été les causes immédiates de ses sentimens. Aussi le Docteur Barclay assûroit après Mr. Loke (& allant même en cela plus loin que Loke) que ni situation, ni grandeur, ni distance, ni figure, ne seroit aucunement discernée par cet aveugle, dont les yeux recevroient tout d'un coup la lumiere.

      Preuve par l'expérience de l'aveugle-né guéri par Chiselden.

      Mais où trouver l'aveugle, dont dépendoit la décision indubitable de cette question? Enfin en 1729. Mr. Chiselden, un de ces fameux Chirurgiens, qui joignent l'addresse de la main aux plus grandes lumieres de l'esprit, ayant imaginé qu'on pouvoit donner la vûe à un aveugle-né, en lui abbaissant ce qu'on appelle des cataractes, qu'il soupçonnoit formées dans ses yeux, presqu'au moment de sa naissance, il proposa l'opération. L'aveugle eut de la peine à y consentir. Il ne concevoit pas trop, que le sens de la vûe pût beaucoup augmenter ses plaisirs. Sans СКАЧАТЬ