Название: Elémens de la philosophie de Neuton: Mis à la portée de tout le monde
Автор: Voltaire
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066074449
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La Nature a fourni un secours contre cet inconvénient, par la force qu'elle a donnée aux muscles de l'œil d'allonger, ou d'aplatir l'œil, de l'approcher ou de le reculer de la rétine. Ainsi dans cet œil de Vieillard, ou dans cet œil malade, le cristallin a la faculté de s'avancer un peu, & d'aller en D. D.: alors l'espace entre le cristallin & le fond de la rétine deviennent plus grands, les rayons ont le tems de venir se réunir sur la rétine, au lieu d'aller au-delà; mais lorsque cette force est perdue, l'industrie humaine y supplée, un verre lenticulaire est mis entre l'objet & l'œil affaibli. L'effet de ce verre est de rapprocher les rayons qu'il a reçus, l'œil les reçoit donc & plus rassemblés & en plus grand nombre: ils viennent aboutir à un point de la rétine comme il le faut; alors la vûe est nette & distincte.
Oeil myope.
Regardez cet autre œil, qui a une maladie contraire, il est trop rond: les rayons se réunissent trop tôt, comme vous le voyez au point B. ils se croisent trop vîte, ils se séparent en B. & vont faire une tache sur la rétine. C'est-là ce qu'on appelle un œil myope. Cet inconvénient diminue à mesure que l'âge en amene d'autres, qui sont la sécheresse & la faiblesse: elles aplatissent insensiblement cet œil trop rond; & voilà pourquoi on dit que les vûes courtes durent plus long-tems. Ce n'est pas qu'en effet elles durent plus que les autres, mais c'est qu'à un certain âge, l'œil desseché s'aplatit: alors celui qui étoit obligé auparavant d'approcher son Livre à trois ou quatre pouces de son œil, peut lire quelquefois à un pied de distance: mais aussi sa vûe devient bien-tôt trouble & confuse, il ne peut voir les objets éloignés; telle est notre condition, qu'un défaut ne se répare presque jamais que par un autre.
Or, tandis que cet œil est trop rond, il lui faut un Verre qui empêche les rayons de se réunir si vîte. Ce Verre fera le contraire du premier, au lieu d'être convexe des deux côtés, il sera un peu concave des deux côtés, & les rayons divergeront dans celui-ci, au lieu qu'ils convergeroient dans l'autre. Ils viendront par conséquent se réunir plus loin, qu'ils ne faisoient auparavant dans l'œil, & alors cet œil jouïra d'une vûe parfaite. On proportionne la convéxité & la concavité des Verres aux défauts de nos yeux: c'est ce qui fait que les mêmes Lunettes qui rendent la vûe nette à un Vieillard, ne seront d'aucun secours à un autre; car il n'y a ni deux maladies, ni deux hommes, ni deux choses au monde égales.
L'Antiquité ne connaissoit point ces Lunettes. Cependant elle connaissoit les Miroirs ardents; une vérité découverte n'est pas toujours une raison pour qu'on découvre les autres véritéz qui y tiennent. L'attraction de l'Aimant étoit connue, & sa direction échapoit aux yeux. La démonstration de la circulation du sang étoit dans la saignée même que pratiquoient tous les Médecins Grecs, & cependant personne ne se doutoit que le sang circulât.
Il y a grande apparence que c'est du tems de Roger Bacon au XIII. Siècle que l'on trouva ces lunettes appellées besicles, & les loupes qui donnent de nouveaux yeux aux Vieillards; car il est le premier qui en parle.
Vous venez de voir les effets que la réfraction fait dans vos yeux, soit que les rayons arrivent sans secours intermédiaire, soit qu'ils ayent traversé des cristaux: vous concevez que sans cette réfraction opérée dans nos yeux, & sans cette réflexion des rayons de dessus les surfaces des corps vers nous, les organes de la vûe nous seroient inutiles. Les moyens que la Nature employe pour faire cette réfraction, les loix qu'elle suit, sont des mystères que nous allons déveloper. Il faut auparavant achever ce que nous avons à dire touchant la vûe, il faut satisfaire à ces questions si naturelles: Pourquoi nous voyons les objets au-delà d'un Miroir, & non sur le Miroir même? Pourquoi un Miroir concave rend l'objet plus grand? Pourquoi le Miroir convexe rend l'objet plus petit? Pourquoi les Telescopes rapprochent & agrandissent les choses? Par quel artifice la Nature nous fait connaitre les grandeurs, les distances, les situations? Quelle est enfin la véritable raison, qui fait que nous voyons les objets tels qu'ils sont, quoique dans nos yeux ils se peignent renversez? Il n'y a rien là qui ne mérite la curiosité de tout Etre pensant; mais nous ne nous étendrions pas sur ces sujets que tant d'illustres Ecrivains ont traités, & nous renverrions à eux, si nous n'avions pas à faire connaitre quelques vérités assez nouvelles, & curieuses pour un petit nombre de Lecteurs.
CHAPITRE CINQ.
Des Miroirs, des Telescopes: des Raisons que les Mathématiques donnent des mystères de la vision; que ces raisons ne sont point du tout suffisantes.
LES RAYONS qu'une Puissance, jusqu'à nos jours inconnue, fait rejaillir à vos yeux de dessus la surface d'un Miroir, sans toucher à cette surface, & des pores de ce Miroir, sans toucher aux parties solides; ces rayons, dis-je, retournent à vos yeux dans le même sens qu'ils sont arrivés à ce Miroir. Si c'est votre visage que vous regardez, les rayons partis de votre visage parallèlement & en perpendiculaire sur le Miroir, y retournent de même qu'une balle qui rebondit perpendiculairement sur le plancher.
Miroir plan.
Si vous regardez dans ce Miroir M. un objet qui est à côté de vous comme A. il arrive aux rayons partis de cet objet la même chose qu'à une balle, qui rebondiroit en B. où est votre œil. C'est ce qu'on appelle l'angle d'incidence égal à l'angle de réflexion.
La ligne A. C. est la ligne d'incidence, la ligne C. B. est la ligne de réflexion. On sait assez, & le seul énoncé le démontre, que ces lignes forment des angles égaux sur la surface de la glace; maintenant pourquoi ne vois-je l'objet ni en A. où il est, ni dans C. dont viennent à mes yeux les rayons, mais en D. derriere le Miroir même?
La Géométrie vous dira: c'est que l'angle d'incidence est égal à l'angle de réflexion: c'est que votre œil en B. rapporte l'objet en D.; c'est que les objets ne peuvent agir sur vous qu'en ligne droite, & que la ligne droite continuée dans votre œil B. jusques derriere le miroir en D. est aussi longue que la ligne A C. & la ligne C B. prises ensemble.
Enfin elle vous dira encore: vous ne voyez jamais les objets que du point où les rayons commencent à diverger. Soit ce Miroir M. I.