Les ailes brûlées. Lucien Biart
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Название: Les ailes brûlées

Автор: Lucien Biart

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066323325

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СКАЧАТЬ l’avaient plongé faisaient bouillonner dans son âme les sentiments les plus contradictoires; il ne savait plus s’il l’adorait ou la haïssait; s’il devait l’écouter, la fuir ou l’écraser.

      –Monsieur, dit-elle enfin, vous allez vous battre avec M. de Lesrel, je l’ai appris. Mon mari est innocent de mes coquetteries, de votre amour; sa vie, j’en appelle à votre loyauté, doit-elle payer nos erreurs?

      Le colonel ne bougea pas, ne répondit pas. La jeune femme étouffa un sanglot, et, les mains jointes, se rapprocha de lui. Ses regards bleus, navrés, plongeaient au fond des siens. Qu’elle était belle ainsi, suppliante!

      –Monsieur, reprit-elle avec véhémence, je viens vous supplier de ne pas vous battre avec M. de Lesrel.

      –Ainsi, dit le colonel d’une voix lente, après m’avoir pris ma vie, vous venez me demander mon honneur?

      –Un jour, répondit-elle, vous m’avez demandé le mien, et comme je…

      Elle s’arrêta et fondit en larmes.

      La vue de cette femme tant aimée, qui pleurait chez lui, à cause de lui, bouleversa M. de Lansac; il fit un pas, mais recula aussitôt.

      –Monsieur, dit avec énergie Mme de Lesrel, je vous ai blessé, cruellement blessé; vous avez cru… vous croyez…

      Elle s’arrêta de nouveau, puis reprit d’une voix saccadée:

      –J’ai voulu vous fuir… j’ai… aidez-moi donc, s’écria-t-elle; vous ne devez pas, vous ne pouvez pas vous battre avec M. de Lesrel, je vous aime!

      Le colonel bondit, ses traits perdirent de leur rigidité, ses lèvres s’agitèrent. Il se pencha vers la jeune femme, étendit les bras pour la saisir et se rejeta soudain en arrière, tandis que Mme de Lesrel, rougissante, se rapprochait, au contraire, et le regardait comme à cette heure fatale qui lui avait arraché l’aveu de son amour. Elle s’écria:

      –Non, je n’ai pas été l’indigne comédienne que vous avez cru, je vous le jure. J’ai déchiré votre cœur; mais c’était avec l’espoir de dégager le mien, je ne voulais pas, je ne veux pas faillir. Si j’ai précipité un dénouement qui se faisait attendre, c’était afin de recouvrer ma liberté perdue. Vos douleurs, vos angoisses, je les connais; je vous aime.

      –Taisez-vous, taisez-vous, murmura le colonel avec désespoir.

      Elle répéta bravement:

      –Je vous aime.

      La jeune femme, palpitante, s’attendait à voir M. de Lansac se précipiter vers elle, tomber à ses pieds; elle le vit avec stupeur se reculer, pétrissant de ses doigts crispés le fauteuil sur lequel il s’appuyait.

      –Dieu m’est témoin, dit-il d’une voix rauque, que ce matin je voulais mourir, épargner le malheureux.

      Sa voix s’éteignit. Frappée d’une idée subite, Mme de Lesrel poussa un cri:

      –Je suis folle, dit-elle; mon mari?… Non, non, s’écria-t-elle d’une voix déchirante, pas ce châliment; je me trompe, dites-moi vite que je me trompe.

      Elle se dirigea vers la porte. M. de Lansac la regarda s’éloigner sans prononcer un seul mot. La jeune femme s’élança dehors. Elle pénétra dans son hôtel en même temps que le corps de son mari qui, deux heures auparavant, s’était enferré sur l’épée de M. de Lansac pourtant résolu à mourir.

      VI

      Demeuré seul, M. de Lansac s’assit machinalement sur le fauteuil où Mme de Lesrel avait reposé. L’officier ne voyait qu’un seul dénouement possible à la tragédie dont sa destinée le faisait le héros, le suicide. Il eût mis sur l’heure à exécution ce sinistre projet, si sa vieille foi bretonne ne fût venue le combattre et retenir sa main. Soudain Louis pénétra dans le salon et posa devant son maître un large pli; la guerre avec la Prusse devenait à chaque heure plus probable, et le colonel recevait l’ordre de se rendre à Metz. Se tuer au moment de marcher à l’ennemi, c’eût été une lâcheté, M. de Lansac secoua donc sa torpeur et se mit en route dans la nuit.

      Le désarroi dans lequel il trouva le quartier général ne tarda guère à l’épouvanter, et de patriotiques appréhensions vinrent encore oppresser son cœur malade. Il remua ciel et terre pour se faire écouter, et, n’ayant pu réussir à vaincre la folle confiance qui aveuglait tous ceux qui l’entouraient, il demanda un poste rapproché de l’ennemi. Deux mois après son départ de Paris, sous la tente qu’il occupait près de Reischoffen, il vit soudain paraître Mauret. Le jeune aide de camp apportait des ordres de Metz et devait repartir dans la nuit.

      Les deux officiers ne s’étaient pas revus depuis leur résolution de travailler ensemble, ils se tinrent longtemps embrassés. Aucune allusion ne fut faite au passé, on ne parla que de la guerre. Le soir, alors qu’ils se promenaient en pleine campagne, le colonel dit tout à coup, presque à voix basse:

      –Pouvez-vous, Mauret, me donner des nouvelles de Mme de Lesrel?

      –Oui, répondit le jeune homme, dont le front s’assombrit, je l’ai vue il y a quinze jours et j’ai eu peine à reconnaître notre belle amie d’autrefois.

      –Sait-elle, demanda M. de Lansac, après, un instant de silence, que j’exposais ma vie lorsque son mari, croyant à une feinte, s’est enferré sur mon épée?

      –Elle le sait.

      –Elle me maudit?

      –Non, Lansac, elle ne vous maudit pas; elle… Sur mon honneur, s’écria le jeune officier, je ne crois pas qu’il y ait au monde un être plus malheureux qu’elle, si ce n’est vous.

      –Elle prononce encore mon nom?

      –Oui, comme celui d’un ami dont elle est à jamais séparée, dont elle espère de grandes choses.

      Le colonel secoua la tête avec tristesse.

      –Nous nous battrons en hommes, dit-il; mais rappelez-vous mes paroles, Mauret, nous serons vaincus.

      Le jeune officier protesta, il voyait l’horizon moins noir que ne le voyait son ami, il avait confiance dans le soldat, dont le courage répare souvent les fautes de ses chefs. M. de Lansac l’écouta sans le contredire. Vers dix heures du soir, Mauret monta à cheval pour regagner Metz.

      –Si vous écrivez à Mme de Lesrel, dit le colonel, si vous la revoyez… Mais non, rien.

      Les deux officiers se séparèrent émus. Sait-on jamais, lorsque le canon se dispose à tonner, si l’on se reverra le lendemain? M. de Lansac ne rentra pas sous sa tente; il se promena longtemps solitaire. La nuit était tiède, les étoiles scintillantes, et, le regard levé vers ces mondes, le colonel songeait à la vie future, à ce lendemain de la mort dont nulle philosophie n’a pu soulever le voile. Il se demandait ce que pèsent nos actions dans la balance du Juge éternel, quel dédommagement attend ceux qui ont souffert ici-bas. Un peu avant le jour, il se jeta sur son lit, pour se réveiller en pleine bataille.

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