Hyacinthe. Assollant Alfred
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Читать онлайн книгу Hyacinthe - Assollant Alfred страница 6

Название: Hyacinthe

Автор: Assollant Alfred

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066087401

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СКАЧАТЬ bien, me croira qui voudra, cet «à ce soir, monsieur Félix?» m'avait rendu le plus heureux des hommes. C'est la première fois qu'elle m'appelait de mon nom de baptême. Jusque-là j'avais été Trapoiseau, premier clerc de maître Bouchardy. Du coup je venais de passer «Félix». Sentez-vous la différence?

       Table des matières

       Table des matières

      Je perdis bien encore quelques minutes à bercer dans mes rêveries cette douce pensée que deux jeunes demoiselles,—les plus belles à mon avis, et les plus riches de la puissante cité de Creux-de-Pile,—m'avaient mis souvent en tiers dans leurs conversations, et que l'une d'elles parlait dans l'intimité de «Félix», tandis que l'autre répondait en parlant de «Michel».

      Hé! hé! n'a pas ce bonheur-là qui veut!

      Enfin, il fallut prendre la plume et commencer gravement:

      «Par devant maître Bouchardy et son collègue...»

      Après quoi j'allai tout d'un trait et sans débrider jusqu'à la fin, tant j'étais rempli, pénétré, saturé des clauses du contrat.

      Quand tout fut prêt, je rentrai chez moi pour souper et prendre un habit noir et une cravate blanche.

      Chez moi, je veux dire chez ma mère, et quoiqu'on se doute bien que la veuve de l'huissier Trapoiseau n'était pas une grande dame et n'habitait pas un palais, on imaginera difficilement la vérité.

      Ma mère occupait au second étage et de plain-pied avec la rue, la maison étant adossée au rocher (notez cette coïncidence), une grande chambre et un petit cabinet qui dominaient tous les deux la rivière de plus de cent pieds de haut. Le pavé de la chambre était fait de terre battue, comme celui des granges. Le cabinet, plus heureux, avait un plancher de bois. Mais la chambre servait à tout.

      D'abord, ma mère y couchait. Ensuite elle y faisait sa cuisine (maigre, très maigre cuisine!) composée le matin d'une soupe à l'oignon, à midi d'un ragoût de mouton et de pommes de terre qui durait trois jours. Le quatrième jour, on le remplaçait par une omelette mêlée de pommes de terre. A dire vrai, les pommes de terre étaient le légume favori de ma mère et sa nourriture principale; aussi les fourrait-elle au hasard dans toutes les sauces, et telle est la douce influence d'un bon appétit que j'avalais avec plus de plaisir une omelette aux pommes de terre qu'un banquier n'avale une dinde aux truffes.

      Le souper, régulièrement servi à sept heures du soir, se composait, en hiver: le lundi, d'une soupe aux choux; le mardi d'une soupe aux raves; le mercredi, d'une soupe aux choux; le jeudi, d'une soupe aux raves; le vendredi d'une soupe aux choux; le samedi d'une soupe aux raves; et le dimanche,—jour de fête, de luxe, de magnificence et de prodigalité, d'une soupe aux choux mêlés de raves et de pommes de terre.

      Pour faire couler le tout, une eau délicieuse puisée à la fontaine voisine, au pied du rocher sur lequel la maison était bâtie. Quant au vin, il était né dans le pays, c'est-à-dire plus âpre et plus difficile à digérer qu'une condamnation à trois mois de prison et 6.000 francs d'amende. Au reste, ma mère n'en a jamais goûté; pour moi, j'en buvais avec une extrême modération. Un litre tous les dix jours que ma mère allait chercher dans la boutique du cabaretier d'en face. Cinq sous en gros et six sous au détail.

      Vous me croirez si vous voulez, ce régime, aidé du grand air et de beaucoup d'exercice, vaut mieux que celui des Parisiens. Mon grand-père Trapoiseau qui n'a jamais goûté ni vin ni viande a vécu quatre-vingt-quinze ans.

      Vous voyez maintenant le logis de ma mère et le mien. Quant à ma mère elle-même, figurez-vous une coiffe de paysanne, une figure taillée à coups de serpe dans un chêne, des bras solides, des poignets noueux et un air dur et gai tout ensemble,—dur pour elle-même et quelquefois pour le prochain, mais toujours gai pour moi,—c'est elle.

      La maison que nous habitions était à nous; mais par quart seulement. Ma mère avait acheté le second étage et le grenier. Le propriétaire du premier,—un aristocrate celui-là, était un tisserand. Celui du rez-de-chaussée était un maréchal-ferrant. Les chevaux descendaient chez lui par un sentier étroit garni d'un parapet ou garde-fou de deux pieds de haut qui les avertissait de ne pas caracoler au hasard, de peur de tomber dans la rivière...

      Le grenier avait été cédé de bonne grâce à un propriétaire qui serrait là son foin et son avoine. Je veux dire qu'on les serrait pour lui; car ce pauvre Aristide était si bête, au dire de ma mère, qu'il n'avait jamais su rien faire de ses dix doigts.

      En deux mots, c'était un âne, un âne à quatre pattes, l'âne de ma mère et après moi ce qu'elle avait de plus précieux au monde. Aristide était son gagne-pain, son compagnon de voyage; il aurait été le confident de ses peines si elle avait eu des peines: mais elle avait trop de courage et de bon sens pour s'inquiéter ou s'affliger de rien.

      C'est Aristide qui traînait la voiture; car ma mère avait une voiture, comme une duchesse, et la conduisait elle-même à la foire. Ce n'était pas un carrosse, oh! non; ni une calèche découverte, ni un four-in-hand, ni un huit ressorts; c'était une bonne carriole bien solide où ma mère qui faisait tous les commerces honnêtes, depuis le bonnet de coton jusqu'aux clous et aux fers à cheval, avait l'habitude d'entasser sa marchandise.

      La carriole n'avait que deux roues, ma mère marchait à côté d'Aristide dans la montée et tricotait en disant de bonnes paroles pour l'encourager. Vers le haut de la côte, elle tirait de sa poche un morceau de sucre et le lui montrait. Aristide qui ne manquait pas d'esprit pour son âge, car il avait quatorze ans déjà, faisait un dernier effort, surmontait le dernier obstacle et tirait voluptueusement la langue où ma mère déposait le sucre. Il fermait les yeux pendant une minute pour mieux savourer son bonheur.......

      Après quoi, l'on se remettait en marche, dans les descentes, ma mère s'asseyait sur le derrière de la carriole pour faire contre-poids.

      Oh! comme ils s'entendaient bien, elle et lui! Et que le philosophe avait raison, qui dit que l'âne est un «frère inférieur» de l'homme! Si j'osais, je dirais «un frère supérieur» car il est meilleur, plus honnête, plus sobre, plus patient, plus robuste, plus doux et souvent plus courageux. Que lui manque-t-il donc?... L'intelligence?... Qui sait? Il n'entend pas le latin, c'est vrai, et même, à cause de cela on décore du nom d'ânes, dans les collèges, ceux qui ne peuvent pas lire Sénèque à livre ouvert... Eh bien! après?... En sont-ils plus malheureux?...

      Aristide savait tout ce qu'il faut savoir: qu'on doit aimer ses amis, cogner ses ennemis (comme il fit le jour où le petit Carbeyrou, ayant attaché un fagot d'épines sous sa queue, il lui cassa trois dents d'une ruade), respecter le bien d'autrui, honorer les puissants, c'est-à-dire se ranger sur le passage de la diligence, de peur d'être accroché; braire galamment à la vue des bourriques, ce qui est un hommage à leur beauté; traîner une carriole pesamment chargée; faire enfin tout ce qui concernait son état, et par ce moyen avoir du foin, de l'avoine et des chardons en abondance.

      En savez-vous tous autant, chrétiens qui m'écoutez?

      Mais je reviens à mon histoire. J'arrivai donc à sept heures chez ma mère qui m'attendait, exacte et ponctuelle СКАЧАТЬ