Scènes de la vie de jeunesse: Nouvelles. Henri Murger
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Название: Scènes de la vie de jeunesse: Nouvelles

Автор: Henri Murger

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085803

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СКАЧАТЬ faut être heureux! c'est la fin de tout être sensible; c'est le premier désir que nous imprima la nature et le seul qui ne nous quitte jamais. Mais où est le bonheur? Chacun le cherche et nul ne le trouve; on use sa vie à le poursuivre et on meurt sans l'avoir atteint.»

      Pour la millième fois au moins Ulric faisait en réflexion le tour de cette phrase, dont la conclusion est si désespérée, lorsque des cris perçants qui retentissaient au dehors vinrent brusquement l'arracher à sa rêverie.

      Ulric courut à sa fenêtre.

      Des cris: au secours! Au secours! continuaient plus pressés et plus inquiets. Ils paraissaient sortir d'une croisée faisant face au corps de logis habité par Ulric, qui reconnut la voix d'une femme.

      Il descendit en toute hâte l'escalier, et en quelques secondes il était arrivé sur le palier de l'étage supérieur, où les cris avaient atteint le diapason de l'épouvante.

      —Qu'y a-t-il donc? demanda Ulric à quelques voisins assemblés sur le carré.

      —Ah! dit une commère avec un accent de fausse pitié, c'est la mère Durand qui vient de trépasser, et c'est sa petite qui crie. Que c'est un enfer dans la maison depuis quinze jours, que la vieille tousse son âme par petits morceaux du matin au soir; qu'on ne peut pas fermer l'œil; que c'est bien malheureux pour de pauvres gens qui ont si besoin de repos; que la vieille n'a pas voulu aller à l'hôpital, qu'elle était trop fière; qu'elle a mieux aimé voir sa pauvre enfant s'abîmer le tempérament à la veiller; qu'elle lui disait encore des sottises par-dessus le marché; qu'enfin nous en voilà débarrassée, et que nous allons pouvoir dormir.

      Ce speach avait été prononcé d'un seul trait par une horrible femme, dont la figure ignoble et la voix enrouée étaient ravagées par l'ivrognerie.

      Ulric entra dans la chambre, où les sanglots avaient succédé aux cris. C'était un taudis sinistre, désolé, obscur, humide, et dont l'atmosphère étreignait la gorge. Dans un coin, sur un grabat mal caché par de misérables loques servant de rideaux, était étendue la morte, cadavre jaune et long, dont les membres roidis paraissaient encore lutter contre les attaques de l'agonie, et dont la bouche horriblement ouverte semblait vomir des blasphèmes posthumes.

      Au pied du lit, tenant dans ses mains une des mains de la trépassée, une jeune fille en désordre était accroupie dans l'abrutissement de la douleur et du désespoir. Une femme du voisinage essayait de lui donner de banales consolations. À l'entrée d'Ulric la jeune fille avait à peine levé la tête, et était aussitôt retombée dans son insensibilité.

      —Madame, dit Ulric à la voisine, vous devriez emmener cette jeune fille de cette chambre, ce spectacle la tue.

      —C'est ce que je lui disais, mon cher monsieur, mais elle ne m'entend pas.

      —Il faudrait pourtant prendre auprès d'elle quelques informations, dit Ulric, pour savoir le nom de ses parents, de ses amis, afin de les avertir.

      —Ah! la pauvre fille! je la crois bien abandonnée, répondit la voisine en essayant de faire revenir l'orpheline au sentiment de la réalité.

      Enfin elle rouvrit les yeux, qu'elle baissa aussitôt en apercevant un étranger, et murmura quelques paroles confuses. Puis les sanglots la reprirent, et elle tomba de nouveau à genoux au pied du lit.

      —Allons, ma petite, dit la voisine, ne vous désolez donc pas comme ça! à quoi que ça sert? Nous sommes tous mortels, d'ailleurs; et puis, après tout, c'est un bien pour un mal. Elle n'était pas bonne, la défunte; méchante, hargneuse et dépensière; on ne pouvait pas la souffrir dans la maison, d'abord: demandez un peu aux voisins, vous verrez ce qu'ils vous diront.

      —Madame!... dit Ulric en jetant à la voisine un regard sévère.

      —Eh! c'est la vérité du bon Dieu, ce que je dis là, reprit-elle. Vous ne vous figurez pas, mon cher monsieur, quelle méchante créature c'était que la mère Durand, et combien elle a fait souffrir la pauvre Rosette, qui est bien un véritable ange de patience; qu'elle la battait comme plâtre, et lui prenait tout l'argent qu'elle gagnait pour aller boire toute seule des liqueurs qui l'ont conduite insensiblement au tombeau; que le médecin l'avait bien dit, là! Aussi, moi je dis que ça ne vaut pas la peine de tant se chagriner, et que c'est un bon débarras, comme dit cet autre....

      —Silence! madame! s'écria Ulric indigné de pareils propos. Dans un tel moment, devant ce lit, c'est odieux.

      Et comme la voisine continuait, Ulric, ne pouvant davantage contenir sa colère, la prit par le bras et la mit dehors.

      Peu à peu Rosette sortit de son abattement, et lorsque, revenue presque entièrement à elle, elle aperçut un jeune homme dans cette chambre où elle se croyait seule, elle ne put retenir un cri d'étonnement.

      —Pardonnez-moi, mademoiselle, dit Ulric très doucement, si j'ai pris la liberté d'entrer chez vous....

      —Je... ne... vous connais pas... je ne sais, monsieur... répondit la jeune fille en balbutiant.

      —Tout à l'heure, reprit Ulric, j'ai entendu appeler au secours, et je suis monté; voilà comment vous me trouvez ici. Veuillez m'excuser si j'ai pris la liberté de rester; dans les circonstances douloureuses où vous vous trouvez, et vous voyant seule, j'ai cru devoir rester pour me mettre à votre disposition....

      —Merci, monsieur, dit Rosette. Je....

      —La mort de votre mère nécessite des démarches à faire; il y a une foule de détails dont vous ne pouvez vous occuper vous-même. Il faut prévenir vos parents, vos amis, pour qu'ils viennent vous assister.... Toutes ces courses, je les ferai. Ce sont là de légers services qui se proposent et qui s'acceptent entre voisins, car je suis le vôtre; je m'appelle Marc Gilbert; je suis ouvrier et je travaille dans la fabrique de M. Vincent....

      —Je n'ai ni parents ni amis; je n'avais que ma mère. Ah! Mon Dieu! Comment faire? Qu'est-ce que je vais devenir? s'écria Rosette en pleurant.

      Ce cri, qui révélait un abandon et une misère si profonds, émut Ulric.

      —S'il en est ainsi, mademoiselle, dit-il à Rosette, par amour même pour votre mère, vous devriez accepter mes propositions, et me laisser le soin de veiller aux tristes devoirs qu'il reste à accomplir.

      Après une longue hésitation, Rosette se laissa convaincre et accepta les offres de service que lui faisait Ulric.

      Le lendemain un modeste corbillard emmenait à l'église le corps de la mère Durand, et de là au cimetière, où Ulric avait acquis une fosse particulière pour que l'orpheline pût y agenouiller son souvenir filial.

      Deux jours après l'enterrement de sa mère, Rosette vint chez Ulric pour le remercier de ce qu'il avait fait pour elle. Elle exprima sa reconnaissance avec une franchise et une sincérité telles qu'Ulric resta encore plus ému après cette seconde entrevue qu'il ne l'avait été lors de sa première rencontre avec la jeune fille.

      Quelque temps après, comme il rentrait chez lui le soir, son portier lui remit une lettre. Ulric, inquiet de savoir qui pouvait lui écrire, courut d'abord à la signature: il y trouva celle de Rosette. La lettre contenait ces mots:

      «Monsieur Marc, «Excusez-moi si je prends la liberté de vous écrire; c'est que j'ai de mauvaises nouvelles à vous apprendre, et je ne puis pas aller chez vous pour СКАЧАТЬ