Chevalier de Mornac: Chronique de la Nouvelle-France (1664). Joseph Marmette
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Название: Chevalier de Mornac: Chronique de la Nouvelle-France (1664)

Автор: Joseph Marmette

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085445

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СКАЧАТЬ transporta dans la chaloupe du père Thibault une petite valise qui contenait tout le bagage et la fortune du Gascon.

      En voyant le mince porte-manteau de son hôte, l'aubergiste fit la grimace. Pourtant, lorsque le chevalier mit le pied dans la chaloupe, Boisdon le salua respectueusement et lui dit qu'il était flatté d'avoir l'honneur d'héberger un gentilhomme.

      —Qui sait, après tout, s'était dit l'hôtelier, cette valise peut être remplie d'argent, et notre hôte payer libéralement.

      Quelques personnes prirent place à côté du chevalier, les autres dans les deux chaloupes du vaisseau, et ces embarcations se dirigèrent, force de rames, vers l'endroit de la basse-ville où s'élevait encore le magasin construit par Champlain.

      Sur le rivage plusieurs gens attendaient les arrivants. Car c'étaient des compatriotes, des amis, des parents peut-être, qu'ils allaient recevoir. Et n'aurait-on pas aussi de récentes nouvelles de France, du bon pays des aïeux dont on conservait si douce souvenance, où les pères dormaient leur dernier sommeil et que les enfants ne reverraient probablement jamais.

      Des acclamations des cris de joie et de reconnaissance, accueillirent les nouveaux venus. Mornac ne connaissait personne et s'empressait de débarquer avec sa valise, lorsque l'aubergiste héla certain gamin de douze ans, qui, la tignasse ébouriffée, le nez au vent et les mains dans les poches, regardait chacun d'un air effrontément inquisiteur.

      —Jean! cria l'hôtelier, arrive ici, petiot, et monte, à la maison le porte-manteau de monsieur.

      C'était le fils aîné de Jacques Boisdon, messire Jean dont nous avons raconté, dans François de Bienville, les mésaventures si bien méritées.

      Jean s'approcha et fit mine de s'emparer de la valise du Gascon.

      Celui-ci s'écria:

      L'enfant va s'éreinter!

      —Oh! non, monsieur, repartit l'affreux gamin: ça ne pèse pas le diable, vos bagages, allez!

      Et d'un tour de main, il enleva la valise qu'il mit sur son épaule gauche.

      —Mordiou! Maroufle! s'écria le Gascon, prétends-tu te moquer de moi?

       C'est que je te couperais la langue, vois-tu?

      —Ne lui coupez rien, monsieur le marquis! s'écria Boisdon. Quoiqu'il n'y paraisse pas, voyez-vous, mon Jeannot est robuste et aime montrer sa force.

      —A la bonne heure; sandis! répondit Mornac.

      —Veuillez me suivre, messieurs, dit Boisdon à ses hôtes, qui prirent avec lui le chemin de la haute-ville, et s'engagèrent dans la rue Sous-le-Fort.

      Boisdon fils les suivait par derrière et murmurait entre ses dents, en faisant sauter sur ses épaules le léger porte-manteau du Gascon.

      —C'est égal, tout de même, ça ne pèse pas beaucoup et ça sonne creux.

       Mais il faudra dire le contraire pour que monsieur me donne des sous.

      On voit que le satané garçon avait déjà la passion du gain bien développée.

      Mornac gravissait lestement la rude montée du fort à la haute-ville. Le poing droit campé sur sa hanche, la main gauche arrêtée sur la garde de son épée, la grande plume rouge de son large feutre frissonnant sous le vent du matin, il s'en allait la tête haute avec un sourire dédaigneux aux lèvres, et contemplait les quelques maisons sombres et d'apparence plus que modeste qui se dressaient çà et là sur son passage.

      Il eut pourtant un serrement de coeur lorsqu'il longea le cimetière qui se trouvait alors occuper cette langue de terre qui descend de l'édifice du Parlement vers la côte et où l'on voit encore des pieux de palissade noircis par la pluie et le temps. Quelques petites croix de bois, plantées sur de légers renflements de terrain, rappelaient aux passants que tous, tôt ou tard, doivent aller dormir dans un semblable lit de terre et de gazon jusqu'au grand réveil du jour éternel.

      —Est-ce donc ici que je dois laisser mes os? se dit le chevalier. Bah! qu'importe, après tout. Et, sandis! ce ne serait pas encore trop malheureux que de mourir de ma belle mort; car on dit que dans ce pays, il est plus rare d'expirer dans son lit que sous le fer et le feu des Sauvages.

      Pour chasser ces funèbres pensées, il détourna la tête à gauche et regarda les hautes murailles du château St. Louis, qui se dressent fièrement sur le sommet de la falaise.

      Comme il arrivait au point culminant de la côte, ses yeux s'arrêtèrent sur le terrain, vaste alors, où s'élèvent aujourd'hui le bureau de poste et le bloc de maisons qui s'étendent en face.

      Une trentaine de cabanes d'écorce, faites en forme de cône, s'offraient aux regards ébahis de l'étranger. C'était le «Fort-des-Hurons».

      Ces wigwams servaient d'abri aux quelques infortunés descendants de la grande nation huronne, qui, naguère encore régnait en souveraine sur les immenses forêts du Canada.

      Décimés, presque anéantis par les Iroquois, qui de 1648 à 1650, avaient porté le massacre et ils destruction dans les bourgades de Saint-Joseph, de Saint-Ignace, de Saint-Louis et de Saint-Jean, les malheureux Hurons avaient dit adieu aux bords du beau lac qui sera seul garder leur nom, et s'en étaient venus chercher un refuge aux environs de Québec. Il y avait à peine quelques années qu'ils respiraient en paix dans l'île d'Orléans, lorsque le tomahawk Iroquois s'en vint les relancer dans un endroit oh les malheureux s'étaient crus un instant à l'abri de la haine implacable de leurs mortels ennemis. Beaucoup furent tués, la plus grande partie emmenés en captivité. Ceux-là seuls qui purent s'échapper, c'était le petit nombre, accoururent implorer la pitié des Français et se placer sous la protection immédiate des canons et des mousquets d'Ononthio, [8] c'est-à-dire sous les murs même du Château-du-Fort. Ce n'est que vers 1676 que les restes infimes d'une nation, autrefois si puissante et si fière, enlevèrent leurs wigwams du Fort-des-Hurons pour aller s'établir à Sainte-Foye, trois ou quatre milles à l'ouest de Québec. Quelques six années plus tard, le gibier des bois voisins étant épuisé, ils allèrent se fixer à trois lieues de Québec, à la Vieille-Lorette, où le dernier vrai Huron repose maintenant sous la terre de l'oubli.

      [Note 8: Les Sauvages désignaient ainsi les gouverneurs français. Ce nom qui signifiait grande montagne et qui était la traduction sauvage de celui de Montmagny, s'étendit ensuite à tous les gouverneurs qui succédèrent celui-là.]

      Mornac regardait avec surprise le camp des Sauvages. De légers flocons de fumée blanche montaient en spirale par le haut des wigwams, dont les pans d'écorce de bouleau se paraient de peintures bizarres représentant les insignes du maître qui l'habitait. La plupart des animaux du pays, depuis l'ours et le loup jusqu'à la loutre et le rat-musqué, y défilaient paisiblement sous les yeux surpris du Français. A la porte des cabanes, les hommes, à moitié nus, fourbissaient leurs armes, façonnaient des flèches ou repassaient des peaux d'animaux récemment tués. Plus loin, des jeunes gens s'exerçaient à sauter ou à lancer des flèches. Ici, les vieilles femmes s'occupaient des apprêts du frugal repas du matin, tandis que de plus jeunes berçaient un nourrisson dans leurs bras nus en chantant un air triste et doux. Quelques jeunes filles, attirées par le passage des arrivants, se tenaient tout près de la palissade qui entourait le fort des Hurons. Leur oeil ardent et noir brillait entre les pieux de l'enceinte, en se fixant sur le chevalier de Mornac, dont la bonne mine et la fière moustache faisaient battre bien vite le coeur de plus СКАЧАТЬ