Anie. Hector Malot
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Название: Anie

Автор: Hector Malot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089573

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СКАЧАТЬ que faire, écoutant sans en avoir l'air ce qui se disait dans le hall ; au lieu de répondre à son mari, madame Barincq vint à la porte de la cuisine :

      — En attendant qu'on arrive, préparez vos verres et vos plateaux, dit-elle, ne laissez pas le feu s'éteindre ; vous ne ferez pas chauffer le chocolat avant minuit.

      Revenant dans le hall, elle fit signe à son mari de la suivre, et passa dans la salle à manger, puis dans le salon d'où le bruit des voix ne pouvait pas arriver jusqu'à la cuisine.

      — Qu'est-ce que c'est que cette folie ? demanda-t-elle.

      — Quelle folie ?

      — Celle de vouloir assister à l'enterrement ?

      — N'est-ce pas tout naturel ?

      — Naturel d'aller à l'enterrement de quelqu'un avec qui on avait rompu toutes relations, non ; qui pendant dix-huit ans ne vous a pas donné signe de vie bien qu'il vous sût dans une position gênée, alors que lui jouissait de cinquante mille francs de rente ! Non, non, mille fois non.

      — Tout ce que tu diras ne fera pas que nous n'ayons été frères, que nous ne nous soyons aimés dans nos années de jeunesse, et qu'au jour de sa mort le souvenir de nos différends s'efface pour ne laisser vivace et douloureux que celui de notre affection fraternelle. Il n'était pas ton frère, je comprends que tu parles de lui avec cette indifférence ; il était le mien, je le pleure.

      — Pleure-le tant que tu voudras, pourvu que ce soit en dedans et que tu n'attristes pas notre fête.

      — Tu veux !

      — Quoi ?

      Il resta un moment sans répondre, stupéfait.

      — Comme je vais partir, je ne vous attristerai pas.

      — Partir !

      — Par le train de onze heures.

      — Tu es fou.

      Il ne répondit pas et regarda sa fille les yeux noyés de larmes.

      — Et comment comptes-tu partir ? Avec quel argent ? Je te préviens qu'il me reste quinze francs ; et ils sont pour Barnabé. D'ailleurs, si tu partais, qui ferait danser notre monde ?

      — Tu veux faire danser !

      — Pouvons-nous prévenir nos invités ? D'une minute à l'autre ils vont arriver. Est-il possible de les renvoyer ? En tout cas, alors même que cela serait possible, je ne le ferais pas : nous nous sommes imposé assez de sacrifices en vue de cette soirée, pour ne pas les perdre. D'ailleurs, qui la connaît cette dépêche ?

      — Nous.

      — Eh bien, faisons comme si nous ne la connaissions pas, ce sera la même chose.

      — Pour toi peut-être qui n'aimais pas Gaston ; pour Anie aussi qui ne se souvient guère de son oncle…

      — C'est là sa condamnation.

      — … Mais, pour moi, crois-tu que, sous le coup de cette mort, je pourrais montrer à tes invités un visage affable ?

      — Avant de penser à ton frère, tu penseras à ta fille, je l'espère, et tu te feras le visage que tu dois montrer dans une fête qui est donnée pour elle ; si c'est beau d'être frère, c'est mieux d'être père ; si c'est bien d'être tendre aux morts, c'est mieux de l'être aux vivants. Je t'engage donc à réfléchir, ou plutôt à te dépêcher d'aller t'habiller.

      Comme il ne bougeait pas, elle se tourna vers sa fille :

      — Parle à ton père, dit-elle, fais-lui entendre raison, si tu peux, moi j'y renonce.

      Les quittant elle retourna dans la cuisine donner ses derniers ordres à

       Barnabé.

      Après un moment de silence il tendit la main à sa fille :

      — J'aurais voulu ne pas t'attrister, dit-il, mais c'est plus fort que moi ; je ne peux pas ne pas penser à cette mort sans une sorte d'anéantissement, comme je ne peux pas me voir condamné à rester ici sans révolte ; et pourtant, tu sais si je suis un révolté. Depuis vingt ans j'ai terriblement souffert de la pauvreté, mais jamais à coup sûr autant qu'en cette soirée, en t'entendant parler de ton mariage, comme tu l'as fait tout à l'heure, et maintenant en restant là impuissant… Ah ! ma chère enfant, qu'on est malheureux, humilié dans sa dignité, atteint au plus profond de sa tendresse de ne pouvoir rien pour ceux qu'on aime ! Et c'est là mon cas : à la même heure je te vois prête à te jeter dans le mariage comme dans le suicide parce que, misérables que nous sommes, tu désespères de l'avenir ; et d'autre part je ne peux pas davantage donner à mon frère un dernier témoignage d'affection. Ah ! misère, que tu es dure à ceux que tu accables !

      Il s'arrêta, et, attirant sa fille, il l'embrassa :

      — Comprends-tu qu'il n'y a rien à me dire, et que, si mes yeux sont attristés, ce n'est pas ma faute ?

      Un bruit de voix se fit entendre dans la salle.

      — Va recevoir tes invités, dit-il, moi je monte m'habiller.

       Table des matières

      Il avait rapidement grimpé les marches raides de l'escalier afin de revenir au plus vite, mais sa toilette lui prit plus de temps qu'il n'aurait voulu, car lorsqu'il essaya de boutonner sa chemise la nacre usée par les blanchissages s'émietta dans ses doigts, et il dut coudre un nouveau bouton : quand sa femme et sa fille s'occupaient à recevoir leurs invités, il n'allait pas appeler l'une ou l'autre à son secours. D'ailleurs, avec son vieux linge il était habitué à ce que pareil accident lui arrivât ; et dans cette petite pièce encombrée de malles, de caisses, de cartons, qui lui servait de cabinet de toilette, il savait où trouver des aiguilles et du fil.

      En redescendant, comme il passait devant un petit appentis dont Anie avait fait son atelier en l'ornant avec quelques morceaux de peluche et de soie, il vit sa fille devant le tableau qu'elle venait d'achever, ayant près d'elle un petit homme jeune encore, mais chauve et à lunettes, qu'il reconnut pour René Florent, le rédacteur en chef de la Butte. Depuis quinze jours on parlait de cette visite du journaliste. Viendrait-il ? ne viendrait-il point ? Bien que sa critique fût hargneuse et méprisante, négative avec outrecuidance quand elle n'était pas bassement envieuse ; bien que la Butte, petit journal de quartier, ne fût guère lu qu'à Montmartre ou aux Batignolles, pour ses personnalités et ses méchancetés, Anie désirait qu'il parlât de son tableau. Dût-il en dire du mal, ce serait toujours une consécration. Plusieurs fois elle l'avait fait inviter par des amis communs. Toujours il avait promis. Jamais il n'était venu.

      Maintenant quelle allait être son impression et son jugement ? Il se redressa, et reculant de deux pas, sans s'être aperçu que le père l'écoutait :

      — Vous savez, dit-il, que si vous comptez sur cette petite chosette pour secouer l'indifférence du public et frapper un coup, il faudra en rabattre et déchanter. C'est propret, ce n'est même que СКАЧАТЬ