Clotilde Martory. Hector Malot
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Название: Clotilde Martory

Автор: Hector Malot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066089115

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СКАЧАТЬ marchâmes pendant quelques instants, réfléchissant l'un et l'autre; Vimard à je ne sais trop quoi, moi à ce que cet entretien avait de singulier; car venu au Prado pour écouter les confidences et les secrets de Vimard, j'avais parlé presque seul. Il rompit le premier le silence.

      —Ainsi, dit-il, on ne vous a jamais fait d'ouvertures dans l'intérêt du parti napoléonien?

      —Jamais.

      —Hé bien, je l'ai cru, en vous voyant à la bibliothèque, et c'est pour savoir comment vous les aviez accueillies que je vous ai amené ici pour tenir conseil et m'entendre avec vous.

      —On vous a donc fait ces ouvertures à vous?

      —Oui, à moi, comme à un grand nombre d'officiers.

      —Une conspiration?

      —Non, car s'il avait été question d'une conspiration, on y aurait mis, je pense, plus de réserve.

      —C'est tout haut qu'on vous demande si vous êtes disposés à appuyer le rétablissement de l'empire.

      —Hé, mon cher, ce n'est pas cela qu'on nous demande, car, au premier mot, beaucoup d'officiers, moins fermes que vous, tourneraient le dos au négociateur. On nous représente seulement qu'un jour ou l'autre un conflit éclatera entre le président de la République et l'Assemblée, et l'on insiste sur les avantages qu'il y a pour l'armée à se ranger du côté de Louis-Napoléon; en même temps on glisse quelques mots adroits sur les avantages personnels qui résulteront pour les officiers disposés à prendre ce parti. Tout cela se fait doucement, habilement, par un homme qui est l'agent du bonapartisme dans le Midi, le commandant de Solignac.

      En entendant ce nom, il m'échappa un mouvement involontaire.

      —Vous le connaissez? demanda Vimard.

      —Non; j'ai entendu son nom et je l'ai vu figurer dans les procès de Strasbourg et de Boulogne.

      —C'était précisément pour savoir quel avait été son rôle dans ces deux affaires que je suis allé à la bibliothèque. Ici il se remue beaucoup, et il n'y a pas d'officier qu'il n'ait vu à Marseille, à Toulon, à Grenoble, à Montpellier; si vous n'arriviez pas d'Afrique, vous le connaîtriez aussi; c'est un homme que je crois très-habile.

      —Le procès le montre tel.

      —S'il y a jamais un mouvement napoléonien, il tiendra tout le Midi dans sa main, et c'est là un point très-important, car la Provence entière est légitimiste ou républicaine, et l'on assure que la Société des montagnards y est très-puissante. Ce qu'il y a de curieux dans cette action du commandant de Solignac, c'est qu'elle s'exerce d'une façon mystérieuse; on sent sa main partout, mais on ne la trouverait nulle part, si l'on voulait la saisir. En apparence, il vit tranquillement à Cassis, comme un vieux soldat retraité, et il paraît n'avoir pas d'autre occupation que de faire la partie du général Martory, une culotte de peau, celui-là, et tout à fait inoffensif. Pour mieux tromper les soupçons, il fait dire, ou tout au moins il laisse dire qu'il est au mieux avec la fille du général.

      —C'est une infamie! je connais mademoiselle Martory; c'est une jeune fille charmante; un pareil propos sur son compte est une monstruosité.

      —Je ne connais pas mademoiselle Martory; ce que je dis n'a donc aucune importance à son égard, mais seulement à l'égard de Solignac.

      —Mademoiselle Martory n'a pas vingt ans, ce Solignac en a soixante.

      —Pour moi, cela ne prouverait rien; j'ai vu des jeunes filles séduites par des vieillards; Dieu vous garde, mon cher Saint-Nérée, d'aimer jamais une femme qui ait été perdue par un vieux libertin. Toute femme peut se relever, excepté quand elle a été flétrie par un vieillard. C'est l'expérience de quelqu'un qui a souffert de ce mal affreux, qui vous parle en ce moment. Enfin, je crois d'autant plus volontiers à la fausseté du bruit qui court sur mademoiselle Martory, que ce bruit profite à Solignac. Mais puisque vous connaissez le général Martory, je ne parle pas davantage du Solignac, car bien certainement un jour ou l'autre vous le rencontrerez, et comme il voudra vous tâter et vous engager, vous verrez alors quel homme c'est. Parole d'honneur, je suis content qu'il s'adresse à vous, il aura à qui parler.

      —Croyez bien qu'il a déjà entendu plus d'une fois ce que je lui répondrai: l'armée n'est pas si disposée à se livrer qu'on le veut dire.

       Table des matières

      Si la présence de ce Solignac au dîner du général Martory m'avait tout d'abord inspiré une certaine inquiétude, maintenant elle me révoltait. A la pensée de me trouver à la même table que cet homme, je n'étais plus maître de moi; des bouffées de colère m'enflammaient le sang; l'indignation me soulevait.

      Et cependant je ne croyais pas un mot de ce que m'avait dit Vimard. Pas même pendant l'espace d'un millième de seconde, je n'admis la possibilité que ce propos infâme eût quelque chose de fondé. C'était une immonde calomnie, une invention diabolique dont se servait le plus misérable des hommes pour masquer ses cheminements souterrains.

      Mais enfin une blessure profonde m'avait été portée; le souffle empoisonné de cette calomnie avait passé sur mon amour naissant comme un coup de mistral passe au premier printemps sur les campagnes de la Provence: les plantes surprises dans leur éclosion garderont pour toute leur vie la marque de ses brûlures; sur leurs rameaux reverdis il poussera de nouvelles feuilles, il s'épanouira d'autres fleurs, ce ne seront point celles qui ont été desséchées dans leur bouton.

      Et j'allais m'asseoir près de cet homme; il me parlerait; je devrais lui répondre.

      Sous peine de me voir fermer la maison dont la porte s'ouvrait devant moi, il me faudrait arranger mes réponses au gré du général, au gré même de Clotilde, qui partageait les idées de son père, ou qui tout au moins voulait qu'on ne les contrariât point.

      La situation était délicate, difficile, et, quoi qu'il advînt, elle serait pour moi douloureuse. Ce ne fut donc pas le coeur joyeux et l'esprit tranquille que le dimanche matin je me mis en route pour Cassis.

      Le général me reçut comme si j'étais son ami depuis dix ans; quand j'entrai dans le salon il quitta son fauteuil pour venir au-devant de moi et me serrer les mains.

      —Exact, c'est parfait, bon soldat; en attendant le dîner, nous allons prendre un verre de riquiqui; je n'ai plus mon rhumatisme: vive l'empereur!

      Il appela pour qu'on nous servît; mais, au lieu de la servante, ce fut Clotilde qui parut. Elle aussi me reçut comme un vieil ami, avec un doux sourire elle me tendit la main.

      Les inquiétudes et les craintes qui m'enveloppaient l'esprit se dissipèrent comme le brouillard sous les rayons du soleil, et instantanément je vis le ciel bleu.

      Mais cette éclaircie splendide ne dura pas longtemps, le général me ramena d'un mot dans la réalité.

      —Puisque vous êtes le premier arrivé, dit-il, je veux vous faire connaître les convives avec lesquels vous allez vous trouver; quand on est dans l'intimité comme ici, c'est une bonne précaution à prendre, ça donne toute liberté dans la conversation sans qu'on craigne СКАЧАТЬ