Название: Comte du Pape
Автор: Hector Malot
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066089092
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—Vous croyez? je le veux bien; en réalité, cela m'est égal.
Ils parlaient dans l'embrasure de la fenêtre, tournés vers la ville, et devant eux, dans la prairie qui s'étend au bas des jardins du Vatican et va jusqu'au château Saint-Ange, des fantassins et des cavaliers de l'armée italienne faisaient l'exercice; de temps en temps, quand la bise soufflait, les roulements du tambour et les éclats du clairon faisaient résonner les vitres.
—Vous voyez, dit Michel en étendant la main dans la direction de cette prairie, qu'on peut en tout temps manquer de respect ou d'égard envers un pape. Ces soldats, ce bruit du tambour et du clairon vous le prouvent. J'aimerais mieux avoir reçu un soufflet comme Boniface VIII, que d'entendre tous les jours, comme Pie IX, ces clairons et ces tambours.
—C'est une infamie.
—Je ne sais pas, mais à coup sûr c'est une maladresse; il y a à Rome d'autres places que cette prairie pour faire l'exercice du clairon et du tambour; on ne parade pas sous les yeux de ceux qu'on a vaincus. Le chanoine ne vous a pas parlé de ces soldats?
—Nullement.
—Pourtant l'occasion était bonne pour vous faire causer.
—Ne vous trompez-vous pas? êtes-vous bien sûr que cet ecclésiastique soit un chanoine de Saint-Pierre?
—Oh! parfaitement sûr; je ne sais pas son nom, mais je l'ai vu il y a deux ou trois jours dans sa stalle de la chapelle Clémentine, et je l'ai remarqué tout particulièrement, à cause de sa désinvolture et de sa façon de tourner sur les talons, quand il venait saluer l'autel. Je n'ai pas des habitudes de dévotion, mais je vais quelquefois, quand je n'ai rien de mieux à faire, assister aux offices dans Saint-Pierre: on est certain de rencontrer là des étrangères plus ou moins jolies, qui sont curieuses à étudier, quand elles cherchent à apercevoir les castrats qui, dit-on, chantent encore dans la tribune.
—Vous avez été distrait par ces étrangères?
—Je vous assure que j'ai parfaitement reconnu votre chanoine, qui maintenant fait métier de mouton, comme on dit dans les prisons. On a voulu vous tâter, et l'on ne vous a abandonné que quand on a vu que vous ne vous livreriez pas.
Le temps s'écoula; la demie, les trois quarts, midi sonnèrent.
Michel déclara qu'il allait attendre encore dix minutes, puis qu'il s'en irait.
Il ne voulait pas crever de faim; ah! non, par exemple.
Mais à midi cinq minutes la porte opposée à celle par laquelle ils étaient entrés s'ouvrit devant un camérier qui annonça que «Sa Sainteté» allait paraître.
Il se produisit un mouvement général et un brouhaha.
Une voix dit:
—A genoux.
—Comment, à genoux? murmura Michel.
—Mais, sans doute, dit Aurélien.
—Au fait, qu'importe? je me traînerais bien à quatre pattes pour voir le grand lama.
Et il s'agenouilla à son tour auprès d'Aurélien.
Ils étaient tous disposés sur une seule file: les trois ecclésiastiques près de la porte par laquelle le pape devait entrer, après eux venaient le monsieur au carnet, Aurélien, Michel, les deux Français, et à la fin le personnage aux paquets enveloppés de papier blanc.
On entendit un murmure de voix, puis comme le bruit d'un bâton frappant des coups irréguliers sur le parquet, et le pape parut entouré de cardinaux en soutane noire ourlée de rouge, d'évêques en violet, d'un majordome, de camériers et de deux gardes-nobles.
Au milieu de ces costumes plus ou moins sombres, le pape, tout en blanc, formait un centre lumineux; il s'avançait en s'appuyant sur une grosse canne, traînant un peu la jambe, et sa figure, bien que pâle, respirait la santé et le contentement; la physionomie générale était noblement bénigne avec quelque chose de spirituel et de malicieux dans le sourire.
Les deux prêtres en soutanes neuves s'étaient prosternés devant lui et ils tâchaient de baiser ses souliers de cuir rouge brodé d'or, mais il les releva avec un geste qui disait que ces adorations n'étaient pas pour lui plaire.
Alors ils lui tendirent une tabatière, dans laquelle on entendit sonner des pièces d'or; il la prit d'un air assez indifférent et la passa à une des personnes de sa suite; puis doucement, avec bienveillance, il leur adressa en français quelques questions sur leur pays, qui était le Canada.
Le monsignore, qui le précédait, demandait les lettres d'audience aux personnes agenouillées, et nommait ces personnes au pape, en disant par qui elles étaient présentées.
—Que voulez-vous de moi? demanda le pape, en arrivant devant le personnage au carnet.
Celui-ci parut interloqué et hésita un moment.
—Présenter mes hommages à Votre-Sainteté.
Le pape le regarda pendant une ou deux secondes.
—Il faut me demander quelque chose.
Il n'y eut pas de réponse.
Alors le pape le regarda plus attentivement; puis, lui mettant la main sur le front:
—Eh bien! je vous donne ma bénédiction.
Et il passa à Aurélien, qu'il questionna assez longuement sur l'université de Louvain.
—Restez-vous longtemps à Rome?
—Je l'espère, Saint-Père.
—Alors je vous reverrai.
A Michel, au contraire, il ne demanda rien, et lui donna seulement son anneau à baiser en passant rapidement devant lui.
Mais avec les deux jeunes Anglais, il ne garda pas cette réserve, et il leur adressa plusieurs questions en français.
Puis, avant de s'éloigner d'eux, il les regarda en souriant:
—Puisque vous êtes venus à moi, dit-il, il faut rester avec moi.
Ils montrèrent un véritable ébahissement.
Alors il leur donna son anneau à baiser; puis, se tournant vers un des cardinaux de sa suite, en gardant son sourire:
—Expliquez à ces jeunes gens, dit-il, le sens des paroles que je viens de leur adresser; ils ont besoin d'être catéchisés.
Et il ajouta en parlant à tous:
—Il faut qu'ils restent avec moi.
Il était ainsi arrivé au monsieur qui avait déposé sur le fauteuil sa provision de boîtes et de paquets.
Profitant de ce que personne ne faisait attention à lui, celui-ci avait développé ses papiers СКАЧАТЬ