Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II. Constantin-François Volney
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СКАЧАТЬ Ninyas la fit mettre à mort. Ceci, ajoute Moïse de Chorène, me rappelle le récit de Képhalion, qui, comme bien d’autres, place après l’avénement de Sémiramis au trône, d’abord sa guerre contre Zoroastre, guerre dans laquelle il prétend qu’elle fut victorieuse, puis son expédition aux Indes. Mais je regarde comme bien plus certain ce que Mar-Ibas rapporte, d’après les livres chaldéens; car il explique avec ordre et clarté les événements et les causes de cette guerre; et ce savant Syrien a en sa faveur nos traditions populaires, qui, en récitant la mort de Sémiramis, disent, dans leurs chansons, que cette reine fut obligée de fuir à pied; que, dévorée de soif, elle demanda un peu d’eau dont elle but, et que, se voyant approchée par les soldats, elle jeta son collier dans la mer40, d’où est venu le proverbe: Jeter les joyaux de Sémiramis à l’eau

      Après des détails aussi précis, provenus d’une source aussi authentique, il ne peut rester de doute sur l’époque de Zoroastre; et si nous comparons les faits divers qui nous sont fournis, tant par les Parsis que par les historiens grecs, et par le livre chaldéen d’Alexandre, nous pouvons tracer de la vie de ce législateur, un tableau plus probable que tout ce que l’on en a écrit jusqu’ici.

      § III.

      Vie de Zoroastre

      Selon Hérodote et selon les Parsis, Zoroastre naquit Mède. Ceux qui l’ont cru Bactrien furent induits en erreur par le théâtre de sa mission; comme ceux qui l’ont dit Perse l’ont été par la prédominance du peuple qui fit le plus connaître sa religion. A l’époque de sa mission, entre les années 1220 et 1200, le vaste pays qui depuis a composé l’empire des Perses était partagé entre plusieurs nations indépendantes et ennemies.

      1° La nation mède, composée de six peuples ou tribus41, occupait les pays actuellement nommés Aderbibjan, Djebâl, et Irâq-Adjami, ayant pour limites, au nord, le fleuve Araxes; au midi, la chaîne des monts Élyméens, aujourd’hui Louristan; et à l’est, celle de l’ancien Zagros, bornant les plaines assyriennes du Tigre.

      2° La nation Perse, composée d’un grand nombre de tribus, dont Hérodote nomme jusqu’à onze, les unes sédentaires, livrées à la culture; les autres vagabondes, nourrissant des troupeaux; toutes sauvages et guerrières: cette nation s’étendait depuis les monts Élyméens, au nord, jusqu’au golfe Persique, à l’ouest et au midi.

      3° Le Khorasan actuel était habité par les Bactriens, autre race, partie agricole, partie nomade, qui semble être d’origine scythique, et qui forma un état puissant et très-anciennement civilisé.

      4° Le Mazanderan et le Ghilan avaient encore d’autres peuples indépendants, cités comme féroces, tels que les Marses, les Gelœ et les Caddusii, qui occupaient les montagnes jusqu’au lac Ourmi.

      5° Enfin le Kurdistan propre, d’où le Tigre et le Zâb tirent leurs sources, avec le pays de Sennaar ou Sindjar, était le patrimoine des Assyriens divisés en tribus, dont l’une, celle des Chaldéens, jouait chez eux le même rôle sacerdotal que les lévites chez les Hébreux, que les brahmes chez les Indiens, et que les mages chez les Mèdes. Ninus fut le premier qui soumit tous ces peuples à un même joug, et qui en composa un corps politique, dont le temps amalgama peu à peu et identifia les parties. Depuis ce conquérant, le pays compris entre le Tigre et l’Indus ayant presque toujours formé un même empire, sous l’influence d’un même pouvoir et d’un même langage, les habitudes de cette réunion, en faisant perdre de vue l’ancien état de choses, ont induit les écrivains orientaux en une foule de méprises géographiques; et comme ils n’ont plus compris le vrai sens des anciennes descriptions, ils ont fait de vicieuses interprétations des noms, et ont fini par défigurer totalement l’histoire. Par exemple, le nom d’Air-an42 ne désigna d’abord que la Médie propre, appelée Aria dans Hérodote, Ériané dans les livres parsis; mais par la suite, et probablement sous les rois mèdes, ce nom ayant été attribué à tout leur empire, ses habitants n’ont plus su à qui appartenait le nom de Tour-an; et parce qu’ils ont trouvé le Tourk-estan à l’est de la mer Caspienne, ils ont placé là le royaume de Tour, qui était réellement à l’ouest, et se composait de tout le pays montueux du Taur-us43, et spécialement de l’Atouria des Grecs, c’est-à-dire que l’ancienne division était la plaine (Aïr-an), et la montagne (Tour-an): aussi est-il échappé aux écrivains persans de conserver, comme malgré eux, cette circonstance, que des possessions d’Ardjasp se trouvaient au couchant de la Caspienne; elles y étaient toutes, par la raison qu’Ardjasp, roi de Tour-an, ne fut autre que Ninus, roi de l’Atouria et de tout le Taurus. Lorsque ce prince eut subjugué la Médie et crucifié son roi Pharnus, le mède Zoroastre put avoir des raisons de quitter sa patrie, traitée avec la dureté qui caractérise les anciens temps. Peut-être fut-ce à cette époque et à cette occasion qu’il se réfugia dans l’antre que nous décrit Porphyre, d’après Eubulus. (Il devait, selon nos calculs, avoir alors 30 à 31 ans.)

      «Nous lisons dans Eubulus que Zoroastre fut le premier qui, ayant choisi dans les montagnes voisines de la Perse, une caverne agréablement située, la consacra à Mithra, créateur et père de toutes choses; c’est-à-dire qu’il partagea cet antre en divisions géométriques figurant les climats et les éléments, et qu’il imita en partie l’ordre et la disposition de l’univers par Mithra. De là est venu l’usage de consacrer les antres à la célébration des mystères, et de là l’idée de Pythagore et de Platon, d’appeler le monde un antre, une caverne. (Porphyrius, de Antro nympharum.)»

      C’est-à-dire que Zoroastre se composa une grande sphère armillaire en relief, pour mieux étudier les mouvements des astres, et connaître le mécanisme du monde, comme l’a dit Justin.

      «Ce fut d’après ce modèle que les Perses, au rapport de Celse44, représentaient, dans les cérémonies de Mithra, le double mouvement des étoiles fixes et des planètes, avec le passage des ames dans les cercles ou sphères célestes… Pour figurer les propriétés ou attributs des planètes, ils montraient une échelle le long de laquelle il y avait 7 portes, puis une 8e à l’extrémité supérieure. La 1re, en plomb, marquait Saturne; la 2e, en étain, Vénus; la 3e, en cuivre, Jupiter; la 4e, en fer, Mars; la 5e, en métaux divers, Mercure; la 6e, en argent, la Lune; la 7e, en or, le Soleil (puis le ciel empyrée).»

      Sans doute voilà l’échelle du songe de Jacob; mais toutes ces idées et allégories égyptiennes et chaldéennes ayant existé bien des siècles avant Abraham et Jacob, l’on n’en peut rien conclure pour et contre l’antériorité de la Genèse, relativement à Zoroastre.

      Ce fragment précieux nous prouve que la théologie de ce chef de secte, semblable à celle des Égyptiens et des Chaldéens, et généralement de tous les anciens, ne fut, comme le disent Plutarque et Chérémon, que l’étude de la nature et de ses principes moteurs dans les corps célestes et terrestres: si, comme le dit Pline, Zoroastre passa vingt ans dans cette grotte, et s’il y entra à l’âge de 30 ans, comme le disent les Parsis, il dut arriver en Bactriane vers l’âge de 50 ans, et cette date, coïnciderait avec la seconde attaque de Ninus; mais, ainsi que nous l’avons dit, l’on ne peut guère compter sur l’exactitude de ces données. Le choix qu’il fit de ce pays s’expliquerait bien par l’aversion qu’il dut porter à Ninus, et par le caractère désireux de nouveautés СКАЧАТЬ



<p>40</p>

Les Arméniens, comme les Arabes, nomment d’un même mot tout grand espace d’eau: cette mer est le lac de Vank. En Égypte, le fleuve s’appelle Bahr, comme l’Océan même. Tout ce récit de Mosès a cela de remarquable, qu’en le confrontant à celui de Ktésias, l’on trouve que le Grec nous a donné le commencement de l’histoire de Sémiramis, et l’Arménien, le dénouement; tous les deux sont parfaitement d’accord sur le caractère. Et Mosès paraît n’avoir connu Ktésias que par Diodore.

<p>41</p>

Hérodote, lib. I, § CI, nomme les Busi, le Pareta keni, les Struchates, les Arizanti, les Boudini et les Magoi(mages).

<p>42</p>

Prononcé Irâne ou Èrane: an est la désinence, comme us en latin et os en grec. Aïr-an. L’Arménien Mosès fait observer que Arioï signifie (fortes) les braves, mot analogue à virtus (firtus) et à vir, qui dans le sanscrit ont le même sens qu’en latin.

<p>43</p>

Tour et Taur s’écrivent par les mêmes lettres arabes, et dans les radicaux du phénicien et du chaldéen, Tour et Tsour sont le nom général des montagnes.

<p>44</p>

Voyez Origène contre Celse, lib. VI; Vie de Zoroastre, pag. 28; Zend-avesta, tom. II.