Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II. Constantin-François Volney
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II - Constantin-François Volney страница 2

СКАЧАТЬ établir, comme principe de droit, «que les Asiatiques méritent d’être crus de préférence sur l’histoire de leur pays, parce qu’à titre d’indigènes ils doivent mieux savoir ce qui s’est passé chez eux, que des étrangers tels que les Grecs et les Romains».

      Mais cette proposition générale et vague par elle-même, ne présente, lorsqu’on l’analyse, qu’un paradoxe et un abus de mots. En effet, outre que la connaissance de ce qui se passe dans un pays dépend infiniment de la nature de son gouvernement, et que la publicité, la libre circulation, n’ont point lieu dans les états despotiques, comme l’ont été le plus souvent ceux de l’Asie; il est encore de fait que ces prétendus indigènes, spécialement de la Perse, sont, de leur propre aveu et par leur histoire, le produit, en majeure partie, des races étrangères venues à la suite des conquérants qui ont successivement envahi et possédé ces contrées. Laissons à part Alexandre, dont le système politique fut de mêler les races et les opinions, pour détruire les haines et les guerres de secte à secte et de nation à nation: après lui, les révolutions des Séleucides et des Arsakides continuèrent d’agiter et de mêler l’empire perse dissous; d’y introduire, par le recrutement des armées, une multitude d’étrangers de toute espèce, qui, en s’alliant aux femmes indigènes, produisirent dans les familles des modifications de mœurs, de langage, etc. Ce qui avait été peuple distinct devenant province confondue, il fut possible aux habitants de passer d’un pays à l’autre et de s’y établir, chose qui n’était pas praticable auparavant. La dynastie Sasanide, en ravissant le sceptre aux Parthes, produisit de nouveaux changements: le nord de la Perse avait régi le midi; alors le midi commanda au nord. Ensuite sont venus les Arabes de Mahomet, puis les Tartares de Tamerlan, qui, les uns après les autres, mais surtout les Arabes, ont exterminé l’ancienne race et changé sa religion, ses mœurs, ses usages, ses traditions, ses livres, et jusqu’à son système d’écriture. Les seuls Parses, chassés comme les Juifs, errants comme eux, mais bien moins nombreux, sont les restes de la race persane de Darius et d’Ardechir. Or, dans leur mélange inévitable avec les peuples qui les tolèrent, ou les persécutent, dira-t-on que les Juifs de Portugal et de Pologne, si divers entre eux, ressemblent aux Hébreux de Salomon? D’ailleurs que signifie ce mot, descendance directe? Parce que les Suisses descendent des Helvetii, et les Auvergnats des Arverni, dira-t-on qu’ils connaissent l’histoire d’Arioviste et de Vercingetorix, mieux que le conquérant romain qui nous l’a tracée? Passe encore si le peuple indigène opposait aux récits de l’étranger, des récits et des monuments du même temps: la question est là; c’est dans l’identité de temps, bien plus que dans l’identité de pays, qu’elle consiste; et sous ce rapport elle est toute à l’avantage des Grecs; sous l’autre même, elle est encore en leur faveur, puisqu’Hérodote, Ktésias, Strabon, étaient aussi des Asiatiques, et que les deux premiers étaient nés sujets du Grand-Roi. Mais d’ailleurs eussent-ils été des étrangers venus du fond de l’Europe, l’on peut assurer que des voyageurs tels qu’Hérodote, Xénophon, Polybe, et tant d’autres écrivains qui suivirent les armées grecques et romaines, ont eu, pour bien observer, pour bien décrire le pays et ses événements, des moyens égaux et à certains égards supérieurs aux moyens des indigènes. Prétendre aujourd’hui que leurs récits, si bien détaillés, si bien liés entre eux par toutes les circonstances qui établissent les probabilités ou la certitude morale, méritent moins de confiance que les récits fabuleux, délirants et absurdes dont se composent, presque sans aucune exception, les histoires orientales; nous le répétons, c’est un paradoxe monstrueux, qui ne peut convenir qu’à des Musulmans.

      Mais, d’ailleurs, veut-on connaître avec quel scrupule véridique, avec quel respect religieux, les Asiatiques, leurs rois et leurs savants conservent la mémoire des événemens et leur série chronologique? Écoutons un fait vraiment curieux et décisif, que nous a transmis Masoudi, l’un des plus savants historiens arabes, qui, vers les années 930 et 940 de notre ère, voyagea dans toute la Perse jusqu’aux frontières de l’Inde, et qui, plus qu’aucun écrivain de sa nation, connut les livres des Grecs6.

      «Il y a (dit-il) entre l’opinion des Perses et celle des autres peuples, une grande différence au sujet de l’époque d’Alexandre: ce que beaucoup de personnes n’ont point remarqué...... C’est là un des mystères de la religion et de la politique des Perses, qui n’est connu que des plus savants mobeds et herbeds, comme nous l’avons vu nous-mêmes dans la province de Fars, dans le Kirman, et dans les autres provinces perses: il n’en est fait mention dans aucun des livres composés sur l’histoire de Perse, ni dans aucune annale et chronique. Voici en quoi il consiste: Zerdust, fils de Poroschasp, fils d’Asinman, dans le livre qui lui a été révélé, nommé Abesta, annonce que l’empire des Perses éprouvera dans 300 ans une grande révolution, sans que la religion soit détruite; mais qu’au bout de 1000 ans la religion et l’empire périront à la fois. Or, entre Zerdust et Alexandre, il y a environ 300 ans; car Zerdust a paru du temps de Kaï Bistap, fils de Kaï Lohrasp, comme nous l’avons dit ci-devant. Ardechir, fils de Babek, s’empara de l’empire et de tous les pays qui en dépendaient, environ 500 ans après Alexandre: nous voyons qu’il ne restait plus que 200 ans à peu près, pour compléter les 1000 ans de ce prophète. Ardechir voulut augmenter de 100 ans cet espace de temps, parce qu’il craignait que, lorsqu’après lui 100 ans se seraient écoulés, les hommes ne refusassent de prêter secours et obéissance au roi, par la conviction où ils seraient de la ruine future de l’empire, conformément à la tradition qui avait cours parmi eux. Pour obvier à cela, il supprima environ la moitié du temps écoulé entre Alexandre et lui, et il ne fit mention que d’un certain nombre des Molouk-Taouâïef (rois des nations parthiques) qui remplissaient tout ce temps; il retrancha les autres: puis il eut soin de faire répandre dans son empire, qu’il avait commencé son règne 260 ans après Alexandre. En conséquence, cette époque fut admise et se répandit dans le monde: voilà pourquoi il y a une différence entre les Perses et les autres nations au sujet de l’ère d’Alexandre; et c’est cette cause qui a introduit la confusion dans les annales des Molouk-Taouâïef. Ardechir fait lui-même mention de cela dans les avis qu’il a laissés à ses successeurs; et l’herbed (ou prêtre parsi) qui se rendit l’apôtre de ce prince près les gouverneurs des provinces, parle également de cette prédiction».

      Maintenant le lecteur peut juger du degré de confiance que méritent les histoires et chroniques orientales. Si cette anecdote eût été connue plus tôt, elle eût épargné bien des discussions et de faux raisonnements. Elle est d’autant plus précieuse, qu’elle résout sans réplique l’énorme abréviation de temps officiellement établie dans presque tous les écrivains asiatiques, entre les règnes d’Alexandre et d’Ardechir, et qu’en nous donnant la mesure de la superstition, de la mauvaise foi et de l’audace de tout un gouvernement, tant laïque qu’ecclésiastique, elle nous montre à quel point d’ignorance étaient déja parvenus ou réduits les Persans en l’an 226, sur l’époque de Zoroastre, puisque celle qu’ils indiquent dans Masoudi, et qui répond au règne de Kyaxarès, est manifestement fausse, comme nous le verrons… Mais pour procéder méthodiquement à découvrir l’époque véritable, commençons par examiner tout ce que les Orientaux nous racontent, de ce législateur, afin que leurs traditions, confrontées aux récits des anciens Grecs et Latins, nous conduisent au maximum de probabilité dont cette question est susceptible.

      Selon Anquetil du Perron7, le recueil principal des traditions des Parsis sur Zoroastre, est le livre intitulé Zerdust-Namah, qui, dit-on, fut traduit de l’ancien idiome pehlevi, en persan moderne, par Zerdust-Behram, écrivain et prêtre parsi, vers l’an 1275. Hyde a connu ce livre, et en a cité les titres des chapitres. Laissant à part la date, qui n’est pas prouvée, admettons dans le traducteur une instruction suffisante, et surtout une grande fidélité à ne rien retrancher ni rien ajouter (chose sans exemple), et voyons ce que les СКАЧАТЬ



<p>6</p>

Indicateur et Moniteur de Masoudi, extrait par M. de Sacy.—Manuscrits orientaux, tome VII, pag. 161.

<p>7</p>

Zend-avesta, tome II, pag. 6 et suivantes.