Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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      La figure 11 donne la coupe (sur la ligne ad du plan A) de ce bel ouvrage. Outre les jours des meurtrières, les salles des troisième et quatrième étages possèdent une fenêtre chacune, qui les éclaire. Les munitions étaient montées à l'aide d'un treuil placé dans la salle du quatrième étage, ainsi que le fait voir notre figure, et étaient déposées sur le plancher supérieur mis en communication avec les hourds au moyen des créneaux couverts. Les hourds tracés en G expliquent le système des défenses de bois posées en temps de guerre sur les corbeaux à demeure de pierre, C. Le niveau du chemin de ronde des courtines se trouvant en R, on voit que le commandement de la tour sur ce chemin de ronde était moins considérable déjà que dans l'exemple précédent 80. En E, commence l'escalier de bois qui, passant à travers un des arcs de l'hexagone, montait du quatrième étage au niveau du plancher supé rieur, très-solidement construit pour recevoir la charge d'une provision de projectiles.

      Cette construction est merveilleusement exécutée en assises de 40 à 50 centimètres, et n'a subi aucune altération, malgré le chevauchement des piles. Le talus extérieur descend à 8 mètres en contre-bas du niveau K, sol de la cour. Une élévation extérieure prise en B (voy. le plan), fig. 12, complète notre description. Les hourds sont supposés placés sur une moitié des corbeaux.

      Ces défenses du château de Coucy sont construites au sommet d'un escarpement; leur effet ne devait s'exercer, par conséquent, que suivant un rayon peu étendu, lorsque l'assaillant cherchait à se loger au pied même des murs. Les meurtrières, percées à chaque étage, sont plutôt faites pour se rendre compte des mouvements de l'ennemi que pour tirer. Il s'agissait ici d'opposer aux attaques un obstacle formidable par son élévation et par la défense du couronnement. Sur trois côtés, en effet, le château de Coucy ne laisse entre ses murs et la crête du coteau qu'une largeur de quelques mètres, un chemin de ronde extérieur qui lui-même pouvait être défendu. Un très-large fossé et le gros donjon protégent le quatrième côté 81. Il n'était besoin que d'une défense rapprochée et presque verticale. Mais la situation des lieux obligeait souvent, alors comme aujourd'hui, de suppléer à l'obstacle naturel d'un escarpement par un champ de tir aussi étendu que possible, horizontalement, afin de gêner les approches. Cette condition est remplie habituellement au moyen d'ouvrages bas, d'enceintes extérieures flanquées, dominées par le commandement des ouvrages intérieurs. L'enceinte si complète de Carcassonne nous fournit, à cet égard, des dispositions d'un grand intérêt. On sait que la cité de Carcassonne est protégée par une double enceinte: celle extérieure n'ayant qu'un commandement peu considérable; celle intérieure, au contraire, dominant et cette enceinte extérieure et la campagne 82. Or, l'enceinte extérieure, bâtie vers le milieu du XIIIe siècle par ordre de saint Louis, est flanquée de tours, la plupart fermées à la gorge et espacées les unes des autres de 50 à 60 mètres. Ces tours, qui n'ont qu'un faible commandement sur les courtines, et parfois même qui s'unissent avec elles, sont disposées pour la défense éloignée. Bien munies de meurtrières, elles se projettent en dehors des murs et recevaient des hourdages saillants.

      L'une de ces tours 83, entièrement conservée, présente une disposition conforme en tous points au programme que nous venons d'indiquer.

      La figure 13 donne le plan de cette tour au niveau du sol des lices, c'est-à-dire de la route militaire pratiquée entre les deux enceintes.

      La figure 14 donne le plan du premier étage. Le chemin de ronde de la courtine est en A, et la tour n'interrompt pas la circulation.

      La porte B met le chemin de ronde en communication avec le rez-de-chaussée par l'escalier D, avec le premier étage de plain-pied, et avec les défenses supérieures par l'escalier C. Les meurtrières, nombreuses, sont chevauchées pour éviter les points morts.

      La figure 15 présente le plan de ces défenses supérieures, les hourds étant supposés placés en E. Le crénelage est largement ouvert en G pour permettre les approvisionnements et pour que l'ouvrage ne puisse se défendre contre l'enceinte intérieure, qui, du reste, possède un commandement très considérable. En temps de paix, l'espace circulaire H était seul couvert par un comble à demeure. Les combles des hourds posés en temps de guerre couvraient le chemin de ronde K et les galeries de bois L; un large auvent protégeait l'ouverture G. La coupe faite sur la ligne ab de ce plan est présentée dans la figure 16.

      En M, est tracé le profil d'ensemble de cet ouvrage, avec le fossé, la crête de la contrescarpe et le sol extérieur formant le glacis. On voit comme les meurtrières sont disposées pour couvrir de projectiles rasants ce glacis, et de projectiles plongeants la crête et le pied de la contrescarpe. Quant à la défense rapprochée, il y est pourvu par les mâchicoulis des hourds, ainsi qu'on le voit en P. La figure 17 donne le tracé géométral de cette tour du côté intérieur, les hourds n'étant posés que du côté R.

      Si l'assaillant parvenait à s'emparer de cet ouvrage, il se trouvait à 20 mètres du pied de l'enceinte intérieure, dont les tours plus rapprochées, mais moins saillantes sur les courtines, présentent un front avec courts flanquements très-multipliés. Du haut de cette enceinte intérieure, dont le relief est de 15 mètres au-dessus du chemin de ronde S, il n'était pas difficile de mettre le feu aux couvertures des tours de l'enceinte extérieure au moyen de projectiles incendiaires, et d'en rendre ainsi l'occupation impossible, d'autant que ces tours ne se défendent pas sur le chemin militaire des lices.

      Avec les armes de jet et les moyens d'attaque de l'époque, on ne pouvait adopter une meilleure combinaison défensive. Ces tours pleines dans la hauteur du talus qui enveloppe la roche naturelle ne pouvaient être ruinées par la sape. Bien percées de meurtrières, elles envoyaient des projectiles divergeants de plein fouet à 60 mètres de leur circonférence. Pour les aborder, il fallait donc entreprendre une suite d'ouvrages qui demandaient du temps et beaucoup de monde; tandis que pour les défendre, il suffisait d'un poste peu nombreux. Un ouvrage de cette étendue pouvait longtemps défier les attaques avec un capitaine et vingt hommes 84. Si l'attaque était très-rapprochée, les meurtrières inférieures devenaient inutiles, et alors les vingt hommes répandus sur les galeries des hourds couvraient les assaillants d'une pluie de projectiles. Nous avons dit ailleurs (voyez ARCHITECTURE MILITAIRE) que les assiégeants dirigeaient plutôt leurs attaques méthodiques contre les courtines que contre les tours, parce que la courtine possédait moins de moyens défensifs que les tours, et qu'il était plus difficile à l'assiégé de les retrancher. Mais, il va sans dire que, pour emporter une courtine, il fallait d'abord détruire ou masquer les flanquements que donnaient les tours voisines.

      Tant que les tours enfilaient la courtine, on ne pouvait guère avancer les chats et les beffrois contre cette courtine. Ainsi, quoiqu'il ne fût pas conforme à la tactique d'envoyer une colonne d'assaut contre une tour--et les beffrois n'étaient qu'un moyen de jeter une colonne d'assaut sur la courtine,--il fallait toujours que l'assaillant rendît nulles les défenses des tours sur les flancs, avant de rien entreprendre contre la courtine.

      Mais admettant que les hourds des tours eussent été détruits ou brûlés, et que les défenses de celles-ci eussent été réduites aux meurtrières СКАЧАТЬ



<p>80</p>

La partie supérieure du crénelage, détruite aujourd'hui, est restaurée à l'aide des gravures de du Cerceau et de Châtillon.

<p>81</p>

Voyez CHÂTEAU.

<p>82</p>

Voyez ARCHITECTURE MILITAIRE, fig. 11, et SIÉGE, fig. 2.

<p>83</p>

Tour dite de la Peyre, à la gauche de la barbacane de la porte Narbonnaise.

<p>84</p>

Ce nombre était plus que suffisant, puisque les deux enceintes n'avaient pas à se défendre simultanément, et que les hommes de garde, dans l'enceinte intérieure, pouvaient envoyer des détachements pour défendre l'enceinte extérieure, ou que celle-ci étant tombée au pouvoir de l'ennemi, ses défenseurs se réfugiaient derrière l'enceinte inférieure. D'ailleurs l'assiégeant n'attaquait pas tous les points à la fois. Le périmètre de l'enceinte extérieure est de 1400 mètres en dedans des fossés, donc c'est environ un homme par mètre de développement qu'il fallait compter pour composer la garnison d'une ville fortifiée comme l'était la cité de Carcassonne.