Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ tours résistent mieux à l'effort des machines. Mais rien n'est tel que de terrasser les remparts et les tours pour leur donner une grande puissance de résistance...»

      Ces préceptes, sauf les modifications amenées par la portée des engins modernes, sont les mêmes que ceux admis de nos jours. Voir l'ennemi de plusieurs points, éviter, par conséquent, les saillants qui sont difficiles à flanquer; mettre toujours l'assiégeant entre des feux convergents; faire qu'un ouvrage pris n'entraîne pas immédiatement l'abandon des autres; relier au besoin ou séparer les ouvrages, tels sont les immuables principes de la fortification. Ils furent établis, à notre connaissance, par les Grecs et les Romains, pratiqués pendant le moyen âge avec une supériorité marquée, singulièrement développés dans les temps modernes par suite de l'emploi des bouches à feu. En effet, de la tour ronde à court flanquement, et ayant toujours des points morts, au bastion moderne avec ses flancs et ses faces, il y a une longue suite d'essais, de tentatives et de transitions 67.

      La tour romaine sur plan circulaire ou carré (car, quoi qu'ait enseigné Vitruve, les Grecs et les Romains ont élevé beaucoup de tours flanquantes carrées), était ouverte ou fermée à la gorge, c'est-à-dire du côté intérieur de la forteresse. Si elle était ouverte, le chemin de ronde des courtines voisines s'interrompait, comme l'indique Vitruve, au droit de cette ouverture. Si elle était fermée, les rondes circulant sur la courtine devaient se faire ouvrir deux portes pour entrer et sortir de la tour, afin de reprendre l'autre courtine. Dans ce cas, la tour formait obstacle à la circulation continue de plain-pied sur le sommet des remparts; Les premières de ces tours sont, à proprement parler, des tours retranchées, tandis que les secondes sont des postes ou petits forts espacés, commandant les remparts.

      Ce qui prouverait que le système des tours retranchées a été de préférence pratiqué par les Romains, c'est que nous voyons pendant le moyen âge l'emploi de ce système persister dans les villes qui ont le mieux conservé les traditions romaines; tandis que dans le Nord, où l'influence normande se fait sentir de bonne heure dans l'art de la fortification, les tours sont toujours fermées, à moins toutefois qu'elles ne flanquent une enceinte extérieure commandée par une enceinte intérieure.

      Nous diviserons donc cet article en: TOURS FLANQUANTES, ouvertes ou fermées à la gorge; TOURS RÉDUITE, tenant lieu de donjons ou dépendant de donjons; TOURS DE GUET, TOURS ISOLÉES, postes, tours de signaux, de passages, de ponts, de phares.

       Tours flanquantes. Les tours flanquantes établies suivant la tradition romaine, qui se perpétua en Occident jusqu'à l'époque des grandes invasions normandes, sont (à moins qu'elles ne dépendent de portes) généralement pleines jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du fossé ou du sol extérieur, afin de résister à l'effort des engins d'attaque ou à la sape; leur flanquement ne commence donc qu'au niveau des chemins de ronde des courtines, et consiste en des ouvertures assez larges masquées par des mantelets mobiles de bois. Ce premier flanquement est surmonté de l'étage supérieur crénelé, formant couronnement et second flanquement. Cet étage supérieur est couvert par un comble, de manière à mettre le crénelage à l'abri, ou découvert, le comble étant alors établi en contre-bas du chemin de ronde ou au ras de ce chemin de ronde.

      Voici (fig. 1) un type de ces tours de la fin de l'empire romain 68, ouvertes à la gorge, mais interrompant les chemins de ronde des courtines.

      Des plats-bords posés sur les poutres engagées A permettaient de passer d'un chemin de ronde sur l'autre, et d'entrer de plain-pied au premier étage de la tour. Ce premier étage est mis en communication avec le second et avec le crénelage au moyen d'échelles de bois. Une échelle mobile, que l'on relève au moyen d'un treuil, met le plancher du premier étage en communication avec le sol du chemin militaire intérieur. Cette portion d'échelle relevée et les plats-bords enlevés, le poste gardant la tour ne peut redouter une surprise; il est complétement isolé. Cependant il voit ce qui se passe dans la ville et peut être surveillé. La tour, occupée par l'ennemi, ne peut battre le chemin militaire, puisque les étages de cette tour sont ouverts sur ce chemin. Les approvisionnements de projectiles se font, comme l'indique notre figure, par ces ouvertures sur le chemin militaire.

      La tour se défend, extérieurement, par des ouvertures pratiquées dans les deux étages et par le crénelage supérieur. Les larges créneaux en façon d'arcades sont masqués par des mantelets mobiles de bois roulant sur un axe.

      La cité de Carcassonne possède encore des tours datant de la domination des Visigoths, construites suivant cette donnée, si ce n'est que le chemin de ronde passe à travers la tour, et que celle-ci est percée de portes au niveau de ce chemin de ronde. À Carcassonne, les tours visigothes avaient leurs crénelages couverts, des mantelets pour les créneaux supérieurs comme pour les créneaux des étages, et des hourds de bois pour permettre de battre le pied de la défense.

      Voici (fig. 2) le plan d'une de ces tours 69, au niveau du chemin de ronde. Au-dessous de ce niveau, l'ouvrage est de maçonnerie pleine.

      La figure 3 montre la face latérale de cette tour, avec la coupe du chemin de ronde de la courtine. En A est tracée en place une ferme des hourds 70; en B, le détail perspectif d'un des corbeaux des créneaux supérieurs, destinés à recevoir les tourillons des mantelets, et en C les pierres saillantes posées sous les arcades-créneaux pour supporter de même les axes à tourillons qui permettent de relever ou d'abaisser les volets fermant ces arcades. Au-dessus du plancher, posé en D, est ouvert, sur la ville, un arc qui laisse voir ce qui se passe à l'étage supérieur et qui facilite les approvisionnements de projectiles. Cet arc surmonte le mur de fermeture C (voyez le plan), et porte sur les deux pieds-droits H, I.

      La question des approvisionnements rapides de projectiles destinés à défendre ces tours ne paraît pas avoir été examinée avec assez d'attention. On remarquera que ces tours, d'une époque ancienne, c'est-à-dire qui datent de la fin de l'empire romain aux derniers Carlovingiens, sont généralement d'un faible diamètre, et ne pouvaient, par conséquent, contenir un approvisionnement très-considérable de projectiles, soit armes de trait, soit pierres propres à être jetées sur les assaillants qui voulaient s'approcher du pied des ouvrages pour les saper.

      En supposant qu'une tour, comme celle que nous présentons ici (fig. 2 et 3), soit attaquée à son pied; que, protégés par des chats, les mineurs s'attachent à la maçonnerie, les défenseurs ne peuvent repousser cette attaque qu'en jetant sur les galeries, sur les chats, force pierres ou matières enflammées, afin de les détruire. Si l'attaque se prolongeait, on peut estimer la quantité considérable de projectiles qu'il fallait avoir sous la main. Il était donc nécessaire de renouveler à chaque heure cette provision, comme aujourd'hui il faut, dans une place assiégée, renouveler sans cesse les munitions des bouches à feu placées sur les ouvrages qui contribuent à la défense d'un point attaqué.

      Ces tours ouvertes à la gorge se prêtaient à ces approvisionnements incessants, car plus leur diamètre était petit, plus il fallait remplacer souvent les projectiles employés à la défense. D'ailleurs l'attaque n'étant sérieuse qu'autant qu'elle était très-rapprochée, c'était le point attaqué qui se défendait sans attendre secours des ouvrages voisins. Tous les efforts de l'attaque, et, par suite, de la défense, étant ainsi limités à un champ très-étroit, les moyens de résistance s'accumulaient sur ce point attaqué et devaient être renouvelés avec activité et facilité. Nous verrons comment cette СКАЧАТЬ



<p>67</p>

Voyez La fortification déduite de son histoire, par le général Tripier. Paris, 1866.

<p>68</p>

Tours visigothes de Carcassonne; tours d'Autun, de Cologne, de Dax; tours de Rome du temps de Bélisaire.

<p>69</p>

La tour dite du Four Saint-Nazaire.

<p>70</p>

Voyez HOURD.