Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ font des miracles, ce n'est pas de cette façon. La foi fait mouvoir les montagnes peut-être, mais elle ne sait ni ne s'enquiert de quoi les montagnes sont faites, ni pourquoi elles sont montagnes. Si elle le savait, elle se garderait de les déranger de leur place.

      Qu'est-ce, dans les arts, que le sentiment des choses, sans la connaissance des choses?

      Ce serait trop sortir de notre sujet que de nous étendre plus longtemps sur ces influences qui ont dirigé les arts de l'antiquité, soit dans la voie hiératique, soit dans la recherche du mieux. Il nous suffit d'indiquer quelques-uns de ces courants, avant de présenter le tableau de l'art de la statuaire pendant le moyen âge, tableau à peine entrevu, bien qu'il se développe chaque jour devant nos yeux.

      Ce qu'était devenue la sculpture sous l'empire, dans les Gaules, chacun le sait. Des types antiques perfectionnés par les Grecs, répandus sur tout le continent occidental de l'Europe par les Romains, reproduits par une population d'artistes qui ne s'élevaient pas au-dessus de l'ouvrier vulgaire, il nous reste des fragments nombreux. Laissant de côté l'intérêt archéologique qui s'attache à ces débris, considérés comme oeuvres d'art, ils ne causent qu'un ennui et un dégoût profonds. Nulle apparence d'individualité, d'originalité; les auteurs de ces oeuvres monotones travaillent à la tâche pour gagner leur salaire. Reproduisant des modèles déjà copiés, ne recourant jamais à la source vivifiante de la nature, traînant partout, de Marseille à Coutances, de Lyon à Bordeaux, leurs poncifs, ils couvrent la Gaule romanisée de monuments tous revêtus de la même ornementation banale, des mêmes bas-reliefs mous et grossiers d'exécution, comme ces joueurs d'orgues de nos jours qui vont porter les airs d'opéras jusque dans nos plus petits villages.

      La sculpture dans les Gaules, au moment des grandes invasions, c'est-à-dire au IVe siècle, n'était plus un art, c'était un métier, s'abâtardissant chaque jour. Au point de vue de l'exécution seule, rien n'est plus plat, plus vulgaire, plus négligé. Mais comme composition, comme invention, on trouve encore dans ces fragments une sorte de liberté, d'originalité qui n'existe plus dans les tristes monuments élevés en Italie depuis Constantin jusqu'à la chute de l'empire d'Occident. L'esprit gaulois laisse percer quelque chose qui lui est particulier dans cette sculpture chargée, banale, sans caractère, et s'affranchit parfois du classicisme romain en pleine décadence. Ainsi, par exemple, il ne s'astreint pas à des reproductions identiques d'un même modèle pour les chapiteaux d'un ordre dépendant d'un édifice. Les fûts des colonnes se couvrent d'ornements variés. Les types admis pour les ordres se modifient; il y a comme une tentative d'affranchissement. Ce n'est pas ici l'occasion de nous étendre sur la valeur de ces symptômes qui, au total, n'est pas considérable mais cependant nous devons les signaler, parce qu'ils font connaître que la Gaule ne restait pas absolument sous l'influence étroite de la tradition des arts romains. Des fragments existant à Autun, au Mont-Dore, à Auxerre, à Lyon, à Reims, à Dijon, dans le Soissonnais, et qui datent des IIIe, IV, et Ve siècles, indiquent ces tendances originales.

      Voici un de ces fragments, entre autres, un chapiteau (fig. 1.) provenant du portique de clôture du temple de Champlieu, près de Compiègne, qui présente une disposition particulière et qu'on ne retrouverait pas dans les édifices italiens de la même époque (IIIe siècle). Or, les autres chapiteaux appartenant au même portique ne sont pas taillés sur le même modèle. Cette variété, dans un temps où la sculpture n'était qu'un travail d'ouvriers assez grossiers, est remarquable. Elle permettrait de supposer que ces Gaulois romanisés des derniers temps étaient fatigués de ces reproductions abâtardies des mêmes types, et qu'ils cherchaient à les abandonner.

      Cette tendance,--en admettant qu'elle fût générale sur le sol des Gaules,--se perdit dans le flot des invasions. L'art de la sculpture s'éteint sous les conquérants du Nord, et si, dans les rares édifices qui nous restent de l'époque mérovingienne, on rencontre çà et là quelques fragments de sculpture, ils sont arrachés à des monuments gallo-romains. Sous les Carlovingiens, des tentatives sont faites pour renouer la chaîne brisée des arts, mais ces tentatives n'aboutissent guère qu'à de pâles copies des types de l'antiquité romaine, sous une influence byzantine plus ou moins prononcée. Charlemagne ne pouvait songer à autre chose, en fait d'art, qu'à remuer les cendres de l'empire romain pour y retrouver quelques étincelles; il essayait une renaissance des formes et des moyens pratiques oubliés. De semblables tentatives n'aboutissent qu'à des pastiches grossiers. On ne refait pas des arts avec des lois, des institutions ou des règlements; il faut d'autres éléments pour les rendre viables et les faire pénétrer dans une nation. Or, sous les Carlovingiens, l'heure d'une véritable renaissance des arts n'était pas sonnée. Les ferments apportés par les peuplades conquérantes étaient depuis trop peu de temps mêlés à la vieille civilisation gallo-romaine pour qu'un art, comme la sculpture, pût éclore.

      Ce n'est en effet qu'à la fin du XIe siècle que l'on voit apparaître les premiers embryons de cet art de la sculpture française, qui, cent ans plus tard, devait s'élever à une si grande hauteur. Alors, à la fin du XIe siècle, les seules provinces de la Gaule qui eussent conservé des traditions d'art de l'antiquité étaient celles dont l'organisation municipale romaine s'était maintenue. Quelques villes du Midi, à cette époque, se gouvernaient encore intra muros, comme sous l'empire; par suite, elles possédaient leurs corps d'artisans et les traditions des arts antiques, très-affaiblies, il est vrai, mais encore vivantes. Toulouse, entre toutes ces anciennes villes gallo-romaines, était peut-être celle qui avait le mieux conservé son organisation municipale. Les arts, chez elle, n'avaient pas subi une lacune complète, ils s'étaient perpétués. Aussi cette cité devint-elle, dès le commencement du XIIe siècle, le centre d'une école puissante et dont l'influence s'étendit sur un vaste territoire.

      Dans une autre région de la France, l'ordre de Cluny, institué au commencement du Xe siècle, avait pris, au milieu du XIe, un développement prodigieux 62.

      À cette époque, les clunisiens étaient en rapport avec l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre, la Hongrie; non-seulement ils possédaient des maisons dans ces contrées, mais encore ils entretenaient des relations avec l'Orient. C'est au sein de ces établissements clunisiens que nous pouvons constater un véritable mouvement d'art vers la seconde moitié du XIe siècle. Jusqu'alors, sur le sol des Gaules, et depuis la chute de l'empire, la sculpture n'est plus; mais tout à coup elle se montre comme un art déjà complet, possédant ses principes, ses moyens d'exécution, son style. Un art ne pousse pas cependant comme des champignons; il est toujours le résultat d'un travail plus ou moins long, et possède une généalogie. C'est cette généalogie qu'il convient d'abord de rechercher.

      En 1098, une armée de chrétiens commandée par Godefroi, le comte, Baudouin, Bohémond, Tancrède, Raymond de Saint-Gilles et beaucoup d'autres chefs, s'empara d'Antioche, et depuis cette époque jusqu'en 1268, cette ville resta au pouvoir des Occidentaux. Antioche fut comme le coeur des croisades; prélude de cette période de conquêtes et de revers, elle en fut aussi le dernier boulevard. C'était dans ces villes de Syrie, bien plus que dans la cité impériale de Constantinople, que les arts grecs s'étaient réfugiés. Au moment de l'arrivée des croisés, Antioche était encore une ville opulente, industrieuse, et possédant des restes nombreux de l'époque de sa splendeur. Toute entourée de ces villes grecques abandonnées depuis les invasions de l'islam, mais restées debout, villes dans lesquelles on trouve encore aujourd'hui tous les éléments de notre architecture romane. Antioche devint une base d'opérations pour les Occidentaux, mais aussi un centre commercial, le point principal de réunion des religieux envoyés par les établissements monastiques de la France, lorsque les chrétiens se furent emparés de la Syrie. D'ailleurs, avec les premiers croisés, étaient partis de l'Occident, à la voix de Pierre l'Ermite, non-seulement des hommes de guerre, mais des gens de toutes sortes, ouvriers, marchands, aventuriers, qui bientôt, avec cette facilité qu'ont les Français principalement d'imiter les choses nouvelles qui attirent leur attention, se СКАЧАТЬ



<p>62</p>

Voyez ARCHITECTURE MONASTIQUE.