Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ lorsqu'ils ne prenaient pas le parti de les poser franchement en délit comme étai (voy. CONSTRUCTION), mettant en dessous le lit de dessous. Cette précaution est surtout observée dans les assises en fondation.

      Les constructeurs romans, ainsi que nous l'avons dit, cherchaient surtout les pierres douces, les lambourdes, les vergelés, les bancs francs. Le choeur de Maurice de Sully, sauf les piliers et les colonnettes, est entièrement construit en matériaux d'une dureté médiocre, bas et petits. Mais dès le commencement du XIIIe siècle, la nouvelle école laïque cherche au contraire les matériaux très-fermes et grands. C'est alors que dans la construction de la cathédrale de Chartres on emploie ce calcaire de Berchère, d'un aspect si rude, mais si solide, et qui donne des bancs de 1 mètre de hauteur sur des longueurs de 3 à 4 mètres; qu'à la cathédrale de Reims on pose ces assises de 1m,20 de hauteur en pierre introuvable aujourd'hui dans les carrières qui les ont fournies, que l'on emploie les liais et les cliquarts les plus durs, en ayant le soin de les purger des lits tendres; que l'on repousse, autant que faire se peut, les bancs friables, les pierres creuses et sans nerf.

      La fin du XIIIe siècle apporte encore plus de soin dans le choix des pierres. Il suffit d'examiner les constructions de l'église de Saint-Urbain de Troyes, du choeur de Narbonne, des pignons du transsept des cathédrales de Paris et de Rouen, de l'église abbatiale de Saint-Ouen de Rouen, du château de Vincennes, pour reconnaître que les constructeurs connaissaient parfaitement les qualités des matériaux calcaires, et qu'ils les choisissaient avec une attention qui pourrait nous servir d'exemple. Au XVe siècle, on incline à employer de préférence les pierres douces, mais cependant celles-ci sont scrupuleusement triées. Au XVIe siècle, trop souvent cette partie importante de l'art de bâtir est négligée, les matériaux sont inégaux, pris au hasard et employés sans tenir compte de leurs propriétés.

       EMPLOI DES PIERRES À BÂTIR SUIVANT LEURS QUALITÉS.--Plusieurs causes contribuent à détruire les pierres calcaires propres à la construction, et des causes qui agissent sur les unes n'ont pas d'action sur les autres. De plus, l'assemblage de certaines pierres est nuisible à quelques-unes d'entre elles. Les principes destructeurs les plus énergiques sont les sels qui se développent, par l'effet de l'humidité, dans l'intérieur même des pierres, et les alternatives du chaud et du froid. Toutes les pierres, grès, granits même et calcaires, contiennent une quantité notable d'eau, et s'emparent de l'humidité du sol et de l'atmosphère lorsqu'elles viennent à sécher. Cette propriété, qui est nécessaire à l'agrégation de leurs molécules, est en même temps la cause de leur destruction. Si les pierres sont posées près du sol, en élévation, elles tendent sans cesse à pomper l'humidité de la terre, et cette humidité apporte avec elle des sels qui, tendant à se cristalliser par l'effet de la sécheresse de l'air, forment autant de petits coins qui désagrégent les molécules du grès, du calcaire et même du granit. Ces matériaux portent, d'ailleurs, dans leurs flancs des sels que l'humidité atmosphérique met sans cesse en travail. Telle pierre qui dans l'eau ou sous le sol ne se décomposera jamais, s'altère après une année de séjour à l'air. La question est donc, non pas de priver les pierres de toute humidité, mais de faire en sorte, pour les conserver, que cette humidité ait une action du dehors au dedans et non du dedans au dehors; que les sels qu'elles contiennent soient toujours à l'état de dissolution, et qu'ils ne tendent jamais à venir se cristalliser à leur surface ou qu'ils restent à l'état latent.

      Supposons une pierre calcaire, par exemple, posée en A (fig. 1) sur une assise de libages, et une fondation en béton ou en moellon; par l'effet de la capillarité, c'est-à-dire par suite de l'action aspirante de cette pierre, l'humidité sera plus considérable en a, au coeur même de la pierre, qu'à sa surface externe séchée par l'air; dès lors les sels tendront à venir se cristalliser suivant la direction des flèches sur ces surfaces externes, et les désagrégeront peu à peu. Supposons qu'entre cette pierre de soubassement B et l'assise de libages C est interposée une lame de plomb ou un lit imperméable, comme du bitume, l'eau de pluie qui balayera les parements fera que ces parements seront plus humides au moment même de l'émission aqueuse que le coeur: d'ailleurs cette eau sera séchée promptement par l'air; les sels qui pourraient se développer et venir à la surface seront lavés, dissous et entraînés par cette abondance d'eau externe, et ne pourront se développer en cristaux, par conséquent faire lever les parements. Dans le cas d'un isolement complet de la pierre soustraite à l'humidité du sol, plus elle sera poreuse, plus ses parements seront facilement lavés et séchés et mieux ils se conserveront.

      Retournons la figure: supposons (fig. 2), en A, qu'une pierre a est posée sous un chéneau. Si compacte que soit la pierre dont est fait ce chéneau, elle tend à absorber une certaine quantité de l'eau qui coule dans sa concavité. La pierre a, séchée par l'air, tend à son tour à demander au chéneau une partie de l'eau qui l'a pénétré; cette eau agira dans le sens des flèches, c'est-à-dire qu'étant plus abondante, moins rapidement séchée au coeur de la pierre a qu'à sa surface, elle dissoudra les sels intérieurs qui viendront se cristalliser sur les parements et les feront lever d'abord en fine poussière, puis par écailles. Mais si entre ce chéneau B et la pierre sous-posée nous interposons un corps imperméable C, cette pierre sous-posée sera, comme dans le cas précédent, lavée à l'extérieur par la pluie ou humectée par les brouillards plus abondamment que son coeur, et les sels ne pourront se cristalliser à sa surface. La pierre de Saint-Leu, le banc royal de Saint-Maximin, qui se conservent pendant des siècles à l'air libre ou en parements parfaitement préservés de toute humidité intérieure, tombent en poussière, posés sous des chéneaux ou des tablettes de corniche de pierre dure qui reçoivent l'eau de pluie et en absorbent une partie. Bien que dans ce cas la pierre dure reste intacte, la pierre au-dessous est rapidement décomposée par les sels qui la traversent et viennent se cristalliser à sa surface; souvent même la croûte de ces pierres est restée ferme, que la décomposition est fort avancée à un millimètre au-dessous.

      Soit, par exemple (fig. 3), une tablette de pierre dure A posée sur une corniche B de pierre de Saint-Leu, on verra bientôt la croûte de cette pierre se lever comme des copeaux D, en démasquant l'altération profonde de la sous-surface. Cette croûte même dont se revêtent certaines pierres contribue à hâter le travail de décomposition produit par les sels, en protégeant la sous-surface contre le contact de l'air. Les pores n'étant plus aussi ouverts sur la pellicule externe de la pierre qu'à 1 ou 2 millimètres de profondeur, les sels se cristallisent sous cette pellicule qu'ils ne peuvent traverser, et produisent des ravages dont on ne s'aperçoit que quand la croûte tombe. Les profils employés pendant la période du moyen âge pour les corniches et bandeaux avaient l'avantage de ne point conserver l'humidité et de la renvoyer au contraire rapidement. Aussi les pierres qui recouvrent ces saillies sont-elles réellement protégées, et ne présentent pas les altérations que l'on observe sous les tablettes des corniches de la renaissance ou de l'époque moderne. Les constructeurs du moyen âge avaient si bien observé ces phénomènes de décomposition des pierres, qu'ils ont souvent isolé les chéneaux, soit en les portant sur des corbeaux ou sur des arcs, soit en laissant sous leur lit un espace vide ou bien rempli d'une matière imperméable, telle qu'un mastic à l'huile ou à la résine. Ils n'avaient pas moins observé les effets que certaines pierres juxtaposées produisent les unes sur les autres. Ainsi les grès, ayant la propriété de contenir une grande quantité d'eau, absorbent rapidement celle du sol et de l'atmosphère. Lorsqu'au-dessus de ces assises de grès on pose des pierres qui se salpêtrent assez facilement, on voit bientôt la décomposition se produire près de leur lit touchant au grès, et cette décomposition ne s'arrête plus, elle monte chaque année. Ces mêmes pierres, posées sur des assises d'une roche calcaire n'absorbant pas une aussi grande quantité d'eau que le grès, ne se seraient peut-être jamais décomposées. Aussi, quand les constructeurs du moyen âge ont posé des assises de grès en soubassement surmontées СКАЧАТЬ