Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ d'une clôture fortifiée et formait ce que l'on appelait une cour (curia), dans laquelle le logis primitif était insuffisant, il devint assez ordinaire, au XIIIe siècle, d'augmenter ce logement, selon les besoins, en élevant successivement de nouvelles constructions, telles que chambres, chapelles, cuisines, qui d'abord furent semées çà et là sur la surface de l'enclos. Lorsqu'un certain nombre de ces bâtiments avaient ainsi été appropriés ou créés, on les réunissait successivement par des passages couverts (aleia) construits en bois, quelquefois en façon de portiques ouverts, mais plus souvent fermés sur les côtés. Ces bâtiments étaient jetés au milieu des enceintes, laissant les défenses libres, comme le serait un bourg ou village enclos de murs. Au XIIIe siècle, les services se relient davantage à l'enceinte même, que les bâtiments intérieurs contribuent à renforcer; c'est seulement alors qu'apparaît le château sous le rapport architectonique, les établissements antérieurs n'étant que des défenses plus ou moins fortes et étendues enveloppant des habitations et des bâtiments de service de toute nature et de dimensions fort diverses sans aucune idée d'ensemble. Le XIIIe siècle vit élever de magnifiques châteaux qui joignaient à leurs qualités de forteresses celles de résidences magnifiques abondamment pourvues de leurs services et de tout ce qui est nécessaire à la vie d'un seigneur vivant au milieu de son domaine entouré d'une petite cour et d'une garnison.

      À partir de saint Louis, la féodalité décroît; elle est absorbée par la royauté d'une part, et entamée par le peuple de l'autre; les édifices qu'elle élève se ressentent naturellement de cette situation politique; ils se dressent sur le sol lorsqu'elle reprend de l'influence; ils sont plus rares ou plus pauvres lorsque le pouvoir royal et l'organisation nationale prennent de la force et se constituent. À la mort de Philippe-Auguste, en 1223, la féodalité, qui avait aidé ce prince à réunir à la couronne les plus belles provinces de France, se trouvait riche et puissante; à l'exemple du roi, quelques grands vassaux avaient absorbé nombre de fiefs, soit par des alliances, soit comme prix de leurs services, soit par suite de la ruine des nobles qui avaient tout perdu pendant les croisades du XIIe siècle. Pendant les premières années de la minorité de saint Louis, il s'était formé, comme chacun sait, une ligue formidable contre la couronne de France gardée par une femme encore jeune et dont on ne soupçonnait pas les grandes qualités politiques. Parmi les vassaux de la couronne de France coalisés contre le roi enfant, un des plus puissants était Enguerrand III, sire de Coucy, seigneur de Saint-Gobain, d'Assis, de Marle, de la Fère, de Folembray, etc. Son esprit indomptable, son caractère indépendant étaient excités par d'immenses richesses; un instant ce vassal pensa pouvoir mettre la main sur la couronne de France; mais ses sourdes menées et ses projets ambitieux furent déjoués par la politique adroite de la reine Blanche, qui sut enlever à la coalition féodale un de ses plus puissants appuis, le comte de Champagne. Le sire de Coucy fut bientôt obligé de prêter serment de fidélité entre les mains du roi, qui ne voulut pas se souvenir de ses projets. C'est à l'époque des rêves ambitieux d'Enguerrand III qu'il faut faire remonter la construction du château magnifique dont nous voyons encore les ruines gigantesques. Le château de Coucy dut être élevé très-rapidement, ainsi que l'enceinte de la ville qui l'avoisine, de 1225 à 1230. Le caractère de la sculpture, les profils, ainsi que la construction, ne permettent pas de lui assigner une époque plus ancienne ni plus récente 65.

      Le château de Coucy n'est plus une enceinte flanquée enveloppant des bâtiments disposés au hasard; c'est un édifice vaste, conçu d'ensemble et élevé d'un seul jet, sous une volonté puissante et au moyen de ressources immenses. Son assiette est admirablement choisie et ses défenses disposées avec un art dont la description ne donne qu'une faible idée 66.

      Bâti à l'extrémité d'un plateau de forme très-irrégulière, le château de Coucy domine des escarpements assez roides qui s'élèvent de cinquante mètres environ au-dessus d'une riche vallée, terminée au nord-ouest par la ville de Noyon et au nord-nord-est par celle de Chauny; il couvre une surface de dix mille mètres environ. Entre la ville et le château est une vaste basse-cour fortifiée, dont la surface est triple au moins de celle occupée par le château. Cette basse-cour renfermait des salles assez étendues dont il reste des amorces visibles encore aujourd'hui, enrichies de colonnes et chapiteaux sculptés, avec voûtes d'arêtes, des écuries et une chapelle orientée tracée en A sur notre plan du rez-de-chaussée (16).

      Cette chapelle était évidemment d'une époque antérieure aux constructions d'Enguerrand III. On ne communiquait de la ville à la basse-cour ou esplanade que par une porte donnant sur la ville et défendue contre elle 67 par deux petites tours. La basse-cour était protégée par le donjon B qui domine tout son périmètre et ses remparts flanqués par les deux tours du château C D. Un fossé de vingt mètres de largeur sépare le château de la basse-cour. Un seul pont jeté en E sur ce fossé donnait entrée dans le château; il était composé de piles isolées avec deux tabliers à bascule en bois, défendus par deux portes avancées E' E'' et deux corps de garde F F' posés sur des piles de manière à laisser libre le fond du fossé. La porte en G est munie de doubles herses et de vantaux. Cette porte s'ouvre sur un long passage voûté qu'il était facile de défendre et qui devait être muni de machicoulis. Des deux côtés du couloir sont disposées des salles de gardes H voûtées et pouvant contenir des postes nombreux. Au-dessus s'élevait un logis à plusieurs étages dominant la porte et se reliant à la courtine I. Du couloir d'entrée on débouchait dans la cour K du château entourée de bâtiments appuyés sur les courtines. En L se trouvaient des bâtiments de service voûtés à rez-de-chaussée et surmontés de deux étages; en M les appartements d'habitation à trois étages du côté où le château est le moins accessible du dehors et desservis par le grand escalier M'; en N de vastes magasins voûtés à rez-de-chaussée (celliers) avec caves au-dessous fermées en berceau ogival. Les magasins N, au premier étage, portaient la grand'salle éclairée sur les dehors. En O, les soubassements de la chapelle qui, au premier étage, se trouvait de plain-pied avec la grand'salle. Les cuisines étaient très-probablement placées en P, avec escalier particulier P' communiquant aux caves; elles possédaient une cour particulière en R à laquelle on arrivait sous la chapelle dont le rez-de-chaussée reste à jour. Les tours C, D, S, T possèdent deux étages de caves et trois étages de salles au-dessus du sol, sans compter l'étage des combles. Elles sont, comme on le remarquera, très-saillantes sur les courtines, de manière à les bien flanquer. Ces tours, qui n'ont pas moins de dix-huit mètres de diamètre hors oeuvre sur trente-cinq mètres de hauteur environ au-dessus du sol extérieur, ne sont rien auprès du donjon qui porte trente-un mètres de diamètre hors oeuvre sur soixante-quatre mètres depuis le fond du fossé jusqu'au couronnement. Outre son fossé, ce donjon possède une enceinte circulaire extérieure ou chemise qui le protége contre les dehors du côté de la basse-cour. On montait du sol de la cour au chemin de ronde de la chemise par la rampe V, près l'entrée du donjon. On communiquait des salles P, au moyen d'un escalier, au fond du fossé de la chemise, avec les dehors par une poterne percée en X, munie de vantaux, de machicoulis et de herses, correspondant à une seconde poterne Y avec pont-levis donnant sur l'escarpement et masquée par la tour C. Un chemin de ronde inférieur X' voûté en demi-berceau percé au niveau du fond du fossé suit la circonférence de la courtine, et était évidemment destiné à arrêter les travaux des mineurs, comme nos galeries de contre-mine permanentes ménagées sous les revêtements des courtines et bastions. Dans ce souterrain en X'' se trouve une source excellente à fleur de terre, à l'usage de la cuisine. En W sont des latrines prises aux dépens de l'épaisseur du mur de la chemise, pour les gardes de cette enceinte et les gens de cuisine. En Z était une cage avec escalier de bois pouvant être détruit facilement, qui mettait le souterrain intérieur en communication avec le chemin de ronde supérieur. Le petit escalier Q donnant dans la salle P desservait la herse et le machicoulis de la poterne X. Le souterrain inférieur X' se trouvait encore en communication avec l'escalier U desservant les ouvrages supérieurs de la porte. Si l'assiégeant s'était emparé de la poterne X (ce qui était difficile, СКАЧАТЬ



<p>65</p>

Il est entendu que nous ne parlons pas ici des reconstructions entreprises et terminées à la fin du XIVe siècle.

<p>66</p>

Voyez, pour l'assiette du château de Coucy, à l'article ARCHITECTURE MILITAIRE, fig. 20.

<p>67</p>

Cette porte pouvait aussi être défendue, mais beaucoup plus faiblement, contre la baille, dans le cas où celle-ci eût été prise avant la ville.