Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ disparu. L'empire d'Orient, qui n'avait pas été bouleversé par l'invasion de peuplades sauvages, conservait ses arts et son industrie. Au VIIIe siècle c'était là qu'il fallait aller chercher la pratique des arts. D'ailleurs Charlemagne, qui avait eu de fréquents différends avec les empereurs d'Orient, s'était maintenu en bonne intelligence avec le kalife Haroun qui lui fit, en 801, cession des lieux saints. Dès 777 Charlemagne avait fait un traité d'alliance avec les gouvernements mauresques de Saragosse et d'Huesca. Par ces alliances il se ménageait les moyens d'aller recueillir les sciences et les arts là où ils s'étaient développés. Dès cette époque, les Maures d'Espagne, comme les Arabes de Syrie, étaient fort avancés dans les sciences mathématiques et dans la pratique de tous les arts, et bien que Charlemagne passe pour avoir ramené de Rome, en 787, des grammairiens, des musiciens et des mathématiciens en France, il est vraisemblable qu'il manda des professeurs de géométrie à ses alliés de Syrie ou d'Espagne; car nous pouvons juger, par le peu de monuments de Rome qui datent de cette époque, à quel degré d'ignorance profonde les constructeurs étaient tombés dans la capitale du monde chrétien.

      Mais pour Charlemagne tout devait partir de Rome par tradition, il était avant tout empereur d'Occident, et il ne devait pas laisser croire que la lumière pût venir d'ailleurs. Ainsi, à la renaissance romaine qu'il voulait faire, il mêlait, par la force des choses, des éléments étrangers qui allaient bientôt faire dévier les arts du chemin sur lequel il prétendait les replacer. L'empereur pouvait s'emparer des traditions du gouvernement romain, rendre des ordonnances toutes romaines, composer une administration copiée sur l'administration romaine, mais si puissant que l'on soit, on ne décrète pas un art. Pour enseigner le dessin à ses peintres, les mathématiques à ses architectes, il lui fallait nécessairement faire venir des professeurs de Byzance, de Damas, ou de Cordoue; et ces semences exotiques jetées en Occident parmi des populations qui avaient leur génie propre, devaient produire un art qui n'était ni l'art romain ni l'art d'Orient, mais qui, partant de ces deux origines, devait produire un nouveau tronc tellement vivace, qu'il allait après quelques siècles étendre ses rameaux jusque sur les contrées d'où il avait tiré son germe.

      On a répété à satiété que les croisades avaient eu une grande influence sur l'architecture occidentale; c'est une croyance que l'étude des monuments vient plutôt détruire que confirmer. Si les arts et les sciences, conservés et cultivés par les Maures, ont jeté des éléments nouveaux dans l'architecture occidentale, c'est bien plutôt pendant le VIIIe siècle. Charlemagne dut être frappé des moyens employés par les infidèles pour gouverner et policer les populations. De son temps déjà les disciples de Mahomet avaient établi des écoles célèbres où toutes les sciences connues alors étaient enseignées; ces écoles, placées pour la plupart à l'ombre des mosquées, purent lui fournir les modèles de ses établissements à la fois religieux et enseignants. Cette idée, du reste, sentait son origine grecque, et les nestoriens avaient bien pu la transmettre aux arabes; quoi qu'il en soit, Charlemagne avait des rapports plus directs avec les infidèles qu'avec la cour de Byzance, et s'il ménageait les mahométans plus que les Saxons, par exemple, frappés sans relâche par lui jusqu'à leur complète conversion, c'est qu'il trouvait chez les Maures une civilisation très-avancée, des moeurs policées, des habitudes d'ordre, et des lumières dont il profitait pour parvenir au but principal de son règne, l'éducation. Il trouvait enfin en Espagne plus à prendre qu'à donner.

      Sans être trop absolu, nous croyons donc que le règne de Charlemagne peut être considéré comme l'introduction des arts modernes en France; pour faire comprendre notre pensée par une image, nous dirons qu'à partir de ce règne, si la coupe et la forme du vêtement restent romaines, l'étoffe est orientale. C'est plus particulièrement dans les contrées voisines du siége de l'empire, et dans celles où Charlemagne fit de longs séjours, que l'influence orientale se fait sentir: c'est sur les bords du Rhin, c'est dans le Languedoc, et le long des Pyrénées, que l'on voit se conserver longtemps, et jusqu'au XIIIe siècle, la tradition de certaines formes évidemment importées, étrangères à l'art romain.

      Mais malgré son système administratif fortement établi, Charlemagne n'avait pu faire pénétrer partout également l'enseignement des arts et des sciences auquel il portait une si vive sollicitude. En admettant même qu'il ait pu (ce qu'il nous est difficile d'apprécier aujourd'hui, les exemples nous manquant), par la seule puissance de son génie tenace, donner à l'architecture des bords du Rhin aux Pyrénées, une unité factice en dépit des différences de nationalités, cette grande oeuvre dut s'écrouler après lui. Charlemagne avait de fait réuni sur sa tête la puissance spirituelle et la puissance temporelle; il s'agissait de sauver la civilisation, et les souverains pontifes, qui avaient vu l'Église préservée des attaques des arabes, des Grecs et des Lombards, par l'empereur, avaient pu reconnaître cette unité des pouvoirs. Mais l'empereur mort, ces nationalités d'origines différentes réunies par la puissance du génie d'un seul homme devaient se diviser de nouveau; le clergé devait reconquérir pied à pied le pouvoir spirituel, que s'arrogeaient alors les successeurs de Charlemagne, non plus pour le sauvegarder, mais pour détruire toute liberté dans l'Église, et trafiquer des biens et dignités ecclésiastiques. Les germes de la féodalité, qui existaient dans l'esprit des Francs, vinrent encore contribuer à désunir le faisceau si laborieusement lié par ce grand prince. Cinquante ans après sa mort chaque peuple reprend son allure naturelle; l'art de l'architecture se fractionne, le génie particulier à chaque contrée se peint dans les monuments des IXe et Xe siècles. Pendant les XIe et XIIe siècles, la diversité est encore plus marquée. Chaque province forme une école. Le système féodal réagit sur l'architecture; de même que chaque seigneur s'enferme dans son domaine, que chaque diocèse s'isole du diocèse voisin, l'art de bâtir suit pas à pas cette nouvelle organisation politique. Les constructeurs ne vont plus chercher des matériaux précieux au loin, n'usent plus des mêmes recettes, ils travaillent sur leur sol, emploient les matériaux à leur portée, modifient leurs procédés en raison du climat sous lequel ils vivent, ou les soumettent à des influences toutes locales. Un seul lien unit encore tous ces travaux qui s'exécutent isolément, la papauté. L'épiscopat qui, pour reconquérir le pouvoir spirituel, n'avait pas peu contribué au morcellement du pouvoir temporel, soumis lui-même à la cour de Rome, fait converger toutes ces voies différentes vers un même but où elles devaient se rencontrer un jour. On comprendra combien ces labeurs isolés devaient fertiliser le sol des arts, et quel immense développement l'architecture allait prendre, après tant d'efforts partiels, lorsque l'unité gouvernementale, renaissante au XIIIe siècle, réunirait sous sa main tous ces esprits assouplis par une longue pratique et par la difficulté vaincue.

      Parmi les arts, l'art de l'architecture est certainement celui qui a le plus d'affinité avec les instincts, les idées, les moeurs, les progrès, les besoins des peuples; il est donc difficile de se rendre compte de la direction qu'il prend, des résultats auxquels il est amené, si l'on ne connaît les tendances et le génie des populations au milieu desquelles il s'est développé. Depuis le XVIIe siècle la personnalité du peuple en France a toujours été absorbée par le gouvernement, les arts sont devenus officiels, quitte à réagir violemment dans leur domaine, comme la politique dans le sien à certaines époques. Mais au XIIe siècle, au milieu de cette société morcelée, où le despotisme des grands, faute d'unité, équivalait, moralement parlant, à une liberté voisine de la licence, il n'en était pas ainsi. Le cadre étroit dans lequel nous sommes obligé de nous renfermer, ne nous permet pas de faire marcher de front l'histoire politique et l'histoire de l'architecture du VIIIe au XIIe siècle en France; c'est cependant ce qu'il faudrait tenter si l'on voulait expliquer les progrès de cet art au milieu des siècles encore barbares du moyen-âge; nous devrons nous borner à indiquer des points saillants, généraux, qui seront comme les jalons d'une route à tracer.

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