Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ province; la troisième comprendra l'architecture religieuse; la quatrième l'architecture monastique; la cinquième l'architecture civile; la sixième l'architecture militaire.

       ORIGINES DE L'ARCHITECTURE FRANÇAISE. Lorsque les barbares firent irruption dans les Gaules, le sol était couvert de monuments romains, les populations indigènes étaient formées de longue main à la vie romaine. Aussi fallut-il trois siècles de désastres pour faire oublier les traditions antiques. Au VIe siècle il existait encore au milieu des villes gallo-romaines un grand nombre d'édifices épargnés par la dévastation et l'incendie; mais les arts n'avaient plus, quand les barbares s'établirent définitivement sur le sol, un seul représentant, personne ne pouvait dire comment avaient été élevés les monuments romains. Des exemples étaient encore debout, mais comme des énigmes à deviner pour ces populations neuves. Tout ce qui tient à la vie journalière, le gouvernement de la cité, la langue, avait encore survécu au désastre; mais l'art de l'architecture qui demande de l'étude, du temps, du calme pour se produire, était nécessairement tombé dans l'oubli. Le peu de fragments d'architecture qui nous restent des VIe et VIIe siècles ne sont que de pâles reflets de l'art romain, souvent des débris amoncelés tant bien que mal par des ouvriers inhabiles sachant à peine poser du moellon et de la brique. Aucun caractère particulier ne distingue ces bâtisses informes qui donnent plutôt l'idée de la décadence d'un peuple que de son enfance. En effet, quels éléments d'art les Francs avaient-ils pu jeter au milieu de la population gallo-romaine? Nous voyons alors le clergé s'établir dans les basiliques ou les temples restés debout, les rois habiter les thermes, les ruines des palais ou des villæ romaines. Si lorsque l'ouragan barbare est passé, lorsque les nouveaux maîtres du sol commencent à s'établir on bâtit des églises ou des palais, on reproduit les types romains, mais en évitant d'attaquer les difficultés de l'art de bâtir. Pour les églises, la basilique antique sert toujours de modèle; pour les habitations princières, c'est la villa gallo-romaine que l'on cherche à imiter. Grégoire de Tours décrit, d'une manière assez vague d'ailleurs, quelques-uns de ces édifices religieux ou civils.

      Il ne faut pas croire cependant que toute idée de luxe fût exclue de l'architecture; au contraire les édifices, le plus souvent bâtis d'une façon barbare, se couvrent à l'intérieur de peintures, de marbres, de mosaïques. Ce même auteur, Grégoire de Tours, en parlant de l'église de Clermont-Ferrand, bâtie au Ve siècle par saint Numatius, huitième évêque de ce diocèse, fait une peinture pompeuse de cet édifice. Voici la traduction de sa description. «Il fit (saint Numatius) bâtir l'église qui subsiste encore, et qui est la plus ancienne de celles qu'on voit dans l'intérieur de la ville. Elle a cent cinquante pieds de long, soixante de large, et cinquante pieds de haut dans l'intérieur de la nef jusqu'à la charpente; au-devant est une abside de forme ronde, et de chaque côté s'étendent des ailes d'une élégante structure. L'édifice entier est disposé en forme de croix; il a quarante-deux fenêtres, soixante-dix colonnes, et huit portes... Les parois de la nef sont ornées de plusieurs espèces de marbres ajustés ensemble. L'édifice entier ayant été achevé dans l'espace de douze ans... 6» C'est là une basilique antique avec ses colonnes et ses bas côtés (ascellæ), sa camera que nous croyons devoir traduire par charpente, avec d'autant plus de raisons que cette église fut complétement détruite par les flammes lorsque Pépin enleva la ville de Clermont au duc d'Aquitaine Eudes, à ce point qu'il fallut la rebâtir entièrement. Dans d'autres passages de son Histoire, Grégoire de Tours parle de certaines habitations princières dont les portiques sont couverts de charpentes ornées de vives peintures.

      Les nouveaux maîtres des Gaules s'établirent de préférence au milieu des terres qu'ils s'étaient partagées; ils trouvaient là une agglomération de colons et d'esclaves habitués à l'exploitation des terres, une source de revenus en nature faciles à percevoir, et qui devaient satisfaire tous les désirs d'un chef germain. D'ailleurs, les villes avaient encore conservé leur gouvernement municipal respecté en grande partie par les barbares. Ces restes d'une vieille civilisation ne pouvaient que gêner les nouveaux venus, si forts et puissants qu'ils fussent. Des conquérants étrangers n'aiment pas à se trouver en présence d'une population qui, bien que soumise, leur est supérieure sous le rapport des moeurs et de la civilisation, c'est au moins une contrainte morale qui embarrasse des hommes habitués à une vie indépendante et sauvage. Les exercices violents, la chasse, la guerre; comme délassements, les orgies, s'accommodent de la vie des champs. Aussi, sous la première race, les villæ sont-elles les résidences préférées des rois et des possesseurs du sol. Là vivaient ensemble vainqueurs et vaincus. Ces habitations se composaient d'une suite de bâtiments destinés à l'exploitation, disséminés dans la campagne, et ressemblant assez à nos grands établissements agricoles. Là les rois francs tenaient leur cour, se livraient au plaisir de la chasse et vivaient des produits du sol réunis dans d'immenses magasins. Quand ces approvisionnements étaient consommés ils changeaient de résidence. Le bâtiment d'habitation était décoré avec une certaine élégance, quoique fort simple comme construction et distribution. De vastes portiques, des écuries, des cours spacieuses, quelques grands espaces couverts où l'on convoquait les synodes des évêques, où les rois francs présidaient ces grandes assemblées suivies de ces festins traditionnels qui dégénéraient en orgies, composaient la résidence du chef. «Autour du principal corps de logis se trouvaient disposés par ordre les logements des officiers du palais, soit barbares, soit romains d'origine... D'autres maisons de moindre apparence étaient occupées par un grand nombre de familles qui exerçaient, hommes et femmes, toutes sortes de métiers, depuis l'orfévrerie et la fabrique d'armes, jusqu'à l'état de tisserand et de corroyeur... 7»

      Pendant la période mérovingienne les villes seules étaient fortifiées. Les villæ étaient ouvertes, défendues seulement par des palissades et des fossés. Sous les rois de la première race la féodalité n'existe pas encore, les leudes ne sont que de grands propriétaires établis sur le sol gallo-romain, soumis à une autorité centrale, celle du chef franc, mais autorité qui s'affaiblit à mesure que le souvenir de la conquête, de la vie commune des camps se perd. Les nouveaux possesseurs des terres, éloignés les uns des autres, séparés par des forêts ou des terres vagues dévastées par les guerres, pouvaient s'étendre à leur aise, ne rencontraient pas d'attaques étrangères à repousser, et n'avaient pas besoin de chercher à empiéter sur les propriétés de leurs voisins. Toutefois, ces hommes habitués à la vie aventureuse, au pillage, au brigandage le plus effréné, ne pouvaient devenir tout à coup de tranquilles propriétaires se contentant de leur part de conquête; ils se ruaient, autant par désoeuvrement que par amour du gain, sur les établissements religieux, sur les villages ouverts, pour peu qu'il s'y trouvât quelque chose à prendre. Aussi voit-on peu à peu les monastères, les agglomérations gallo-romaines quitter les plaines, le cours des fleuves, pour se réfugier sur les points élevés et s'y fortifier. Le plat pays est abandonné aux courses des possesseurs du sol qui, ne trouvant plus devant eux que les fils ou les petits-fils de leurs compagnons d'armes, les attaquent et pillent leurs villæ. C'est alors qu'elles s'entourent de murailles, de fossés profonds; mais mal placées pour se défendre, les villæ sont bientôt abandonnées aux colons, et les chefs francs s'établissent dans des forteresses. Au milieu de cette effroyable anarchie que les derniers rois mérovingiens étaient hors d'état de réprimer, les évêques et les établissements religieux luttaient seuls; les uns par leur patience, la puissance d'un principe soutenu avec fermeté, leurs exhortations; les autres par l'étude, les travaux agricoles, et en réunissant derrière leurs murailles les derniers débris de la civilisation romaine.

      Charlemagne surgit au milieu de ce chaos; il parvient par la seule puissance de son génie organisateur à établir une sorte d'unité administrative; il reprend le fil brisé de la civilisation antique et tente de le renouer. Charlemagne voulait faire une renaissance. Les arts modernes allaient profiter de ce suprême effort, non en suivant la route tracée par ce grand génie, mais en s'appropriant les éléments nouveaux qu'il avait été chercher en Orient. Charlemagne avait compris que les lois et la force matérielle sont СКАЧАТЬ



<p>6</p>

Hist. ecclés. des Francs, par G. F. Grégoire, évêque de Tours, en 10 liv. rev. et collat. sur de nouv. manus., et traduite par MM. J. Guadet et Taranne. A Paris, 1836; chez J. Renouard. T. I, p. 178. (Voy. Éclairciss. et Observ.)

<p>7</p>

Aug. Thierry, Récits des temps mérovingiens (t. I, p. 253. éd. Furne, Paris, 1846).