La Nation canadienne. Ch. Gailly de Taurines
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La Nation canadienne - Ch. Gailly de Taurines страница 2

Название: La Nation canadienne

Автор: Ch. Gailly de Taurines

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ le typhus, décimait ses compagnons. Le mal sévissait avec une telle fureur qu'à la fin de février, des cent dix hommes de sa flotte, trois ou quatre à peine restaient capables de porter à leurs compagnons les soins que réclamait leur pitoyable état. Vingt-cinq d'entre eux succombèrent au fléau. Cartier fit faire l'autopsie du cadavre de l'un d'eux, Philippe Rougemont, d'Amboise, et il relate avec minutie dans son journal tous les détails de cette triste opération.

      «Il fust trouvé qu'il avait le cœur blanc et flétri, environné de plus d'un pot d'eau rousse comme dacte, le foye beau, mais avait le poumon tout noirci et mortifié et s'était retiré tout son sang au-dessus de son cœur, car quand il fut ouvert, sortit au-dessus du cœur grande abondance de sang noir infect. Pareillement, avait la rate par devers l'échine un peu entamée, environ deux doigts, comme si elle eut été frottée sur une pierre rude. Après cela vu lui fut ouverte et incise une cuisse, laquelle était fort noire par dehors, mais dedans la chair fut trouvée assez belle.»

      Plus de quarante des autres compagnons de Cartier étaient dans une situation désespérée, lorsqu'une femme indienne indiqua à leur chef un arbre dont l'écorce devait être un remède au terrible mal, et qui, en effet, rendit bientôt aux malades «santé et guérison». «Si tous les médecins de Louvain et de Montpellier, ajoute Cartier, y eussent été avec toutes les drogues d'Alexandrie, ils n'en eussent pas tant fait en un an que ledit arbre a fait en six jours1

      Rebuté par tant de difficultés et de traverses, Cartier, dès le retour de la belle saison, s'empressa de quitter les eaux du Saint-Laurent et ne laissa sur ses rives aucun établissement durable.

      Il fallut aux fondateurs de colonies un cœur fortement trempé, une triple cuirasse d'airain, comme dit Horace, pour aborder ces pays sauvages et tenter, au milieu des privations et des dangers, de s'y créer de nouvelles patries. Ils obéissaient à cette force invincible qui fait marcher les peuples vers de mystérieuses destinées; le nouveau continent était ouvert à l'Europe, ils allaient le conquérir pour elle.

      Commencée au seizième siècle, cette conquête est de nos jours à peu près définitivement achevée; les plus habiles, les plus entreprenants et les plus forts en ont eu la plus grosse part. Nos grands hommes d'État en avaient compris l'importance: François Ier l'avait pressentie et avait lancé partout les marins français à la découverte de nouvelles terres. Henri IV avait commencé notre empire colonial, et c'est aux grandes vues de cet homme de génie qu'est dû le premier projet de créer sur les rives du Saint-Laurent une colonie permanente. Québec lui doit sa naissance.

      C'est par ses ordres directs et contre l'avis, bien aveugle cette fois, avouons-le, du sage Sully, que dans l'été de l'année 1608, le navigateur saintongeais, Samuel de Champlain, remontait les rives solitaires du Saint-Laurent, examinant la côte, cherchant sur quel point il pourrait débarquer avec ses hommes pour établir la colonie qu'il avait mission de fonder.

      Par une belle journée de soleil, le 3 juillet, il arrivait en vue d'un promontoire «couvert de noyers et de vignes sauvages» qui dominait au loin un coude majestueux du grand fleuve. C'était «la pointe de Québec, ainsi appelée des sauvages», comme il le rapporte lui-même.

      Séduit par l'aspect grandiose de la nature et par la fertilité du sol, il résolut de s'arrêter là. Aussitôt débarqué, dans une modeste maison de bois il établit ses hommes; telles sont les humbles origines de la grande ville de Québec. Elle fut bien longtemps avant de devenir une cité et ce n'est qu'en 1621 que le premier édifice en pierre, une église, fut construit par les soins des missionnaires récollets.

      Malgré la vigoureuse impulsion donnée par Richelieu au mouvement colonial, malgré tous les encouragements et tous les soins dont il entoura particulièrement la colonie naissante du Canada, elle était bien faible encore en 1642. Québec n'était alors qu' «un petit fort environné de quelques méchantes maisons donnant abri à de rares colons»; Montréal, où une société de personnes pieuses venait de fonder une mission, «deux ou trois cabanes»2, Trois-Rivières et Tadoussac, deux petits postes pour la traite des fourrures; et tout cela perdu sur un continent sans limites, la porte de ces pauvres demeures s'ouvrant sur un désert de huit cents lieues!

      Certes, quiconque eût vu le Canada en 1642 eût souri d'incrédulité si on lui eût parlé de sa grandeur future. Quelques colons et quelques cabanes, sont-ce là les prémisses d'une nation? Et cependant, c'est bien de ces germes humains, si chétifs et si débiles, pauvres graines jetées par le vent du destin dans l'immensité d'un continent, que devait sortir, après deux cents ans de germination et de croissance, la forte nation que nous voyons aujourd'hui prospérer et grandir.

      L'impulsion dont la colonie avait besoin, c'est Colbert qui la lui donna, et c'est lui qu'on peut considérer comme le véritable fondateur du Canada.

      La politique qu'il suivit mérite d'être exposée avec quelques détails puisqu'elle a été, pour ainsi dire, la cause première des résultats que nous voyons aujourd'hui. Nous étudierons donc successivement les mesures par lesquelles Colbert pourvut au peuplement de la colonie, à la découverte des vastes régions qui l'entouraient, et à la mise en culture de son territoire.

      Le peuplement est le premier besoin d'une colonie. Les diverses compagnies auxquelles Richelieu avait accordé, en échange de l'obligation d'amener des colons au Canada, le droit d'exploiter le riche et productif commerce de ses fourrures, avaient trop oublié leurs devoirs pour ne penser qu'à leurs intérêts. Les clauses des contrats, qui les obligeaient à emmener dans chacun de leurs navires un certain nombre d'émigrants, étaient demeurées à peu près lettres mortes, et nous avons dit plus haut combien était faible encore, au milieu du dix-septième siècle, le nombre des habitants de Québec.

      Aussi Colbert dut-il prendre d'énergiques mesures pour provoquer tout d'un coup dans la métropole un vigoureux courant d'émigration.

      Par ses ordres, les fonctionnaires civils et les autorités religieuses, les évêques, les intendants, sont chargés de rechercher, dans l'étendue des diocèses et des provinces, les personnes des deux sexes désireuses de s'établir au Canada.

      Cette propagande produisit un grand effet; dès 1663, ce ne sont plus quelques émigrants isolés, ce sont de vrais convois qui quittent les côtes de France et font voile vers Québec. En cette année, trois cent cinquante émigrants sont en une seule fois embarqués à la Rochelle3, et des convois semblables se succèdent d'année en année durant toute l'administration de Colbert.

      En 1667, enfin, un régiment entier, fort de vingt compagnies, le régiment de Carignan-Salières, débarque à Québec et porte l'ensemble de la population à plus de 4,000 âmes. C'est alors vraiment que le Canada est créé et commence à devenir non plus un poste de traite, ni une mission, mais une colonie.

      Le régiment de Carignan, dont M. de Salières était colonel, rentrait à peine de cette campagne de Hongrie, où le maréchal de La Feuillade, le comte de Coligny et les troupes françaises avaient apporté à l'Empereur, contre l'invasion des Turcs, un secours si puissant et si opportun.

      Ce régiment tout entier reçut au Canada la récompense de ses services.

      A mesure qu'ils obtenaient leur congé, officiers et soldats recevaient des terres. Les officiers, presque tous gentilshommes, prenaient naturellement pour censitaires les hommes qui avaient servi dans leurs compagnies. C'est ainsi que l'on forma, tout le long de la rivière Richelieu, au sud de Montréal, sur la frontière la plus exposée aux attaques des Iroquois, une sorte de colonie militaire qui, tout en concourant au progrès de la culture et du peuplement, servait en même temps comme de rempart contre un ennemi toujours en éveil, toujours prêt à s'élancer pour dévaster СКАЧАТЬ



<p>1</p>

Brief récit et succincte narration de la navigation faite en 1535 et 1536 par le capitaine Jacques Cartier, aux îles de Canada, Hochelaga, Saquenay et autres, etc.

C'est pendant ce voyage que Cartier eut pour la première fois connaissance de l'usage du tabac par les Indiens. Voici la curieuse description qu'il donne de cet usage alors totalement inconnu en France:

«Ils ont, dit-il en parlant des Indiens, une herbe de quoi ils font grand amas durant l'été pour l'hiver, laquelle ils estiment fort, et en usent les hommes seulement en la façon que s'ensuit: ils la font sécher au soleil, et la portent à leur col en une petite peau de bête au lieu de sac, avec un cornet de pierre ou bois; puis, à toute heure font poudre de ladite herbe et la mettent en l'un des bouts dudit cornet, puis mettent un charbon de feu dessus et sucent par l'autre bout, tant qu'ils s'emplissent le corps de fumée, tellement qu'elle leur sort par la bouche et par les nazilles comme par un tuyau de cheminée; et disent que cela les tient sains et chaudement, et ne vont jamais sans avoir lesdites choses. Nous avons éprouvé ladite fumée, après laquelle avoir mis en notre bouche, semble y avoir mis de la poudre de poivre, tant est chaude.»

<p>2</p>

Les fondateurs de cette mission lui avaient donné le nom de Ville-Marie. Celui de Mont-Royal ou Montréal lui est antérieur et avait été donné à cet endroit par Cartier lui-même en 1535, bien avant qu'aucun établissement y fût fondé. S'étant rendu au village indien d'Hochelaga, il fut conduit par le chef de ce village au sommet d'une montagne qui était à un quart de lieue de distance. De là il découvrit un pays sans bornes. Enchanté de la vue magnifique qu'il avait devant lui, il donna à cette montagne le nom de Mont-Royal, nom qu'elle a conservé et qui s'est étendu à la ville qui se trouve aujourd'hui à ses pieds.

<p>3</p>

Voy. Rameau, Acadiens et Canadiens, 2e part., p. 23.