Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794. Robespierre Maximilien
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794 - Robespierre Maximilien страница 16

СКАЧАТЬ aplanir les difficultés qui pouvaient se rencontrer dans leur exécution? A-t-on exigé l'obéissance comme on devait le faire? A-t-on manifesté que l'on voulait réellement que ce décret fût exécuté? Ce décret n'a pas même été envoyé! mais à sa place des libelles séditieux ont été envoyés, des manoeuvres coupables ont été employées pour exciter la révolte. De tous les faits que l'on vous présente, ou que l'on aurait dû vous présenter, celui-là seul est vrai. Que nos adversaires démentent cet écrit incendiaire, envoyé dû sein du comité colonial dans les colonies, pour empêcher l'exécution de votre décret.

      Des intrigues sont-elles des raisons péremptoires contré une loi sage, et faut-il que vous vous hâtiez d'anéantir la vôtre pour conserver des intrigues? Après tout, qu'y a-t-il donc dans tous ces événements que vous n'ayez prévu; lorsque vous rendîtes votre décret; alors aussi on voulut vous épouvanter par des menaces; alors on osa vous faire entendre qu'on provoquerait l'insurrection des blancs contre votre autorité, vous sentîtes que vous ne deviez point céder à ces lâches terreurs, vous eûtes la sagesse de ne point encourager l'audace, et de dédaigner les pièges de l'intrigue; vous ne pensiez pas que la volonté et les passions d'une classe quelconque osassent lutter sérieusement contre la fermeté de l'Assemblée nationale, armée de la justice, et contre la puissance de la nation française. Abjurerez-vous aujourd'hui ces grands principes, pour ne montrer que faiblesse, légèreté, inconséquence? Oublierez-vous que c'est la faiblesse et la lâcheté qui perdent les Etats et les gouvernements, et que c'est le courage et la constance qui les conservent? Mais, d'abord jusqu'à quel point faut-il y croire? n'est-ce pas une chose étonnante que lorsqu'on délibère sur un objet aussi important, aussi intimement lié et à la propriété nationale, et à la gloire des représentants de la nation, on ne se donne pas seulement la peine d'examiner les faits dont on parle si souvent sans en prouver aucun, et dont personne ne s'est donné la peine d'apprécier, ni la nature, ni les circonstances, ni les auteurs? Qui sont ceux qui les ont produits? Qui sont ceux qui les attestent? Ne sont-ce pas les parties intéressées? Ne sont-ce pas ceux qui, après avoir extraordinairement redouté le décret avant qu'il fût porté, n'ont cessé depuis de le calomnier et de l'enfreindre? Ne sont-ce pas ceux qui, après avoir prédit de sinistres événements, se seraient appliqués à les faire naître, et qui voudraient ensuite les supposer ou les exagérer.

      Ah! donnez-nous au moins le temps d'examiner: on a bien pris le temps nécessaire pour préparer, pour recueillir ces adresses présentées dans le moment qui a paru le plus convenable. Qu'il nous soit au moins permis aussi de recueillir tous les faits qui les démentent, et de nous munir de toutes les preuves que le hasard et l'amour de l'humanité peuvent avoir jetées au milieu de nous. Défions-nous au moins du tumulte et des cabales qui ont trop souvent présidé à nos délibérations sur cet important objet. Opposez aux adresses de plusieurs chambres de commerce les pétitions des citoyens moins intéressés des mêmes villes, qui en prouvent toute l'exagération et même quelque chose de plus, telles que celles des citoyens de Rennes, de Brest, de Bordeaux. L'arrêté du département de cette dernière ville, vous instruit de ce que l'intrigue peut faire pour opprimer la liberté et la justice. Faites-vous représenter toutes ces lettres qui prouvent que la situation des colonies ne présente rien qui puisse faire craindre une résistance décidée à l'exécution du décret, quand l'autorité de la nation a parlé; ou plutôt réduisez à leur juste valeur les faits même que nos adversaires nous attestent. Alors, loin d'être effrayés, vous verrez que tout se réduit à des signes de mécontentement plus ou moins prononcés par une partie des citoyens de quelques parties de nos colonies.

      Certes, il n'était pas difficile de prévoir qu'une loi qui blessait l'égoïsme d'une classe de colons, occasionnerait des mécontentements; et vous l'aviez prévu au mois de mai dernier. Il n'est pas plus difficile de concevoir que les chefs d'une insurrection apparente aient tenu des propos insensés et séditieux, qu'ils aient affecté même de les tenir, pour fournir aux chefs de leur faction en Europe un prétexte de faire craindre la chimérique scission des colonies; mais, en vérité, aux yeux des hommes raisonnables, n'y a-t-il pas une distance infinie entre le mécontentement, entre les menaces de quelques malintentionnés, et le dessein formé de lever l'étendard de la révolte contre la nation, de briser violemment les liens de l'habitude, de l'honneur, du devoir et surtout de l'intérêt, seul lien durable qui les attache à nous. Aussi, fixez votre attention sur toutes les pièces relatives aux colonies, qui ne paraissent point avoir été fabriquées par l'esprit de parti; vous y verrez qu'au milieu de quelques insurrections partielles, la disposition général des esprits est d'obéir à la loi, si la soumission est exigée avec fermeté; vous y verrez que les colons blancs eux-mêmes vous avertissent des pièges que l'on vous tend en Europe, et qu'ils vous conjurent de déployer la fermeté qui vous convient, en vous donnant la garantie que la résistance de l'orgueil, de l'intérêt particulier céderont à l'intérêt général et à la justice.

      Qu'il me soit permis de vous le dire, quelque haine qui puisse exister contre moi, le courage gratuit que j'ai montré à défendre la justice, l'humanité et les intérêts sacrés d'une partie des citoyens que nous devons protéger en Amérique, puisque nous nous occupons de leur sort, ne m'abandonnera pas; qu'il me soit permis de remettre sons vos yeux quel spectacle nous a présenté l'affaire des colonies depuis qu'il en a été question parmi nous. Rappelez-vous les dispositions particulières toujours présentées à l'improviste. Jamais aucun plan général qui vous permit d'embrasser d'un coup d'oeil et le but où l'on voulait vous conduire, et les chemins par lesquels on voulait vous faire parvenir. Rappelez-vous toutes ces délibérations où, après avoir remporté l'avantage auquel on semblait d'abord borner tous ses voeux, on s'en faisait un titre pour en obtenir de nouveaux; où, en vous conduisant toujours de récits en récits, d'épisodes en épisodes, de terreurs en terreurs, ou gagnait toujours quelque chose sur vos principes et sur l'intérêt national, jusqu'à ce qu'enfin, échouant contre un écueil, on s'est bien promis de réparer son naufrage.

      Mais, je ne puis me dispenser de répondre à une certaine observation que l'on vous a présentée pour affaiblir l'intérêt des hommes libres de couleur. Remarquez qu'il n'est pas question de leur accorder leurs droits, remarquez qu'il n'est pas question de les leur reconnaître, remarquez qu'il est question de les leur arracher, après que vous les leur avez reconnus. Et quel est l'homme qui, avec quelque sentiment de justice, puisse se porter légèrement à dire à plusieurs milliers d'hommes: nous avions reconnu que vous aviez des droits, nous vous ayons regardés comme citoyens actifs; mais nous allons vous replonger dans la misère et dans l'avilissement; nous allons vous remettre aux pieds de ces maîtres impérieux dont nous vous avions aidés à secouer le joug?

      Qu'est-ce donc, surtout dans les colonies, que les droits civils qu'on leur laisse, sans les droits politiques? Qu'est-ce qu'un homme privé des droits de citoyen actif dans les colonies, sous la domination des blancs? C'est un homme qui ne peut influer ni directement, ni indirectement sur lès intérêts les plus touchants, les plus sacrés de. la société dont il fait partie; c'est un homme qui est gouverné par des magistrats au choix desquels il ne peut concourir en aucune manière, par des lois, par des règlements, par des actes d'administration pesant sans cesse sur lui, sans avoir usé du droit qui appartient à tout citoyen d'influer pour sa part dans les conventions sociales, en ce qui concerne son intérêt particulier. C'est un homme avili dont la destinée est abandonnée aux caprices, aux passions, aux intérêts d'une caste supérieure. Voilà les biens auxquels on attache une médiocre importance! Que l'on pense ainsi, lorsqu'on regarde la liberté comme le superflu dont le peuple français peut se passer, pourvu qu'on lui laisse la tranquillité et du pain; que l'on raisonne ainsi avec de tels principes, je ne m'en étonne pas. Mais moi. dont la liberté sera l'idole, moi, qui ne connais ni bonheur, ni prospérité, ni moralité pour les hommes, ni pour les nations, sans liberté, je déclare que j'abhorre de pareils systèmes, et que je réclame votre justice, l'humanité, la justice et l'intérêt national en faveur des hommes libres de couleur.

* * * * * * * * *

      Maximilien Robespierre (1758-1794), Discours prononcé au Club des Jacobins le 19 mars 1792 (19 mars СКАЧАТЬ