Название: De l'origine des espèces
Автор: Darwin Charles
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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En outre, les espèces des genres riches offrent entre elles les mêmes rapports que ceux que l'on constate entre les variétés d'une même espèce. Aucun naturaliste n'oserait soutenir que toutes les espèces d'un genre sont également distinctes les unes des autres; on peut ordinairement les diviser en sous-genres, en sections, ou en groupes inférieurs. Comme Fries l'a si bien fait remarquer, certains petits groupes d'espèces se réunissent ordinairement comme des satellites autour d'autres espèces. Or, que sont les variétés, sinon des groupes d'organismes inégalement apparentés les uns aux autres et réunis autour de certaines formes, c'est-à- dire autour des espèces types? Il y a, sans doute, une différence importante entre les variétés et les espèces, c'est-à-dire que la somme des différences existant entre les variétés comparées les unes avec les autres, ou avec l'espèce type, est beaucoup moindre que la somme des différences existant entre les espèces du même genre. Mais, quand nous en viendrons à discuter le principe de la divergence des caractères, nous trouverons l'explication de ce fait, et nous verrons aussi comment il se fait que les petites différences entre les variétés tendent à s'accroître et à atteindre graduellement le niveau des différences plus grandes qui caractérisent les espèces.
Encore un point digne d'attention. Les variétés ont généralement une distribution fort restreinte; c'est presque une banalité que cette assertion, car si une variété avait une distribution plus grande que celle de l'espèce qu'on lui attribue comme souche, leur dénomination aurait été réciproquement inverse. Mais il y a raison de croire que les espèces très voisines d'autres espèces, et qui sous ce rapport ressemblent à des variétés, offrent souvent aussi une distribution limitée. Ainsi, par exemple, M. H. – C. Watson a bien voulu m'indiquer, dans l'excellent Catalogue des plantes de Londres (4° édition), soixante-trois plantes qu'on y trouve mentionnées comme espèces, mais qu'il considère comme douteuses à cause de leur analogie étroite avec d'autres espèces. Ces soixante-trois espèces s'étendent en moyenne sur 6.9 des provinces ou districts botaniques entre lesquels M. Watson a divisé la Grande-Bretagne. Dans ce même catalogue, on trouve cinquante-trois variétés reconnues s'étendant sur 7.7 de ces provinces, tandis que les espèces auxquelles se rattachent ces variétés s'étendent sur 14.3 provinces. Il résulte de ces chiffres que les variétés, reconnues comme telles, ont à peu près la même distribution restreinte que ces formes très voisines que M. Watson m'a indiquées comme espèces douteuses, mais qui sont universellement considérées par les botanistes anglais comme de bonnes et véritables espèces.
RÉSUMÉ
En résumé, on ne peut distinguer les variétés des espèces que: 1° par la découverte de chaînons intermédiaires; 2° par une certaine somme peu définie de différences qui existent entre les unes et les autres. En effet, si deux formes diffèrent très peu, on les classe ordinairement comme variétés, bien qu'on ne puisse pas directement les relier entre elles; mais on ne saurait définir la somme des différences nécessaires pour donner à deux formes le rang d'espèces. Chez les genres présentant, dans un pays quelconque, un nombre d'espèces supérieur à la moyenne, les espèces présentent aussi une moyenne de variétés plus considérable. Chez les grands genres, les espèces sont souvent, quoique à un degré inégal, très voisines les unes des autres, et forment des petits groupes autour d'autres espèces. Les espèces très voisines ont ordinairement une distribution restreinte. Sous ces divers rapports, les espèces des grands genres présentent de fortes analogies avec les variétés. Or, il est facile de se rendre compte de ces analogies, si l'on part de ce principe que chaque espèce a existé d'abord comme variété, la variété étant l'origine de l'espèce; ces analogies, au contraire, restent inexplicables si l'on admet que chaque espèce a été créée séparément.
Nous avons vu aussi que ce sont les espèces les plus florissantes, c'est-à-dire les espèces dominantes, des plus grands genres de chaque classe qui produisent en moyenne le plus grand nombre de variétés; or, ces variétés, comme nous le verrons plus tard, tendent à se convertir en espèces nouvelles et distinctes. Ainsi, les genres les plus riches ont une tendance à devenir plus riches encore; et, dans toute la nature, les formes vivantes, aujourd'hui dominantes, manifestent une tendance à le devenir de plus en plus, parce qu'elles produisent beaucoup de descendants modifiés et dominants. Mais, par une marche graduelle que nous expliquerons plus tard, les plus grands genres tendent aussi à se fractionner en des genres moindres. C'est ainsi que, dans tout l'univers, les formes vivantes se trouvent divisées en groupes subordonnés à d'autres groupes.
CHAPITRE III. LA LUTTE POUR L'EXISTENCE
Son influence sur la sélection naturelle. – Ce terme pris dans un sens figuré. – Progression géométrique de l'augmentation des individus. – Augmentation rapide des animaux et des plantes acclimatés. – Nature des obstacles qui empêchent cette augmentation. – Concurrence universelle. – Effets du climat. – Le grand nombre des individus devient une protection. – Rapports complexes entre tous les animaux et entre toutes les plantes. – La lutte pour l'existence est très acharnée entre les individus et les variétés de la même espèce, souvent aussi entre les espèces du même genre. – Les rapports d'organisme à organisme sont les plus importants de tous les rapports.
Avant d'aborder la discussion du sujet de ce chapitre, il est bon d'indiquer en quelques mots quelle est l'influence de lutte pour l'existence sur la sélection naturelle. Nous avons vu, dans le précédent chapitre, qu'il existe une certaine variabilité individuelle chez les êtres organisés à l'état sauvage; je ne crois pas, d'ailleurs, que ce point ait jamais été contesté. Peu nous importe que l'on donne le nom d'espèces, de sous-espèces ou de variétés à une multitude de formes douteuses; peu nous importe, par exemple, quel rang on assigne aux deux ou trois cents formes douteuses des plantes britanniques, pourvu que l'on admette l'existence de variétés bien tranchées. Mais le seul fait de l'existence de variabilité individuelles et de quelques variétés bien tranchées, quoique nécessaires comme point de départ pour la formation des espèces, nous aide fort peu à comprendre comment se forment ces espèces à l'état de nature, comment se sont perfectionnées toutes ces admirables adaptations d'une partie de l'organisme dans ses rapports avec une autre partie, ou avec les conditions de la vie, ou bien encore, les rapports d'un être organisé avec un autre. Les rapports du pic et du gui nous offrent un exemple frappant de ces admirables coadaptations. Peut-être les exemples suivants sont-ils un peu moins frappants, mais la coadaptation n'en existe pas moins entre le plus humble parasite et l'animal ou l'oiseau aux poils ou aux plumes desquels il s'attache; dans la structure du scarabée qui plonge dans l'eau; dans la graine garnie de plumes que transporte la brise la plus légère; en un mot, nous pouvons remarquer d'admirables adaptations partout et dans toutes les parties du monde organisé.
On peut encore se demander comment il se fait que les variétés que j'ai appelées espèces naissantes ont fini par se convertir en espèces vraies et distinctes, lesquelles, dans la plupart des cas, diffèrent évidemment beaucoup plus les unes des autres que les variétés d'une même espèce; comment se forment ces groupes d'espèces, qui constituent ce qu'on appelle des genres distincts, et qui diffèrent plus les uns des autres que les espèces du même genre? Tous ces effets, comme nous l'expliquerons de façon plus détaillée dans le chapitre suivant, découlent d'une même cause: la lutte pour l'existence. Grâce à cette lutte, les variations, quelque faibles qu'elles soient et de quelque cause qu'elles proviennent, tendent à préserver les individus d'une espèce et se transmettent ordinairement à leur descendance, pourvu qu'elles soient utiles à ces individus dans leurs rapports infiniment complexes avec les autres êtres organisés et avec les conditions physiques de la vie. Les descendants auront, eux aussi, en vertu de ce fait, une plus grande chance de persister; car, sur les individus d'une СКАЧАТЬ