De l'origine des espèces. Darwin Charles
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу De l'origine des espèces - Darwin Charles страница 16

Название: De l'origine des espèces

Автор: Darwin Charles

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ on voit quel nombre surprenant de formes ont été classées par un botaniste comme espèces, et par un autre comme variétés. M. H. – C. Watson, auquel je suis très reconnaissant du concours qu'il m'a prêté, m'a signalé cent quatre-vingt-deux plantes anglaises, que l'on considère ordinairement comme des variétés, mais que certains botanistes ont toutes mises au rang des espèces; en faisant cette liste, il a omis plusieurs variétés insignifiantes, lesquelles néanmoins ont été rangées comme espèces par certains botanistes, et il a entièrement omis plusieurs genres polymorphes. M. Babington compte, dans les genres qui comprennent le plus de formes polymorphes, deux cent cinquante et une espèces, alors que M. Bentham n'en compte que cent douze, ce qui fait une différence de cent trente-neuf formes douteuses! Chez les animaux qui s'accouplent pour chaque portée et qui jouissent à un haut degré de la faculté de la locomotion, on trouve rarement, dans un même pays, des formes douteuses, mises au rang d'espèces par un zoologiste, et de variétés par un autre; mais ces formes sont communes dans les régions séparées. Combien n'y a-t-il pas d'oiseaux et d'insectes de l'Amérique septentrionale et de l'Europe, ne différant que très peu les uns des autres, qui ont été comptés, par un éminent naturaliste comme des espèces incontestables, et par un autre, comme des variétés, ou bien, comme on les appelle souvent, comme des races géographiques! M. Wallace démontre, dans plusieurs mémoires remarquables, qu'on peut diviser en quatre groupes les différents animaux, principalement les lépidoptères, habitant les îles du grand archipel Malais: les formes variables, les formes locales, les races géographiques ou sous-espèces, et les vraies espèces représentatives. Les premières, ou formes variables, varient beaucoup dans les limites d'une même île. Les formes locales sont assez constantes et sont distinctes dans chaque île séparée; mais, si l'on compare les unes aux autres les formes locales des différentes îles, on voit que les différences qui les séparent sont si légères et offrent tant de gradations, qu'il est impossible de les définir et de les décrire, bien qu'en même temps les formes extrêmes soient suffisamment distinctes. Les races géographiques ou sous-espèces constituent des formes locales complètement fixes et isolées; mais, comme elles ne diffèrent pas les unes des autres par des caractères importants et fortement accusés, «il faut s'en rapporter uniquement à l'opinion individuelle pour déterminer lesquelles il convient de considérer comme espèces, et lesquelles comme variétés». Enfin, les espèces représentatives occupent, dans l'économie naturelle de chaque île, la même place que les formes locales et les sous-espèces; mais elles se distinguent les unes des autres par une somme de différences plus grande que celles qui existent entre les formes locales et les sous-espèces; les naturalistes les regardent presque toutes comme de vraies espèces. Toutefois, il n'est pas possible d'indiquer un criterium certain qui permette de reconnaître les formes variables, les formes locales, les sous- espèces et les espèces représentatives.

      Il y a bien des années, alors que je comparais et que je voyais d'autres naturalises comparer les uns avec les autres et avec ceux du continent américain les oiseaux provenant des îles si voisines de l'archipel des Galapagos, j'ai été profondément frappé de la distinction vague et arbitraire qui existe entre les espèces et les variétés. M. Wollaston, dans son admirable ouvrage, considère comme des variétés beaucoup d'insectes habitant les îlots du petit groupe de Madère; or, beaucoup d'entomologistes classeraient la plupart d'entre eux comme des espèces distinctes. Il y a, même en Irlande, quelques animaux que l'on regarde ordinairement aujourd'hui comme des variétés, mais que certains zoologistes ont mis au rang des espèces. Plusieurs savants ornithologistes estiment que notre coq de bruyère rouge n'est qu'une variété très prononcée d'une espèce norwégienne; mais la plupart le considèrent comme une espèce incontestablement particulière à la Grande- Bretagne. Un éloignement considérable entre les habitats de deux formes douteuses conduit beaucoup de naturalistes à classer ces dernières comme des espèces distinctes. Mais n'y a-t-il pas lieu de se demander: quelle est dans ce cas la distance suffisante? Si la distance entre l'Amérique et l'Europe est assez considérable, suffit-il, d'autre part, de la distance entre l'Europe et les Açores, Madère et les Canaries, ou de celle qui existe entre les différents îlots de ces petits archipels?

      M. B. – D. Walsh, entomologiste distingué des États-Unis, a décrit ce qu'il appelle les variétés et les espèces phytophages. La plupart des insectes qui se nourrissent de végétaux vivent exclusivement sur une espèce ou sur un groupe de plantes; quelques-uns se nourrissent indistinctement de plusieurs sortes de plantes; mais ce n'est pas pour eux une cause de variations. Dans plusieurs cas, cependant, M. Walsh a observé que les insectes vivant sur différentes plantes présentent, soit à l'état de larve, soit à l'état parfait, soit dans les deux cas, des différences légères, bien que constantes, au point de vue de la couleur, de la taille ou de la nature des sécrétions. Quelquefois les mâles seuls, d'autres fois les mâles et les femelles présentent ces différences à un faible degré. Quand les différences sont un peu plus accusées et que les deux sexes sont affectés à tous les âges, tous les entomologistes considèrent ces formes comme des espèces vraies. Mais aucun observateur ne peut décider pour un autre, en admettant même qu'il puisse le faire pour lui-même, auxquelles de ces formes phytophages il convient de donner le nom d'espèces ou de variété. M. Walsh met au nombre des variétés les formes qui s'entrecroisent facilement; il appelle espèces celles qui paraissent avoir perdu cette faculté d'entrecroisement. Comme les différences proviennent de ce que les insectes se sont nourris, pendant longtemps, de plantes distinctes, on ne peut s'attendre à trouver actuellement les intermédiaires reliant les différentes formes. Le naturaliste perd ainsi son meilleur guide, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il doit mettre les formes douteuses au rang des variétés ou des espèces. Il en est nécessairement de même pour les organismes voisins qui habitent des îles ou des continents séparés. Quand, au contraire, un animal ou une plante s'étend sur un même continent, ou habite plusieurs îles d'un même archipel, en présentant diverses formes dans les différents points qu'il occupe, on peut toujours espérer trouver les formes intermédiaires qui, reliant entre elles les formes extrêmes, font descendre celles-ci au rang de simples variétés.

      Quelques naturalistes soutiennent que les animaux ne présentent jamais de variétés; aussi attribuent-ils une valeur spécifique à la plus petite différence, et, quand ils rencontrent une même forme identique dans deux pays éloignés ou dans deux formations géologiques, ils affirment que deux espèces distinctes sont cachées sous une même enveloppe. Le terme espèce devient, dans ce cas, une simple abstraction inutile, impliquant et affirmant un acte séparé du pouvoir créateur. Il est certain que beaucoup de formes, considérées comme des variétés par des juges très compétents, ont des caractères qui les font si bien ressembler à des espèces, que d'autres juges, non moins compétents, les ont considérées comme telles. Mais discuter s'il faut les appeler espèces ou variétés, avant d'avoir trouvé une définition de ces termes et que cette définition soit généralement acceptée, c'est s'agiter dans le vide.

      Beaucoup de variétés bien accusées ou espèces douteuses mériteraient d'appeler notre attention; on a tiré, en effet, de nombreux et puissants arguments de la distribution géographique, des variations analogues, de l'hybridité, etc., pour essayer de déterminer le rang qu'il convient de leur assigner; mais je ne peux, faute d'espace, discuter ici ces arguments. Des recherches attentives permettront sans doute aux naturalistes de s'entendre pour la classification de ces formes douteuses. Il faut ajouter, cependant, que nous les trouvons en plus grand nombre dans les pays les plus connus. En outre, si un animal ou une plante à l'état sauvage est très utile à l'homme, ou que, pour quelque cause que ce soit, elle attire vivement son attention, on constate immédiatement qu'il en existe plusieurs variétés que beaucoup d'auteurs considèrent comme des espèces. Le chêne commun, par exemple, est un des arbres qui ont été le plus étudiés, et cependant un naturaliste allemand érige en espèces plus d'une douzaine de formes, que les autres botanistes considèrent presque universellement comme des variétés. En Angleterre, on peut invoquer l'opinion des plus éminents botanistes et des hommes pratiques les plus expérimentés; les uns affirment que les chênes sessiles et les chênes pédonculés sont des espèces bien distinctes, les autres que ce sont de simples variétés.

      Puisque СКАЧАТЬ