Victor, ou L'enfant de la forêt. Ducray-Duminil François Guillaume
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СКАЧАТЬ qui ne savez pas que la vertu peut être grande et sublime au milieu des persécutions qu'elle n'a pu s'attirer ni éviter, ne lisez point mon livre, ne lisez point sur-tout mon dernier volume, vous n'y verriez que les défauts d'un roman, tandis que le lecteur philanthrope et sensible y trouvera, j'ose le croire, l'histoire de l'homme et la morale des êtres malheureux.

fin du tome premier

      TOME SECOND

      CHAPITRE PREMIER.

      COMBATS; LE NOUVEL ŒDIPE

      Le baron de Fritzierne, Victor et Clémence, regardent avec un intérêt mêlé d'effroi, madame Wolf qui couvre de baisers et de larmes le portrait de l'inconnue; ils sont trop troublés pour avoir la faculté de lui parler, de l'interroger; mais leurs regards fixés, leurs bras tendus vers elle, expriment assez leur curiosité, et le desir qu'ils ont de l'entendre s'expliquer sur un rapprochement aussi extraordinaire. Quelle est cette femme, dont le baron et madame Wolf possèdent chacun un portrait? Est-ce cette amie dont madame Wolf veut garderie secret jusqu'au tombeau? Personne n'en peut douter. Est-ce la mère de Victor? C'est la mère de Victor, puisque son portrait se trouva au fond de sa barcelonnette. Madame Wolf connaît la mère de Victor, et sans doute son père; madame Wolf va, par des explications franches, abréger les recherches de l'amant de Clémence; elle va hâter son bonheur, puisque la main de celle qu'il aime est attachée à la découverte du secret de sa naissance. Son père enfin sera connu; son père!.. Ah! sans doute cet homme vertueux fut aussi infortuné que celle pour qui il soupira. Tous deux malheureux, tous deux persécutés apparemment par un tyran farouche, séparés peut-être pour jamais, tous deux ont fini leurs jours loin de l'autre, ou ensemble et par les mêmes coups; madame Wolf sait tout cela; madame Wolf va dévoiler ce mystère; et le baron, en apprenant le sort et le nom du père de Victor, va combler pour toujours les vœux de son fils adoptif en lui donnant Clémence; ô bonheur!

      Telles sont les réflexions qui s'accumulent en foule dans la tête de Victor; il ne peut les détailler, ces réflexions mêlées de joie et de tristesse; mais tandis que son cœur bat d'impatience et de sensibilité; ses yeux, qu'humectent quelques larmes, entrevoient déjà l'aurore d'un bonheur prochain; les yeux expressifs du bon Victor sont attachés sur les yeux de madame Wolf: sa bouche est ouverte, et sa langue veut articuler quelques mots qu'il ne peut prononcer. Mille sentimens divers assiégent à-la-fois le cœur de Victor: la curiosité, l'espoir du bonheur, l'amitié, la reconnaissance et la voix de la nature.

      Enfin, s'écrie madame Wolf dans l'expansion du plus touchant abandon, enfin il faut parler, il faut le dévoiler ce secret terrible!.. Ô ma tendre amie! toi qui reposes dans le silence du tombeau, le destin m'affranchit du serment que tu as exigé de moi; c'est pour ton fils que je le romps, c'est ton fils qui m'en dégage; cet affreux secret est encore à toi, à moi, puisqu'il n'est déposé que dans son sein, et dans le sein généreux et sensible de son second père, de sa vertueuse épouse… Écoutez, mes amis, écoutez, et frémissez…

      Madame Wolf allait commencer le récit le plus intéressant pour nos amis; déjà chacun d'eux s'était rapproché de cette femme étonnante, et le plus grand silence régnait autour d'elle, lorsque Valentin, qui, comme je l'ai déjà dit, était resté en observateur à une des croisées de l'appartement, se précipite sur Victor en s'écriant: Aux armes! aux armes! les voici!.. – Qui? – Les brigands, Roger, les voici!

      Un coup de vent qui soulève une colonne de poussière, et la disperse au loin dans la campagne, ne produit pas un effet plus rapide que cette exclamation inattendue n'en fit sur nos quatre amis réunis. Ils se lèvent précipitamment, désespérés de cette interruption, mais embrasés par l'indignation et le feu du courage… Rentrez, madame Wolf, s'écrie le baron; retire-toi, ô ma Clémence! reprend à son tour Victor… Les deux dames vont sortir; Clémence revient; elle demande à son père la permission d'embrasser son ami. Qui peut deviner, dit-elle en frémissant, qui peut deviner l'issue de ce combat?.. Le baron présente Victor à sa fille: les deux amans se serrent étroitement: madame Wolf revient à son tour presser les mains de ses deux bienfaiteurs; puis le bon Valentin accompagne ces dames jusqu'à la retraite qui leur est préparée dans la tour la plus reculée et la plus fortifiée du château.

      Comment remplirai-je maintenant la tâche que je me suis imposée? Essaierai-je de tracer à mes lecteurs des descriptions de combats? Mon crayon est-il assez fort pour dessiner des attaques, des évolutions militaires?.. Oui, je l'entreprendrai; mais j'abrégerai ce tableau imposant, terrible; et si cette histoire intéresse ceux qui me lisent, ils me sauront gré au moins, malgré ma faiblesse, de ne les priver d'aucuns des détails qui servent à la lier dans toutes ses parties, à lui donner de la clarté, de la variété et de l'intérêt.

      À peine Clémence et madame Wolf sont-elles éloignées, que Victor et le baron se mettent à la croisée où Valentin observait, pour tâcher de distinguer les forces de l'ennemi qui s'approchait. À peine y sont-ils, qu'à la lueur des flambeaux que portent les brigands, ils apperçoivent ces scélérats, armés de pied en cap, traînant avec eux des canons, des machines, des matières combustibles, tout l'attirail formidable des combats. Aux armes! s'écrie à son tour l'intrépide Victor; en se précipitant dans les cours intérieures du château où sa petite troupe est postée; et sur-le-champ, ce cri de deuil, aux armes! frappe de tous côtés les voûtes du manoir, naguère si tranquille, du vénérable baron de Fritzierne. Tandis que la trompette sonne l'alarme dans les cours, le son lugubre du beffroi se fait entendre dans la tourelle la plus élevée du château.

      Cependant la troupe de Roger s'est avancée dans la plaine; elle est sous les murs des tours, presqu'au bord du large fossé, et forme un demi-cercle au milieu duquel on voit s'élever, comme le chêne au milieu des jeunes ormeaux, le superbe Roger, reconnaissable par l'aigrette blanche qui orne la toque couleur de feu dont son front est ombragé: un large cimeterre brille dans sa main, et sa ceinture est hérissée de pistolets. Il est entouré de l'élite de ses soldats; et ses ordres, comme l'éclair qui semble parcourir la moitié du firmament, volent en un moment de l'aile gauche à l'aile droite de son armée. Elle est formidable, son armée: plus de mille hommes la composent. Ici, à la tête d'une brigade, distinguée par un soleil d'or qui orne sa bannière, on remarque l'effroyable Dragowitz: ce scélérat, dont la taille est gigantesque, qui, à l'approche d'une action, roule ses yeux comme un lion qui déchire sa pâture sanglante, ce monstre couvert de forfaits porte, pour toute arme, une énorme branche d'arbre, qui, dans ses mains, et pour le malheureux passant qu'il attaque, est vraiment la massue d'Hercule. Là, vous remarquez l'astucieux Fritzini, dont le corps maigre et la figure blême n'annoncent pas la force; mais examinez ses yeux louches et faux; entendez le son rauque de sa voix; suivez ses gestes, ses moindres mouvemens, ils vous diront que c'est l'homme le plus adroit pour les trahisons, le plus perfide pour les traités; c'est l'Ulysse de la troupe dans le conseil; c'est le Thersite de l'armée dans les combats. Plus loin sont, à la tête de leurs colonnes, les plus vils brigands de la terre, Sermoneck, Alinditz, Morneck, Flibusket, Bernert; et à leur suite, tous ceux qui se distinguent particulièrement dans l'attaque des voitures publiques, des courriers, et même des brigades qui courent les forêts pour la sûreté publique. Tous ces scélérats, que nous aurons occasion de retrouver par la suite, sont bouillans d'impatience et de pillage; ils toisent déjà des yeux le superbe château de Fritzierne, et le regardent comme leur future propriété: chacun brûle de tenir sa part des richesses qu'il renferme; chacun se dispose à combattre avec la plus grande intrépidité.

      Quoi qu'il en soit, leur chef Roger ne sait point se précipiter, sans ordre et sans tactique, sur sa proie, comme une troupe d'écoliers tombe sur un cerisier qu'elle dépouille. Roger aime les batailles rangées, les attaques en règle; il a d'ailleurs affaire à un adversaire dont il connaît les talens dans l'art militaire; il veut lui prouver qu'il en possède aussi: il est fier, Roger, et veut se donner, aux yeux du baron de Fritzierne, la réputation d'un grand guerrier. En conséquence, et pour mettre des formes à l'action qu'il brûle d'engager, un de ses hérauts sonne trois fois du cor: on lui СКАЧАТЬ