Les chasseurs de chevelures. Reid Mayne
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Название: Les chasseurs de chevelures

Автор: Reid Mayne

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ cela qu'on appelle l'amour, Henri?

      – Oui.

      – Alors je dois vous aimer, car, quelque part que je sois, je vois toujours votre figure, comme si elle etait devant moi! Si je savais me servir du crayon comme vous, je suis sure que je pourrais la dessiner, quand meme vous ne seriez pas la! Eh bien, alors, est-ce que vous pensez que je vous aime, Henri?

      La plume ne pourrait rendre ce que j'eprouvai en ce moment. Nous etions assis et la feuille de papier sur laquelle etaient les croquis etait etendue entre nous deux. Ma main glissa sur la surface jusqu'a ce que les doigts de ma compagne, qui n'opposait aucune resistance, fussent serres dans les miens. Une commotion violente resulta de ce contact electrique. Le papier tomba sur le plancher, et le coeur tremblant, mais rempli d'orgueil, j'attirai sur mon sein la charmante creature qui se laissait faire. Nos levres se rencontrerent dans un premier baiser. Je sentis son coeur battre contre ma poitrine. Oh! bonheur! joies du ciel! j'etais le souverain de ce cher petit coeur!..

      XIV

      LUMIERE ET OMBRE

      La maison que nous habitions occupait le milieu d'un enclos carre qui s'etendait jusqu'au bord de la riviere de Del-Norte. Cet enclos, qui renfermait un parterre et un jardin anglais, etait defendu de tous cotes par de hauts murs en adobe. Le faite de ces murs etait garni d'une rangee de cactus dont les grosse branches epineuses formaient d'infranchissables chevaux de frise. On n'arrivait a la maison et au jardin que par une porte massive munie d'un guichet, laquelle, ainsi que je l'avais remarque, etait toujours fermee et barricadee. Je n'avais nulle envie d'aller dehors. Le jardin, qui etait fort grand, limitait mes promenades, souvent je m'y promenais avec Zoe et sa mere, et plus souvent encore avec Zoe seule. On trouvait dans cette enceinte plus d'un objet interessant. Il y avait une ruine, et la maison elle-meme gardait encore les traces d'une ancienne splendeur effacee. C'etait un grand batiment dans le style moresque-espagnol, avec un toit plat (azotea) borde d'un parapet crenele sur la facade. Ca et la, l'absence de quelqu'une des dents de pierre de ces creneaux accusait la negligence et le delabrement. Le jardin etait rempli de symptomes analogues; mais dans ces ruines memes on trouvait un eclatant temoignage du soin qui avait preside autrefois a l'installation de ces statues brisees, de ces fontaines sans eaux, de ces berceaux effondres, de ces grandes allees envahies par les mauvaises herbes, et dont les restes accusaient a la fois la grandeur passee et l'abandon present. On avait reuni la beaucoup d'arbres d'especes rares et exotiques; mais il y avait quelque chose de sauvage dans l'aspect de leurs fruits et de leurs feuillages. Leurs branches entrelacees formaient d'epais fourres qui denotaient l'absence de toute culture. Cette sauvagerie n'etait pas denuee d'un certain charme; en outre, l'odorat etait agreablement frappe par l'arome de milliers de fleurs, dont l'air etait continuellement embaume. Les murs du jardin aboutissaient a la riviere et s'arretaient la; car la rive, coupee a pic, et la profondeur de l'eau qui coulait au pied, formaient une defense suffisante de ce cote. Une epaisse rangee de cotonniers bordait le rivage, et, sous leur ombre, on avait place de nombreux sieges de maconnerie vernissee, dans le style propre aux contrees espagnoles. Il y avait un escalier taille dans la berge, au-dessus duquel pendaient les branches d'arbustes pleureurs, et qui conduisait jusqu'au bord de l'eau. J'avais remarque une petite barque amarree sous les saules, aupres de la derniere marche. De ce cote seulement, les yeux pouvaient franchir les limites de l'enclos. Le point de vue etait magnifique, et commandait le cours sinueux du Del-Norte a la distance de plusieurs milles.

      Le pays, de l'autre cote de la riviere, paraissait inculte et inhabite. Aussi loin que l'oeil pouvait s'etendre, le riche feuillage du cotonnier garnissait le paysage, et couvrait la riviere de son ombre. Au sud, pres de la ligne de l'horizon, une fleche solitaire s'elancait du milieu des massifs d'arbres. C'etait l'eglise d'El-Paso del Norte dont les coteaux couverts de vignes se confondaient avec les plans interieurs du ciel lointain. A l'est, s'elevaient les hauts pics des montagnes Rocheuses; la chaine mysterieuse des Organos, dont les lacs sombres et eleves, avec leurs flux et reflux, impriment a l'ame du chasseur solitaire une superstitieuse terreur. A l'ouest, tout au loin, et a peine visibles, les rangees jumelles des Mimbres, ces montagnes d'or, dont les defiles resonnent si rarement sous le pas de l'homme. Le trappeur intrepide lui-meme rebrousse chemin quand il approche de ces contrees inconnues qui s'etendent au nord-ouest du Gila: c'est le pays des Apaches et des Navajoes anthropophages.

      Chaque soir nous allions sous les bosquets de cotonniers, et, assis pres l'un de l'autre sur un des bancs, nous admirions ensemble les feux du soleil couchant. A ce moment de la journee nous etions toujours seuls, moi et ma petite compagne. Je dis ma petite compagne, et cependant, a cette epoque, j'avais cru voir en elle un changement soudain; il me semblait que sa taille s'etait elevee, et que les lignes de son corps accusaient de plus en plus les contours de la femme! A mes yeux, ce n'etait plus une enfant. Ses formes se developpaient, les globes de son sein soulevaient son corsage par des ondulations plus amples, et ses gestes prenaient ces allures feminines qui commandent le respect. Son teint se rehaussait de plus vives couleurs, et son visage revetait un eclat plus brillant de jour en jour. La flamme de l'amour, qui s'echappait de ses grands yeux noirs, ajoutait encore a leur humide eclat. Il s'operait une transformation dans son ame et dans son corps, et cette transformation etait l'oeuvre de l'amour. Elle etait sous l'influence divine!

      Un soir, nous etions assis comme d'habitude, sous l'ombre solennelle d'un bosquet. Nous avions pris avec nous la guitare et la mandoline, mais a peine en avions-nous tire quelques notes, la musique etait oubliee et les instruments reposaient sur le gazon a nos pieds. Nous preferions a tout la melodie de nos propres voix. Nous etions plus charmes par l'expression de nos sentiments intimes que par celle des chants les plus tendres. Il y avait assez de musique autour de nous: le bourdonnement de l'abeille sauvage, disant adieu aux corolles qui se fermaient, le "whoup" du gruya dans les glaieuls lointains, et le doux roucoulement des colombes perchees par couples sur les branches des arbres voisins et se murmurant comme nous leurs amours. Le feuillage des bois avait revetu les tons chauds et varies de l'automne. L'ombre des grands arbres se jouait sur la surface de l'eau, et diaprait le courant calme et silencieux. Le soleil allait atteindre l'horizon, le clocher d'El-Paso, reflechissant ses rayons, scintillait comme une etoile d'or. Nos yeux erraient au hasard, et s'arretaient sur la girouette etincelante.

      – L'eglise! murmura ma compagne, comme se parlant a elle-meme. C'est a peine si je puis me rappeler comment elle est. Il y a si longtemps que je ne l'ai vue!

      – Depuis combien de temps, donc?

      – Oh! bien des annees, bien des annees; j'etais toute jeune alors.

      – Et depuis lors vous n'avez pas depasse l'enceinte de ces murs?

      – Oh! si fait. Papa nous a conduites souvent en bateau, en descendant la riviere; mais pas dans ces derniers temps.

      – Et vous n'avez pas envie d'aller la-bas dans ces grands bois si gais?

      – Je ne le desire pas. Je suis heureuse ici.

      – Mais serez-vous toujours heureuse ici?

      – Et pourquoi pas, Henri? Quand vous etes pres de moi, comment ne serais-je pas heureuse?

      – Mais quand…

      Une triste pensee sembla obscurcir son esprit. Tout entiere a l'amour, elle n'avait jamais reflechi a la possibilite de mon depart, et je n'y avais pas reflechi plus qu'elle. Ses joues palirent soudainement, et je lus une profonde douleur dans ses yeux qu'elle fixa sur moi; mais les mots etaient prononces.

      – … Quand il faudra que je vous quitte?

      Elle se jeta entre mes bras avec un cri aigu, comme si elle avait ete frappee au coeur, et, d'une voix passionnee, cria:

      – Oh! mon Dieu! mon Dieu! me quitter! me quitter! – Oh! vous ne me quitterez pas vous qui m'avez appris a aimer.

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