Les chasseurs de chevelures. Reid Mayne
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Название: Les chasseurs de chevelures

Автор: Reid Mayne

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ passion veritable. J'avais cru quelquefois aimer auparavant, mais j'avais ete le jouet d'illusions passageres; illusions d'ecolier de village qui voyait le ciel dans les yeux brillants de sa timide compagne de classe, ou qui, par hasard, a quelque pique-nique de famille, dans un vallon romantique, avait cueilli un baiser sur les joues roses d'une jolie petite cousine.

      Mes forces renaissaient avec une rapidite qui surprenait grandement mon savant amateur de plantes. L'amour ranimait et alimentait le foyer de la vie. L'esprit reagit sur la matiere, et il est certain, quoi qu'on en puisse dire, que le corps est soumis a l'influence de la volonte. Le desir de guerir, de vivre pour un objet aime, est souvent le plus efficace de tous les remedes: c'etait le mien. Ma vigueur revint, et je commencai a pouvoir me lever. Un coup d'oeil dans la glace me prouva que je reprenais des couleurs. L'instinct pousse l'oiseau a lisser ses ailes et a donner le plus brillant eclat a son plumage, pendant tout le temps ou il courtise sa femelle. Le meme sentiment me rendait tres-soigneux de ma toilette. Mon portemanteau fut vide, mes rasoirs tires de leur etui, ma longue barbe disparut, et mes moustaches furent reduites a des proportions raisonnables.

      Je fais ici ma confession complete. On m'avait dit que je n'etais pas laid, et je croyais ce que l'on m'avait dit. Je suis homme, et j'ai la vanite de l'homme. N'etes-vous pas ainsi? Quant a Zoe, enfant de la nature encore endormie dans la plus complete innocence, elle n'avait pas de ces preoccupations. Les artifices de la toilette n'occupaient point sa pensee. Elle n'avait nulle conscience des graces dont elle etait si abondamment pourvue. Son pere, le vieux botaniste des pueblos peons et les valets de la maison etaient, a ce que j'appris, les seuls hommes qu'elle eut jamais vus jusqu'a mon arrivee. Depuis nombre d'annees sa mere et elle vivaient dans leur interieur, aussi renfermees que si elles eussent ete recluses dans un couvent. Il y avait la un mystere qui ne me fut revele que plus tard. C'etait donc un coeur virginal, pur et sans tache, un coeur dont les doux reves n'avaient point encore ete troubles par les eclairs de la passion, contre la sainte innocence duquel le dieu des amours n'avait encore decoche aucun de ses traits. Appartenez-vous au meme sexe que moi? Avez-vous jamais desire conquerir un coeur comme celui-la? Si vous pouvez repondre affirmativement a cette question, je n'ai pas besoin de vous dire ce dont vous aurez garde, comme moi, le souvenir: a savoir que tous les efforts que vous aurez pu faire pour arriver a un tel but ont ete inutiles. Vous avez ete aime tout de suite, ou vous ne l'avez jamais ete. Le coeur de la vierge ne se conquiert pas par les subtilites de la galanterie. Il ne fait pas de ces demi-avances que vous pouvez rendre decisives par de tendres assiduites. Un objet l'attire ou le repousse, et l'impression est instantanee comme la foudre. C'est un coup de de. Le sort s'est prononce pour ou contre vous. Dans ce dernier cas, ce que vous avez de mieux a faire, c'est de quitter la partie. Aucun effort ne triomphera de l'obstacle et n'eveillera les emotions de l'amour. Vous pourrez gagner l'amitie; l'amour, jamais. Vos coquetteries avec d'autres n'eveilleront aucun sentiment de jalousie; aucuns sacrifices ne parviendront a vous faire aimer. Vous pouvez conquerir des mondes, mais vous n'aurez aucune action sur les battements silencieux et secrets de ce jeune coeur. Vous pouvez devenir un heros chante dans toutes les langues, mais celui dont l'image aura rempli la pensee de la jeune fille sera son seul heros, plus grand, plus noble pour elle que tous les autres. Celui qui possedera cette chere petite creature la possedera tout entiere, quelque humble de condition, quelque indigne qu'il puisse etre. Chez elle, il n'y aura ni retenue, ni raisonnement, ni prudence, ni finesse. Elle cedera tout simplement aux impulsions mysterieuses de la nature. Sous cette influence, elle portera son coeur tout entier sur l'autel, et se devouera, s'il le faut, au plus cruel sacrifice. En est-il ainsi des coeurs plus avances dans la vie, qui ont deja subi plus d'un assaut? Avec les belles, les coquettes? Non, soyez repousse par une de ces femmes, ce n'est pas un motif pour vous desesperer. Vous pouvez avoir des qualites qui, avec le temps transformeront les regards severes en sourires. Vous pouvez faire de grandes choses; vous pouvez acquerir de la renommee; et au dedain qui vous a d'abord accueilli succedera peut-etre une humilite qui mettra cette femme a vos pieds. C'est encore de l'amour, sans doute, de l'amour violent meme, base sur l'admiration qu'inspire quelque qualite intellectuelle, ou meme physique, dont vous aurez fait preuve. C'est un amour qui prend pour guide la raison, et non ce mysterieux instinct auquel obeit seulement le premier. Quel est celui de ces deux amours dont l'homme doit le plus s'enorgueillir? Duquel sommes-nous les plus fiers? Du dernier? Helas! non. Et que celui qui nous a faits ainsi reponde pourquoi; mais je n'ai jamais rencontre un seul homme qui ne preferat etre aime pour les agrements de sa personne plutot que pour les qualites de son esprit. Vous pouvez trouver mauvais que je fasse cette declaration; vous pouvez protester contre. Elle n'en reste pas moins vraie. Oh! il n'y a pas de joie plus douce, de triomphe plus enivrant que de serrer contre son sein la tremblante petite captive dont le coeur est agite des innocentes pulsations d'un amour de jeune fille!

      Ce sont la des reflexion faites apres coup. A l'epoque dont je retrace l'histoire, j'etais trop jeune pour raisonner ainsi; trop peu familiarise avec la diplomatie de la passion. Neanmoins, mon esprit, alors, se jeta dans de longues suites de raisonnements, et je combinai des plans nombreux pour arriver a decouvrir si j'etais aime.

      Il y avait une guitare dans la maison. Pendant que j'etais au college, j'avais appris a jouer de cet instrument, dont les sons charmaient Zoe et sa mere. Je leur disais des airs de mon pays, des chants d'amour; et, le coeur battant, j'epiais sur sa physionomie l'effet que pouvaient produire les phrases brulantes de ces romances. Plus d'une fois, j'avais pose la l'instrument avec un desappointement complet. De jour en jour, mes reflexions devenaient plus tristes. Se pouvait-il qu'elle fut trop jeune pour comprendre la signification du mot amour? trop jeune pour eprouver ce sentiment? Elle n'avait que douze ans, il est vrai; mais c'etait une fille des pays chauds, et j'avais vu souvent, sous le ciel brulant du Mexique, des epouses, des meres de famille qui n'avaient que cet age. Tous les jours nous sortions ensemble. Le botaniste etait occupe de ses travaux, et la mere se livrait silencieusement aux soins de l'interieur. L'amour n'est pas aveugle. Il peut etre tout ce que l'on voudra au monde; mais pour tout ce qui concerne l'objet aime, il a ses yeux, toujours eveilles, d'Argus.

* * * * *

      Je maniais habilement le crayon, et j'amusais ma compagne en faisant des croquis sur des carres de papier et sur les feuilles blanches de ses cahiers de musique. La plupart de ces croquis representaient des figures de femmes, dans toutes sortes d'attitudes et de costumes. Elles se ressemblaient toutes par les traits du visage. L'enfant, sans en deviner la cause, avait remarque cette particularite.

      – Pourquoi cela? demanda-t-elle un jour que nous etions assis l'un pres de l'autre. Ces femmes ont toutes des costumes differents, elles sont de differentes nations, n'est-ce pas? Et pourtant elles se ressemblent toutes? Elles ont les memes traits; mais tout a fait les memes traits, je crois?

      – C'est votre figure, Zoe; je ne puis pas en dessiner d'autre. Elle leva ses grands yeux, et les fixa sur moi avec une expression d'etonnement naif; mais sa physionomie ne trahissait aucun embarras.

      – Cela me ressemble?

      – Oui, autant que je puis le faire.

      – Et pourquoi ne pouvez-vous pas dessiner d'autres figures?

      – Pourquoi? parce que je… – Zoe, je crains que vous ne me compreniez pas.

      – Oh! Henri, croyez-vous donc que je sois une si mauvaise ecoliere? Est-ce que je ne comprends pas tout ce que vous me racontez des pays lointains que vous avez parcourus? Surement, je comprendrai cela tout aussi bien…

      – Alors, je vais vous le dire, Zoe.

      Je me penchai en avant, le coeur emu et la voix tremblante.

      – C'est parce que votre figure est toujours devant mes yeux; je ne puis pas en dessiner d'autre. C'est que… je vous aime, Zoe!..

      – Oh! c'est la la raison? Et, quand vous aimez quelqu'un, sa figure est toujours devant vos yeux, que cette personne soit presente ou non? Est-ce ainsi?

      – C'est ainsi, repondis-je, tristement desappointe.

      – Et СКАЧАТЬ