Souvenirs d'une actrice (1/3). Fusil Louise
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Название: Souvenirs d'une actrice (1/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ actrice, quelque ridicule qu'il y eût à le présenter de cette manière; de sorte qu'il se fit un moment de silence pendant lequel j'eus l'heureuse idée de poser la couronne sur sa tête. Alors les applaudissements éclatèrent de toutes parts et la pièce continua.

      On donna une superbe fête d'adieux à madame Saint-Huberty. Hélas! je ne la revis plus depuis ce temps[16]; elle quitta l'Opéra en 1790 et partit avec la comte d'Entraigues qu'elle épousa à Lausanne. «Elle ne cessa d'être une grande actrice que pour se placer parmi les grandes dames», comme a dit un écrivain du temps[17].

      Cette grandeur, hélas! lui fut fatale: elle périt assassinée dans sa maison de Barnner-Tearace, ainsi que le comte d'Entraigues; j'ai lu sur cette malheureuse catastrophe plusieurs versions qui m'ont paru peu exactes.

      Lorsqu'on revient après dix ans d'absence, on doit s'attendre à trouver les choses bien changées; surtout si une interruption de correspondance, vous empêche de connaître les événements survenus pendant cet intervalle. C'est ce qui m'arriva en 1812, à mon retour de l'étranger: je ne pouvais faire un pas sans rencontrer un malheur; il semblait que le sort les eût semés sur ma route. Triste moisson à recueillir!

      Cette année 1812 devait m'être fatale; j'arrivais de Russie, où j'avais vu mon existence se briser en si peu de temps. À peine entrée à Francfort, j'appris la mort de cet oncle qui m'avait accueillie avec tant de bienveillance, à mon passage, dix ans auparavant. Sa femme l'avait suivi de près, et leur fortune était tombée dans la famille de madame Fleury.

      Arrivée à Metz, je trouvai mon père dans un état d'inertie complète. Il est à remarquer que les hommes d'esprit et d'imagination finissent souvent de cette manière, et, sans vouloir faire de comparaison, Monvel et autres ont terminé ainsi une carrière brillante.

      Ces malheurs étaient la suite de l'ordre immuable de la nature, qui nous a destinés à subir des pertes douloureuses; mais comment prévoir celles qui sont causées par la perversité des hommes.

      Qui m'eût dit, lorsque j'assistai aux triomphes de madame Saint-Huberty, lorsque je la voyais entourée d'hommages, excitant l'admiration de toute la France, recevant des honneurs que jamais aucune artiste n'avait obtenus avant elle, qui m'eût dit que cette reine des arts, qui avait abdiqué la gloire pour devenir simplement une grande dame, périrait victime des événements politiques et par la main d'un misérable qui la sacrifia à sa propre sûreté? Car ce fut au moment où sa trahison allait être découverte qu'il frappa le comte et la comtesse d'Entraigues, dont il était l'homme de confiance.

      Cette nouvelle me causa une bien vive douleur; le souvenir du temps que j'avais passé près de madame Saint-Huberty, se retraçait à mon imagination pour déchirer mon coeur.

      Lorsque les communications furent rétablies, je fus à Londres, où j'espérais obtenir des renseignements sur la cause qui avait provoqué ce meurtre.

      Toutes les versions se rapportaient sur le fait principal, aucune n'était exacte sur les détails, qui semblaient enveloppés d'un mystère impénétrable. On ne pouvait donc se livrer qu'à des conjectures. Je vis madame Bellington, célèbre chanteuse à Londres, qui avait eu des relations d'amitié avec ma tante. Je fus aussi à Grillon-Hôtel où logeaient le comte et la comtesse, lorsqu'ils venaient à Londres. On n'y savait non plus rien de positif. Ce fut long-temps après que le rédacteur du Monitor, M. G., me fit lire un article de son journal où les faits étaient exactement détaillés; il me permit de les traduire, et je les joins ici.

      On sait que le comte d'Entraigues était entièrement dévoué à la maison de Bourbon; il avait servi dans les armées et portait la décoration de l'ordre de Saint-Louis. Sa fortune était considérable avant la révolution. Le comte était un homme d'esprit, d'une imagination ardente; les premiers élans de la révolution de 1789 le trouvèrent dans les rangs, à côté de Mirabeau. Né dans le Vivarais, le comte y avait été nommé député de la noblesse; il se fit souvent remarquer au milieu des grands orateurs de cette Assemblée constituante qui en comptait un si grand nombre.

      Lorsque les événements politiques prirent une tournure qui n'était plus dans les opinions du comte, il quitta la France pour aller en Suisse. Ce fut à Lausanne qu'il épousa madame Saint-Huberty, mais son mariage ne fut déclaré qu'en 1797, après l'arrestation du comte à Trieste. C'est à l'occasion de ce mariage que madame Saint-Huberty reçut le cordon de l'Aigle-Noir, distinction qui n'avait encore été accordée qu'à mademoiselle Quinault[18].

      Le comte d'Entraigues fût à Venise en 1795. Nommé secrétaire d'ambassade en Espagne, il ne quitta ce pays qu'à la paix. Il fut alors attaché à l'ambassade de Russie. Il partit pour Vienne; mais, arrêtés sur la route, ses papiers furent saisis, et on le renferma dans la citadelle de Milan.

      Napoléon, dit-on, avait trouvé dans ses papiers la preuve d'une connivence avec Pichegru dans l'affaire de Moreau. Pour constater un fait qui y était relatif, on avait besoin de la signature du comte; il la refusa obstinément, bien qu'on eût mis sa liberté à ce prix. Cependant il trouva le moyen de s'échapper de sa prison. On soupçonna le général Kailmain d'avoir favorisé son évasion. Le comte vint ensuite à Leybach et à Vienne en 1801.

      Il était en grande intimité avec Fox, Grenville et Canning. On peut penser d'après toutes ces liaisons, s'il pouvait manquer d'être entouré de gens intéressés à épier ses moindres démarches, et à pénétrer ses secrets en corrompant ses domestiques; c'est ce qui arriva pour ce misérable Lorenzo, qui attenta aux jours de ses maîtres afin de cacher sa trahison. Un émigré vénitien, espèce d'intrigant comme il s'en rencontre malheureusement trop souvent, gagna ce valet de chambre à force d'argent et de promesses; Lorenzo lui remettait les lettres écrites et reçues par le comte[19], il les décachetait et gardait le dessus. Quelques jours avant l'événement, on avait remarqué que deux étrangers étaient venu chercher Lorenzo et l'avaient conduit dans un public house (espèce de café).

      La famille était dans ce moment à Barnner-Tearace, habitation du comte, dans le comté de Surry. La veille du jour fatal, il reçut des dépêches scellées d'un cachet particulier, et qui nécessitaient son départ pour Londres. Tout fut disposé pour le lendemain matin. Lorenzo voyant que ses infidélités allaient être découvertes, frappa son maître de deux coups de poignard qui le renversèrent baigné dans son sang sur les marches de l'escalier; mais craignant qu'il ne respirât encore, il remonta pour prendre un pistolet afin de l'achever, et courut à la comtesse qu'il frappa dans la poitrine comme elle allait monter en voiture; pour empêcher, sans doute, qu'elle ne le fit découvrir. Il avait totalement perdu la tête, car, entendant le tumulte causé par cet événement, il se servit du pistolet qu'il avait été chercher, pour se brûler la cervelle. Le comte et la comtesse ne survécurent que quelques heures.

      Ce fut sous le ministère de lord Liverpool et de Castelreagh que se passa cette cruelle catastrophe, dont les motifs furent un mystère pendant fort longtemps. On se livra à différentes conjectures. L'émigré dont le nom était vénitien, mais que l'on disait né en Suisse, fut fortement soupçonné d'avoir été le provocateur de ce crime: il s'est jeté par la fenêtre il y a peu d'années. C'est une consolation de croire que le remords d'avoir causé tant de malheurs l'a conduit au suicide.

      VI

      Lettre à Fanny. – Mon genre de vie à Toulouse. – M. de Cazalès. – Le marquis de Grammont. – Je suis présentée à madame Dubarry. – Les Capitouls. – La tragédie de Samson. – Combat d'arlequin et du dindon. – Mariage de Fanny. – Son mari périt sur l'échafaud.

      Revenons à Toulouse dont je me suis bien éloignée. Pour reprendre mon sujet au point où je l'ai quitté, je joins ici la lettre que j'écrivais à la comtesse Fanny Darros, ma jeune compagne d'enfance à Metz.

      À СКАЧАТЬ