Souvenirs d'une actrice (1/3). Fusil Louise
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Название: Souvenirs d'une actrice (1/3)

Автор: Fusil Louise

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ passait autour de moi, et mon étonnement, mon admiration donnèrent la comédie à tous mes voisins, qui s'amusaient beaucoup de mon inaltérable attention et des questions que j'adressais dans l'entr'acte aux personnes qui m'accompagnaient. On jouait Iphigénie en Aulide et le ballet de Mirza.

      V

      Le talent de madame Saint-Huberty. – Ses succès. – Les costumes. – Le salon de Madame Saint-Huberty. – Couplets du comte de Tilly. – Je pars pour Toulouse. – Un compliment de MM. les capitouls. – Retraite de madame Saint-Huberty. – Son mariage avec le comte d'Entraigues. Ils vont à Londres. – M. d'Entraigues et madame Saint-Huberty sont assassinés.

      Madame Saint-Huberty était alors dans tout le brillant de sa carrière dramatique, elle venait d'être couronnée dans le rôle de Didon, ce qui n'était point encore arrivé jusqu'alors à l'Opéra.

      Le talent de madame Saint-Huberty était bien extraordinaire, puisqu'à l'âge que j'avais alors, j'en avais été frappée au point d'imiter parfaitement sa manière de dire le chant. On s'amusait souvent à me faire placer derrière un paravent pour compléter l'illusion. Elle prononçait d'une façon qui paraîtrait exagérée, aujourd'hui que si peu de chanteurs font entendre les paroles; mais comme elle le disait elle-même, il le fallait pour se faire comprendre dans cet immense vaisseau, où la voix doit porter dans toutes les parties de la salle. Cela donnait d'ailleurs une grande énergie à son jeu, surtout dans ces phrases jetées, dans ces inspirations semblables au: Qu'en dis-tu? de Talma. L'expression de sa physionomie était admirable. Elle se faisait applaudir sans parler, dans Alceste, lorsqu'elle écoutait la voix qui lui dit:

      … Le roi doit mourir aujourd'hui

      Si quelqu'autre à la mort ne se livre pour lui.

      Elle se faisait applaudir de même dans Didon, par la manière dont elle regardait Énée avant de lui adresser ces vers:

      Oh! que je fus bien inspirée

      Quand je vous reçus dans ma cour!

      Son air d'ironie lorsque Yarbe l'avertit qu'Énée est près de l'abandonner, et qu'elle lui répond: Énée! son regard, son sourire disaient tout et amenaient naturellement:

      Allez, Yarbe, allez, vous connaîtrez Énée:

      Vous verrez si Didon se voit abandonnée.

      Aujourd'hui de l'hymen on prépare les feux.

      On allume pour nous les flambeaux d'hyménée;

      Jugez s'il se prépare à s'éloigner de moi!

      Dans les moments d'élan, c'était de la tragédie à la manière de Monvel et de Talma, et de la tragédie d'autant plus difficile que dans le chant, les mêmes phrases se répètent:

      Divinité du Stix, ministre de la mort,

      Je n'invoquerai point votre pitié cruelle,

      se redit trois fois. Elle en changeait l'expression et se faisait applaudir à chacune. Je n'ai jamais entendu depuis ce temps dire le récitatif comme elle le disait. Duprez est le seul qui ait pu me la rappeler.

      Ariane abandonnée était aussi un des rôles où elle excellait; et, dans Colette du Devin de village, c'était la petite fille des champs. Elle ne faisait pas de grands bras pour exprimer sa douleur, elle ne venait pas se poser devant le public pour la lui raconter, elle pleurait en chantant:

      Si des galants de la ville

      J'eusse écouté les discours.

      On ne se serait jamais imaginé que ce fut cette même femme si imposante dans la reine de Carthage, et si déchirante dans Ariane. Son chant, lorsqu'il était dialogué, ne semblait pas être noté. Elle était parfaite musicienne et se retrouvait toujours avec la mesure, malgré ses licences, lorsqu'elle lançait une phrase d'effet.

      On a souvent répété que Talma était le premier qui eût fait révolution dans les costumes; mais madame Saint-Huberty avait déjà commencé à imiter ceux des statues grecques et romaines. Elle avait déjà supprimé la poudre et les hanches, et si l'on recherchait dans les costumes du temps, il serait facile de s'en convaincre. Cependant elle n'avait pas encore osé les aborder aussi franchement que Talma, qui avait été secondé par David et par la Révolution.

      Madame Saint-Huberty me montra une sollicitude toute maternelle, lorsque je chantai au Concert spirituel, où je débutai, au mois d'avril 1788, après avoir travaillé quatre mois avec Piccini. Je dus au nom de madame Saint-Huberty et à mon âge le succès que j'obtins. Elle avait fondé de grandes espérances pour mon avenir; mais la Révolution qui devait m'être si fatale commença dès-lors à détruire l'existence à laquelle j'étais destinée.

      Ce fut à cette époque que madame Saint-Huberty me présenta chez madame Lemoine-Dubarry, qui réunissait l'élite des célébrités musicales. Parmi tous ceux que je rencontrai chez elle, je ne remarquai alors que le comte de Tilly, Gluck, Rivarol, Grétry, le prince de Ligne et ce malheureux M. de Cussé, député peu d'années après, qui a péri sur l'échafaud; il était excellent musicien et faisait de très jolis vers. Un jour il eut la malice de m'en faire chanter avant de me les offrir; comme ces vers, dont il avait fait la musique, sont inédits, et valent la peine d'être conservés, les voici:

      Vous retracez tous les appas

      De cette nymphe agile,

      Dont Apollon suivait les pas

      Sans la rendre docile;

      Vous avez les traits aussi doux

      Et la taille aussi belle,

      Mais qu'il faudrait nous plaindre tous,

      Si vous couriez comme elle!..

      De la même légèreté,

      Dussiez-vous être sûre,

      Que le prix m'en soit présenté,

      Je tente l'aventure.

      L'amour me rendra plus léger;

      J'en attends la victoire;

      Et si vous devenez laurier,

      Je revole à la gloire.

      Ah! n'empruntez pas le secours

      Des antiques prestiges!

      Croyez-moi, n'ayez point recours

      À de pareils prodiges.

      Connaissez mieux tout le danger

      D'une métamorphose:

      Vous ne pouvez jamais changer

      Sans perdre quelque chose.

      Comme il y avait déjà une crainte vague dans tous les esprits, mon père qui s'était remarié ne voulut pas me laisser à Paris. Ma tante me ramena à Toulouse où elle allait donner des représentations. Elle me fit jouer quelques petits rôles dans des pièces qui furent montées à cet effet, telles que la Nymphe des eaux dans Armide, l'Amour dans Orphée et la soeur de Didon. Cela me rappelle un incident assez burlesque.

      Messieurs les capitouls voulurent se signaler par un hommage à l'actrice célèbre, mais il était d'une nature si singulière que quelques personnes, et particulièrement mon père, cherchèrent à les en détourner, ou tout au moins à attendre la fin de l'opéra pour n'en pas interrompre l'action, mais il n'y eut pas moyen. Ils me firent entrer avec la chanteuse qui jouait une des confidentes de Didon. Nous portions une corbeille de fleurs surmontée d'une couronne, et je dus adresser à la reine de Carthage ce discours qui me fut dicté par un de ces messieurs:

      «Ma chère soeur, recevez ce tribut СКАЧАТЬ