Monsieur de Camors — Complet. Feuillet Octave
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Название: Monsieur de Camors — Complet

Автор: Feuillet Octave

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ en outre devant les tribunes. Madame Mursois, à laquelle il donnait le bras et qui n'avait jamais eu l'avantage d'être menée en public par un cavalier revêtu d'une casaque orange et chaussé de bottes à revers, madame Mursois nageait dans l'azur. Lescande et sa femme la suivaient en partageant son délire.

      Ces agréables relations continuèrent pendant quelques semaines sans paraître changer de caractère. Un jour, Camors venait s'asseoir auprès de ces dames devant le palais de l'Exposition, et achevait de les initier aux élégances qui défilaient sous leurs yeux. Un soir, il entrait dans leur loge, daignait y séjourner pendant un acte ou deux, et rectifiait leurs notions encore incomplètes sur les mœurs du corps de ballet. Dans ces diverses rencontres, le jeune homme affectait à l'égard de madame Lescande le langage d'une bonne intimité fraternelle, peut-être parce qu'il persistait sincèrement dans ses résolutions délicates, peut-être parce qu'il n'ignorait pas que tout chemin mène à Rome, et celui-là aussi sûrement qu'un autre. Madame Lescande cependant se rassurait de plus en plus, et, voyant quelle n'avait pas à se défendre comme elle l'avait d'abord appréhendé, elle crut pouvoir se permettre une légère offensive. Aucune femme n'est flattée qu'on l'aime comme une sœur. Camors, un peu inquiet de la tournure que prenaient les choses, fit quelques efforts pour en arrêter le cours; mais les hommes exercés à l'escrime ont beau vouloir ménager leur adversaire, l'habitude est plus forte, ils ripostent malgré eux. De plus, il commençait à s'éprendre sérieusement de madame Lescande et de sa mine de jeune chatte à la fois fine et naïve, curieuse et effrayée, provocante et craintive, bref charmante.

      Ce fut dans la soirée même où M. de Camors le père rentra chez lui pour se tuer que son fils, passant dans l'avenue Maillot, fut arrêté par Lescande sur le seuil de la villa.

      — Mon ami, lui dit Lescande, puisque te voilà, fais-moi un grand plaisir: une dépêche me mande à Melun; je suis forcé de partir à la minute. Reste à dîner avec ces dames. Elles sont toutes tristes. Je ne sais ce qu'a ma femme: elle a pleuré toute la journée sur sa tapisserie. Ma belle-mère a la migraine. Ta présence va les remonter. Voyons, je t'en prie.

      Camors opposa quelques objections, puis il se rendit. Il renvoya son cheval. Son ami le présenta aux deux femmes que l'arrivée de ce convive inattendu parut, en effet, ranimer un peu. Lescande monta ensuite en voilure et partit, après avoir reçu de sa femme une caresse plus expansive qu'à l'ordinaire.

      Le dîner fut gai. Il y avait dans l'air comme une odeur de poudre et de danger dont madame Lescande et Camors ressentaient secrètement l'excitante influence. Leur animation, encore innocente, se plut à ces riantes escarmouches, à ces brillants combats de barrières qui précèdent les mêlées sinistres.

      Vers neuf heures, la migraine de madame Mursois, grâce peut-être à la fumée du cigare qu'on avait permis à Camors, redoubla cruellement. Elle n'y put tenir, et annonça qu'elle était forcée de gagner sa chambre. Camors voulait se retirer; mais sa voiture n'était pas arrivée, et madame Mursois insista pour qu'il attendît.

      — Ma fille, ajouta-t-elle, va vous jouer du piano jusque-là.

      La jeune femme, demeurée seule avec son hôte, se mit en effet devant son piano.

      — Qu'est-ce que vous voulez que je vous joue? dit-elle d'une voix remarquablement brève.

      — Mon Dieu!.. une valse.

      La valse terminée, il y eut un silence. Pour le rompre, elle se leva, et, frottant ses mains l'une contre l'autre lentement, avec embarras:

      — Il me semble qu'il y a de l'orage, dit-elle. Ne croyez-vous pas?

      Elle s'approcha de la fenêtre et sortit sur le balcon, où Camors la suivit. Le ciel était pur. En face d'eux s'étendait la lisière sombre du Bois: quelques rayons de lune dormaient sur les pelouses. Leurs mains flottantes se rencontrèrent, et pendant un moment ne se quittèrent pas.

      — Juliette! dit le jeune homme d'une voix émue et basse.

      Elle tressaillit, repoussa la main de Camors et rentra dans le salon.

      — Je vous en prie, dit-elle, allez-vous-en.

      Et elle s'assit brusquement sur sa causeuse en faisant de la main un signe impérieux auquel Camors n'obéit pas.

      Les chutes des honnêtes femmes sont souvent d'une rapidité qui stupéfie.

      Peu d'instants après, la jeune madame Lescande s'éveillait de son ivresse aussi parfaitement perdue qu'une femme peut l'être.

      Ce réveil ne fut pas doux. Elle mesura du premier coup d'œil l'abîme sans fond, sans issue, où elle était si soudainement tombée; son mari, sa mère, son enfant, tourbillonnèrent dans le chaos de son cerveau comme des spectres. Elle passa sa main sur son front deux ou trois fois en disant: «Mon Dieu!..» Puis elle se souleva, et regarda vaguement autour d'elle, comme si elle eût cherché une lueur, un espoir, un refuge. Rien. Sentant la détresse profonde de l'irréparable, sa pauvre âme se rejeta tout entière sur son amant; elle attacha sur lui ses yeux humides.

      — Comme vous devez me mépriser! dit-elle.

      Camors, à demi agenouillé sur le tapis, haussa doucement les épaules en signe de dénégation, et lui baisa la main avec une courtoisie distraite.

      — N'est-ce pas? reprit-elle d'un accent suppliant. Dites!

      Il eut un sourire étrange et cruel.

      — N'insistez pas, dit-il, je vous en prie.

      — Pourquoi?.. C'est donc vrai alors... vous me méprisez?

      Il se dressa brusquement debout devant elle, et, la regardant en face:

      — Pardieu! dit-il.

      À ce mot effroyable, la jeune femme ne répondit rien. Un cri s'étrangla dans sa gorge. Son œil s'ouvrit démesurément, comme dilaté par le contact de quelque poison.

      Camors marcha dans le salon, puis il revint vers elle.

      — Vous me trouvez odieux, dit-il d'un ton bref et violent, et je le suis en effet; mais peu m'importe. Il ne s'agit pas de moi. Après vous avoir fait beaucoup de mal, il y a un service — un seul — que je puis vous rendre, et je vous le rends. Je vous dis la vérité! Les femmes qui tombent, sachez-le bien, n'ont pas de juges plus sévères que leurs complices. Ainsi, moi... que voulez-vous que je pense de vous? Je connais votre mari depuis son enfance... pour son malheur et pour ma honte! Il n'y a pas une goutte de sang dans ses veines qui ne vous soit dévouée... il n'y a pas une fatigue de ses jours, pas une veille de ses nuits qui ne vous appartienne; tout votre bien-être est fait de ses sacrifices... toutes vos joies sont le fruit de ses peines! Voilà ce qu'il est pour vous!.. Moi, vous avez vu mon nom dans un journal, vous m'avez vu passer à cheval sous votre fenêtre... rien de plus... et c'est assez... et vous me livrez en une minute toute sa vie avec la vôtre, tout son bonheur, tout son honneur avec le vôtre! Eh bien, tout fainéant... tout libertin de mon espèce qui abusera comme moi de votre vanité et de votre faiblesse, et qui vous dira ensuite qu'il vous estime, mentira! Et si vous pensez qu'au moins il vous aimera, vous vous trompez encore... Nous haïssons vite des liens qui nous font des devoirs où nous ne cherchons que du plaisir; notre premier souci, dès qu'ils sont formés, est de les rompre... Et puis enfin, madame, voulez-vous tout savoir? Les femmes comme vous ne sont pas faites pour des amours pervers comme les nôtres... leur charme est dans l'honnêteté, СКАЧАТЬ