Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4). Dorothée Dino
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Название: Chronique de 1831 à 1862, Tome 2 (de 4)

Автор: Dorothée Dino

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ son grand chambellan de l'en faire sortir. Enfin, le prince de Linange étant arrivé chez sa mère, la duchesse de Kent, avec sa femme (qui n'est pas ebenbürtig)69, le Roi a envoyé lord Conyngham chez la Duchesse, lui dire qu'il recevrait sa belle-fille, mais qu'il ne pouvait lui accorder les entrées intérieures; la Duchesse n'a pas voulu recevoir lord Conyngham, et lui a fait dire que s'il venait en particulier lui rendre visite, elle le verrait avec plaisir, mais qu'elle ne le recevrait pas comme envoyé du Roi, et qu'il n'avait qu'à mettre par écrit ce qu'il avait à lui dire; à la lettre que lord Conyngham lui a, alors, adressée, elle a répliqué par une épître de douze pages, dans laquelle elle a énuméré tous les griefs qu'elle croit avoir contre le Roi, et elle finit en disant que si sa belle-fille n'est pas reçue en Princesse, elle ne mettra plus jamais le pied chez le Roi. Elle a fait faire plusieurs copies de cette lettre, et les a adressées à tous les membres du Cabinet. Lord Conyngham, qui a raconté tout cela à Mme de Lieven, tout whig qu'il est, a encore dit que la position du Ministère anglais était mauvaise, désagréable auprès du Roi et dépopularisée dans le pays; que les embarras de la Banque et la tournure des affaires en Espagne étaient des incidents extrêmement fâcheux pour le Cabinet.

      C'est décidément le duc de Coigny qui sera le Chevalier d'honneur de la duchesse d'Orléans. Il est bien peu poli dans sa nature, sauvage dans ses habitudes, et puis manchot, ce qui ne lui permettra pas d'offrir la main à la Princesse. Un choix également arrêté, c'est celui de la comtesse Anatole de Montesquiou, comme première Dame pour accompagner la Princesse, et pour remplacer la Dame d'honneur70, que sa santé délicate empêchera souvent de faire son service. Ce choix est excellent: Mme de Montesquiou a quarante-six ans, une réputation parfaite, elle a été jolie, elle a encore un extérieur agréable, des manières convenables et simples, reflet exact de sa vie et de son caractère; on ne pouvait choisir personne de mieux et de plus approprié à cette situation.

      J'ai vu, dans les journaux, qu'on colportait, à la Chambre des Députés, une souscription pour la réimpression du discours de M. Guizot à cinquante mille exemplaires. M. Martin du Nord, un des membres du Cabinet actuel, a souscrit, ce qui a confirmé l'opinion, déjà accréditée, qu'il était un doctrinaire caché, et un traître dans le Cabinet. Là-dessus, M. Molé est allé chez le Roi, demander le maintien de M. Martin du Nord, ou offrir sa démission. J'ignore encore la conclusion de cette complication nouvelle.

      Paris, 10 mai 1837.– Lorsque j'écrivais, hier, je n'avais pas encore lu le Moniteur, qui annonçait l'amnistie71. Je savais que depuis longtemps M. Molé avait le désir de faire adopter cette mesure, mais je crois que c'est le discours de Thiers qui en a encouragé et hâté l'exécution. Toute la journée, je n'ai pas entendu parler d'autre chose; cela occupe tous les esprits et empêche de faire attention à la Pairie donnée à M. Bresson, et qui, d'ailleurs, s'explique par le mariage. Quelle fortune que la sienne! Sans doute, il est capable, mais les circonstances l'ont servi avec une rapidité et une constance qui se rencontrent rarement dans la destinée humaine. Pour en revenir au grand événement de l'amnistie, je dirai que le beau monde l'approuve fort, et d'autant plus qu'elle est arrivée quand on ne s'y attendait pas, qu'elle n'est donc pas arrachée par l'importunité des partis, qu'elle est vraiment un acte de clémence et non pas de faiblesse. Les habiles y voient bien plus un acte d'hostilité contre les Doctrinaires, que de magnanimité pour les détenus politiques; en effet, c'est dire: la mesure n'a pu s'effectuer tant que les Doctrinaires étaient dans les affaires, mais séparés d'eux, nous nous hâtons de l'accorder. C'est, de plus en plus, les isoler dans le pays. Je le répète, il y a des gens qui voient, dans cette mesure, la suite du discours de M. Thiers et jusqu'à son influence ad hoc! Les Doctrinaires en sont dans la plus violente fureur, et les Pairs de leurs amis annoncent que tous les contumaces vont se présenter pour se faire juger, et qu'alors eux, Pairs, au lieu de siéger, ils iront à la campagne se reposer. Voici ce qui se racontait beaucoup, hier. M. Jaubert, parlant de l'amnistie à M. Dupin, lui disait: «Il est un peu dur qu'après nous avoir laissé tout l'odieux des mesures de rigueur, que nous avons courageusement défendues pendant les crises et les dangers, on nous ôte les mesures de clémence.» M. Dupin lui a répondu: «En effet, c'est bien triste; mais vous avez une consolation, c'est que c'est Persil qui fera frapper la médaille.» (M. Persil est Doctrinaire et Directeur de la Monnaie.) Le mot est piquant. Les approbateurs de l'amnistie disent encore, et non sans fondement, qu'elle efface le mauvais effet qu'avait produit l'excès des précautions, le jour de la revue.

      J'ai été hier à l'École des beaux-arts, où Sigalon, qui arrive de Rome, venait de placer la superbe copie du Jugement dernier de Michel-Ange, ce chef-d'œuvre qui s'efface, comme toutes les fresques du Vatican. La copie est dans les mêmes proportions que l'original et fait le fond d'une salle à laquelle on a donné la forme et les dimensions de la Chapelle Sixtine. C'est la plus belle et la plus surprenante chose qui se puisse imaginer. J'en ai été tout étourdie; variété, richesse, hardiesse de composition, tout s'y trouve réuni; on reste pétrifié devant la puissance d'un tel génie. On a déposé, dans la même salle, des plâtres des différentes statues de Michel-Ange, qui arrivent aussi d'Italie, et qui complètent l'admiration pour ce grand homme. La statue de Laurent de Médicis, celle du Jour et de la Nuit, sont d'admirables figures. Nous avons vu ensuite le charmant portail du château d'Anet et la ravissante porte de celui de Gaillon, deux chefs-d'œuvre de la Renaissance; puis, la cour intérieure, ornée de bassins, de fragments d'antiquité, et qui est très élégante. L'édifice, en lui-même, est d'un fort bon style. Il contient, et contiendra de plus en plus, les beaux modèles de tous les genres et de toutes les époques; c'est un ensemble aussi curieux qu'intéressant, et une nouvelle richesse pour Paris.

      De là, nous avons été à la nouvelle église de Notre-Dame de Lorette. Elle m'a paru extrêmement lourde, bariolée d'ornements, et, sans quelques très beaux tableaux que j'y ai vus, je n'y aurais eu aucun plaisir. On dit qu'elle est dans le goût des églises d'Italie; je ne connaissais pas ce genre, et, d'après cet échantillon, je sens que j'aimerai toujours mieux prier Dieu sous les voûtes élevées, hardies, austères, des pierres découpées et gothiques de Notre-Dame et de Saint-Étienne-du-Mont, qu'au milieu du clinquant de cette imitation méridionale. Nous avons terminé en visitant l'église de la Madeleine. L'intérieur répond, jusqu'à présent, parfaitement au dehors, et il semble que Calchas va y immoler Iphigénie, tant la mythologie paraît seule en possession de ce beau monument. On commence déjà à dorer les voûtes et les chapiteaux des colonnes, sous prétexte que la pierre blanche, fort enrichie, d'ailleurs, de marbres divers, est trop froide à l'œil. On prépare ainsi un contraste désagréable entre le dehors et le dedans. Je n'y comprends pas bien, non plus, le culte chrétien.

      Le soir, j'ai vu, chez Mme de Lieven, Berryer, qui, en fait d'admiration pour le discours de M. Thiers, ne le cède pas à M. Royer. J'ai appris que M. Martin du Nord avait reculé sur la souscription au discours Guizot, comme sur le reste. Pour quelqu'un qui se dit dans la résistance, il me semble qu'il ne résiste guère!

      Paris, 11 mai 1837.– J'ai eu, hier, la visite de l'excellent abbé Dupanloup. Nous avions, réciproquement, le désir de nous voir, dans l'intérêt de Pauline, avant l'éparpillement général pour la campagne. Comme de coutume, j'ai été touchée et satisfaite de sa douce et spirituelle raison. Nous avons parlé de notre espoir, que l'amnistie donnera, au gouvernement, le courage de rouvrir l'église de Saint-Germain-l'Auxerrois, dont la clôture est le plus grand scandale de la révolution de Juillet; et quand la clémence s'étend depuis Ham jusqu'à la République et la Vendée, bouder contre l'Église, et laisser la croix brisée, me paraîtrait un vrai contre sens. On doit rouvrir l'église, sans regarder aux difficultés que peut élever l'Archevêque, le forcer ainsi à nommer un curé sage, et à aller ensuite remercier aux Tuileries; mais il faut s'y prendre tout de suite, pendant que l'effet de l'amnistie est encore tout-puissant; dans un semblable moment, il n'y a pas d'émeute à craindre dans le quartier, et c'est donner, d'ailleurs, la plus ferme réponse aux Doctrinaires, dont la tactique est de représenter l'amnistie comme le prix du pacte fait СКАЧАТЬ



<p>69</p>

Égale de naissance.

<p>70</p>

La comtesse de Lobau.

<p>71</p>

A l'occasion du mariage du duc d'Orléans, une amnistie fut accordée, par ordonnance du 8 mai, à tous les individus détenus pour crimes ou délits politiques.