Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste
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Название: Aux glaces polaires

Автор: Duchaussois Pierre Jean Baptiste

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ mot de notre langue française, dont le sens va s’adoucissant de plus en plus pour nous, se conserve du moins, avec sa rigueur, dans les langues sauvages du Nord: jeûner.

      Jeûner, c’est n’avoir plus mangé pendant des jours, pendant des semaines quelquefois.

      Lorsque le dernier chasseur est rentré, sans avoir «rien vu», et qu’il n’y a plus d’espoir, les faméliques, dévorés par la fièvre de leurs entrailles et par la combustion du froid, s’acheminent, aidés de deux bâtons, vers le poste de la Compagnie, ou vers la maison du missionnaire. Plusieurs tombent, au milieu du long voyage, et les loups, qui suivent par instinct ces tristes caravanes, en font aussitôt leur proie. Quelques-uns arrivent au fort, ou s’en approchent assez pour faire «avertir les Blancs».

      A ces cadavres qui se traînent, convient littéralement la parole de Job, que nous redisons à l’office de la Commémoraison des morts: Pelli meæ, consumptis carnibus, adhæsit os meum, et derelicta sunt tantummodo labia circa dentes meos! Les yeux dilatés et sans regard dans leur grand cercle noir, les dents sèches et longues dans leurs gencives exsangues, les lèvres collées sur leurs mâchoires, la peau mate, terne, plissée jusqu’aux ongles, ils viennent tomber aux pieds du missionnaire, n’ayant même plus la force d’exprimer une plainte, une prière…

      L’infécondité d’un sol éternellement glacé, l’extrême isolement des régions arctiques, la misère presque permanente des sauvages: voilà donc le vrai cadre de vie et d’action où notre sympathie doit voir cinquante missionnaires, autant de religieuses enseignantes ou hospitalières, et des centaines de vieillards, d’orphelins et de malades, les yeux levés au ciel vers le Dieu des pauvres, les bras tendus, par delà leurs neiges et leurs glaces, vers les pays plus doux, vers la charité, capable de donner un peu de son or et beaucoup de son cœur.

      Eh bien! le Dieu des pauvres et des orphelins a entendu cette prière. La charité, «vierge, pure et féconde», n’a jamais cessé de sourire, depuis soixante-quinze ans, sur ce désert de la désolation.

      Voici, en tête de la bienfaisance, l’œuvre éminemment catholique de la Propagation de la Foi. On sait quelle patrie fut son berceau et quelle même nation l’alimente toujours, plus abondamment que toute autre, quels que soient ses malheurs, et quelles que soient les persécutions qu’y déchaînent les légions du mal contre ceux qui donnent à la «propagation de la foi catholique» le meilleur de leur argent, de leurs travaux et de leur sang.

      Sans le secours de la Propagation de la Foi de Paris et de Lyon, les missions du Nord-Ouest américain, les missions de l’Extrême-Nord, en particulier, n’eussent jamais été. Les missionnaires, venus plus tard avec le développement de ces contrées, eussent trouvé tous les Indiens gagnés au protestantisme ou définitivement enracinés dans le paganisme. Mgr Taché, premier archevêque de Saint-Boniface, récapitulant les événements de sa carrière apostolique, s’en exprimait ainsi:

      « – Pour se faire une idée juste de la position des nôtres, il faut se souvenir que la plupart de nos missions ont été commencées dans des forêts presque inaccessibles et au milieu de sauvages pauvres, grossiers et alors païens. Les allocations de l’œuvre admirable de la Propagation de la Foi, aidées plus tard de celles de la Sainte-Enfance, ont été nos seules ressources pendant de longues années.»

      La Sainte-Enfance continue à aider la Propagation de la Foi par des contributions considérables. Beaucoup d’orphelins lui doivent leur salut.

      L’Œuvre Apostolique se dévoua également. L’année 1873-1874, elle préserva même de la disette tout le vicariat d’Athabaska-Mackenzie. Elle soutient et développe encore son précieux concours.

      Est-il besoin d’ajouter qu’à la lecture des rapports publiés sur nos missions glaciales, d’autres âmes généreuses se sont attendries; et que, de tous les points du monde, des aumônes sont parvenues aux évêques missionnaires, obole de la veuve le plus souvent, et si agréable à Dieu, don matériellement plus large quelquefois du riche: toutes offrandes qui se présentent sous la parure exquise de la reconnaissance surnaturelle, pour l’honneur d’avoir pu servir le bon Dieu dans ses pauvres. Une des dernières lettres disait:

      « – Merci, Monseigneur, d’avoir bien voulu accepter ma modeste contribution pour vos chers pauvres.»

      Sur ces uniques secours, secours assurés de la Propagation de la Foi et de la Sainte-Enfance, secours instables de la charité privée, les missions du Nord, avec leurs deux orphelinats-hôpitaux, vécurent jusqu’en 1899.

      A cette date, le gouvernement canadien offrit aux sauvages de l’Athabaska, et, l’année suivante, aux tribus voisines du Mackenzie, une sorte de traité, aux clauses duquel les Indiens abandonnaient certains droits sur leur terrain. Des compensations que proposait le gouvernement, la principale était une allocation en faveur des écoles, allocation déterminée pour un nombre d’enfants fixé d’avance.

      Ce fut le signal de la grande marche.

      Couvents, orphelinats, hôpitaux, pensionnats, écoles rurales se multiplièrent. Le Mackenzie compte aujourd’hui six de ces établissements, confiés aux Sœurs Grises; et l’Athabaska huit, confiés aux Sœurs de la Providence.17

      Mais aussi, comme il en a été depuis la fondation de l’Eglise par Notre-Seigneur, le zèle des apôtres de l’Extrême-Nord a devancé démesurément leurs moyens d’action; et voilà comment le problème de la subsistance des œuvres, loin de se résoudre, s’est compliqué, et que jamais les missionnaires ne se sont vus chargés de tant de soucis.

      Mgr Grouard, ne parlant que de son vicariat d’Athabaska, écrivait, en 1905:

      Le nombre des enfants dans nos écoles est de 312, y compris les 18 de l’école du Père Josse. Le gouvernement donne des subsides pour 100 enfants sauvages. C’est la même somme accordée aux écoles du Manitoba et du Nord-Ouest, sans tenir compte de l’énorme différence des situations, et, par conséquent, elle est de beaucoup insuffisante. Cependant nous sommes heureux d’obtenir ce secours, sans lequel on n’aurait même pas songé à fonder les trois nouveaux couvents. La Propagation de la Foi, la Sainte-Enfance, quelques revenus et le travail de tous permettent de soutenir ces œuvres.

      Le travail de tous.

      Ces simples mots de l’humble prélat, sur lesquels glisserait si rapidement la lecture, entr’ouvrent sous nos yeux, la mine profonde qui recèle le capital foncier des institutions apostoliques de l’Extrême-Nord.

      Le travail de tous, c’est-à-dire le travail de l’évêque lui-même, le travail du simple prêtre, le travail de la Sœur Grise, le travail de la Sœur de la Providence, et surtout le travail du frère convers Oblat de Marie Immaculée.

      Travail d’économie d’abord.

      Il alla si loin que les religieuses se confectionnèrent quelquefois des robes grises avec des sacs de toile d’emballage hors d’usage, tandis que les missionnaires se taillaient leurs vêtements dans la peau des animaux sauvages. Pas un meuble indispensable de nos jours encore, dans ces résidences ensevelies sous les neiges. Durant les longues soirées de l’hiver, une seule petite lampe s’allume et se pose sur le milieu de la table «de famille». A l’heure prescrite par la règle pour le silence et le recueillement, elle voit la communauté entière lui former couronne, chacun lui tournant le dos, afin de lui prendre quelques rayons pour son livre d’étude ou de prières.

      Travail d’activité incessante, dans les rudes ouvrages.

      Mgr СКАЧАТЬ



<p>17</p>

Ces deux congrégations de religieuses ont été fondées au Canada: les Sœurs Grises en 1737, les Sœurs de la Providence en 1843.