Nach Paris! Roman. Dumur Louis
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Название: Nach Paris! Roman

Автор: Dumur Louis

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ en personne.

      – Ah! cher ami!.. arriva-t-il vers moi la main tendue.

      Je dois expliquer que j'étais devenu son «cher ami» pour lui avoir prêté souventes fois de l'argent, ce dont je n'étais pas peu fier, et ces emprunts réitérés du noble Hildebrand à ma bourse étaient même, à ma connaissance, une des rares preuves d'intelligence qu'il eût jamais données.

      – Cher ami… khrr, khrr… je suis enchanté…

      Je dois ajouter en outre que ce cher ami ne pouvait prononcer trois paroles sans les interrompre d'une sorte de râclement de la gorge, très aristocratique sans doute, mais qui rappelait d'assez près le jurement d'un chat en colère. Ses quatre poils de moustache hérissés et ses yeux verts changeants achevaient de lui conférer sa ressemblance avec ce félin.

      – Je suis enchanté… khrr, khrr… de vous revoir. J'ai passé brillamment mon examen. Je viens d'entrer… khrr, khrr… avec mon grade dans la compagnie… khrr, khrr… du capitaine Tintenfass.

      – Très heureux… tous mes compliments, cher baron.

      – Savez-vous qu'on m'a promis… khrr, khrr… le porte épée pour dans quinze jours?

      – Vraiment?

      – Oui, cher ami, pour dans quinze jours… khrr, khrr… s'il y a la guerre.

      – Sapristi!.. Et vous croyez à la guerre?

      – Si j'y crois… khrr, khrr!.. J'ai des renseignements certains.

      – Ah! ah! voyons? s'écrièrent Kœnig et Schimmel intéressés.

      – Je tiens mes informations… khrr, khrr.. de haute source. La guerre éclatera… dans quatre jours. Elle nous sera déclarée… khrr, khrr.. par la Russie. Vingt-quatre heures après… khrr, khrr… nous envahissons la France.

      – Par où? demanda Schimmel.

      – C'est le secret… khrr… du grand État-major. Mais je consens… khrr, khrr… à le trahir pour vous. Sachez donc, meine Herren, que tandis que nous portons trois armées sur la frontière… nous en jetons quatre autres… khrr, khrr… sur la Suisse.

      – C'est impossible, déclara Kœnig.

      – Je sais ce que je dis… khrr khrr… affirma le baron Hildebrand von Waldkatzenbach. Quatre armées. Le Rhin franchi sur vingt points à la fois… khrr, khrr… nous bousculons les Helvètes… khrr, khrr… et les rejetons dans leurs montagnes. Le plateau est à nous. Zurich, Berne, Fribourg occupés… khrr… Lausanne emporté… khrr… Genève pulvérisé… khrr, khrr… Par toutes les passes, routes, vallées du Jura, nous débordons sur la France surprise… khrr, khrr… Besançon, Dijon, Lyon sont saisis… khrr… le Creusot, Bourges détruits… khrr… la France coupée en deux… khrr, khrr… Pendant que nous tenons la ligne de la Loire, l'armée de Metz rompt la digue de Verdun… khrr… Nous marchons sur Parie par l'est et par le sud. Nous dirigeons une armée sur Bordeaux… khrr… une autre sur Toulon… khrr… En deux mois, la France annihilée est réduite à se rendre… khrr, khrr… Nous l'occupons avec notre landwehr… khrr… et nous retournons l'active sur la Russie… khrr, khrr… Tel est, meine Herren, le plan du grand État-major… khrr, khrr, khrr…

      – Vous êtes fou! s'écria Kœnig qui avait suivi ce développement avec une impatience marquée. Tout ce beau plan pèche par la base. La Suisse est un pays neutre et l'Allemagne n'envahira pas un territoire dont la neutralité a été reconnue par l'Europe.

      Démonté par cette simple observation, le baron n'eut d'autre ressource que d'arguer de son ignorance.

      – Tiens, fit-il, la Suisse est neutre?.. khrr, khrr… Vous me l'apprenez… khrr… On m'avait pourtant affirmé…

      – On vous en a conté, mon bon. La neutralité helvétique est inviolable et constitue pour nos armées un obstacle beaucoup plus infranchissable que celui des forteresses françaises. Nous ne pouvons passer par la Suisse.

      – Ce ne serait pourtant pas si bête, murmura Schimmel pensif.

      – Ce ne serait pas si bête évidemment, dit Kœnig, mais ce serait déloyal. Or, l'Allemagne ne peut faire une guerre déloyale. Notre force, c'est notre droit.

      – Que faites vous donc de la formule de Bismarck: la force prime le droit?

      – Jamais Bismarck n'a voulu dire que là où le droit existe, la force n'a pas à le respecter, répliqua Kœnig avec irritation. Bismarck entendait que là où le droit n'existe pas ou est contestable, la force le crée, ce que j'admets. Ainsi dans la question de l'Alsace-Lorraine…

      – La force était de notre côté, fit Schimmel.

      – Oui, reprit Kœnig. Mais le droit n'était pas du côté de la France. La France avait conquis l'Alsace-Lorraine par la force, nous la reconquérions par la force: rien de plus légitime. Il en est autrement d'un droit reconnu par l'Allemagne, comme l'état de neutralité permanente de la Suisse. Jamais Bismarck n'aurait conseillé, même dans un intérêt stratégique éminent, la violation du territoire suisse.

      La discussion se poursuivit quelque temps, coupée par les «khrr, khrr» du baron et les «parfaitement», «très juste» de Max Helmuth, lequel approuvait successivement toutes les répliques des interlocuteurs, y compris les gargouillements de Waldkatzenbach, dont la noblesse équivalait pour lui à la dignité d'officier. On parla du Danemark, du Hanovre, du partage de la Pologne et l'on fût remonté aux invasions des Barbares, si un incident imprévu ne s'était produit, qui mit en révolution toute l'assemblée des dîneurs.

      Nous étions justement en train de partager la Pologne en même temps qu'un superbe poulet, quand nous vîmes entrer comme un bolide l'adjudant du régiment, le premier-lieutenant Derschlag. Il accourait tout essoufflé, la tunique fumante sous l'écharpe en sautoir. Cette survenue sensationnelle avait suffi pour arrêter toutes les conversations et suspendre toutes les fourchettes.

      – Messieurs, j'arrive… bégayait-il, j'arrive des bureaux de la Gazette de Mag… de Magdebourg. On vient de recevoir… une dépêche. J'en ai pris… pris copie. Je vais… vous la lire.

      Il tira un papier mouillé de sa poche intérieure, souffla encore quelques instants, puis commença d'une voix à peine moins haletante:

      – «Vienne, 28 juillet»… Messieurs, c'est une dépêche de Vienne… «Le Journal officiel de la double monarchie publie la déclaration suivante… suivante, signée du ministre des Affaires Etrangères, le comte Berch… Berchtold: Le Gouvernement royal de Serbie n'ayant pas répondu d'une manière satis… satisfaisante à la note qui lui avait été remise par le ministre d'Autriche-Hongrie à Bel… Belgrade, à la date du 23 juillet 1914, le Gouvernement impérial et royal se trouve dans la né… se trouve dans la nécessité…

      On eut entendu voler une mouche. Seul un monosyllabe sonore du capitaine Kaiserkopf tomba comme une bombe:

      – Sauf!

      – «… Nécessité, continuait l'adjudant, de pourvoir lui-même à la sauvegarde de ses droits et intérêts et de recourir, à cet effet… effet, à la force des armes…»

      Une immense acclamation retentit, qui fit trembler les vitres. Tout le monde était debout. Mais Derschlag agitait un grand geste СКАЧАТЬ