Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 4. Dozy Reinhart Pieter Anne
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СКАЧАТЬ qui formait la frontière des Etats de son père du côté du nord-ouest, lui et les siens eurent à endurer les plus grandes privations.

      Dès lors le cadi devint l’ennemi mortel du prince de Badajoz19; mais nous ne possédons pas de détails sur les combats qu’ils se livrèrent dans la suite, et sans doute cette guerre n’eut pas pour l’Espagne musulmane des conséquences aussi importantes qu’un événement d’une autre nature, dont nous avons à nous occuper à présent.

      Le cadi, comme nous l’avons dit, avait reconnu la souveraineté du calife hammoudite Yahyâ ibn-Alî. Ç’avait été longtemps un acte de nulle conséquence; le cadi régnait sans contrôle à Séville, Yahyâ étant trop faible pour y faire valoir ses droits. Peu à peu cet état de choses changea. Yahyâ parvint à rallier successivement à sa cause presque tous les chefs berbers; il devint donc en réalité ce qu’auparavant il n’avait été que de nom, le chef de tout le parti africain, et comme il avait établi son quartier général à Carmona, d’où il avait chassé Mohammed ibn-Abdallâh20, il menaçait à la fois Cordoue et Séville21.

      La gravité du péril inspira alors au cadi une pensée qui eût été grande et patriotique, si elle n’eût été suggérée en partie par l’ambition. Pour empêcher les Berbers, désormais unis, de reconquérir le terrain qu’ils avaient perdu, l’union des Arabes et des Slaves sous un seul chef était nécessaire; c’était le seul moyen pour préserver le pays du retour des maux dont il avait souffert. Le cadi le sentait; il désirait qu’une grande ligue se formât, dans laquelle entreraient tous les ennemis des Africains, mais en même temps il voulait en devenir le chef. Il ne s’aveuglait pas sur les obstacles qu’il aurait à vaincre; il savait que les princes slaves, les seigneurs arabes et les sénateurs de Cordoue seraient blessés dans leur ombrageuse fierté au cas où il tâcherait de les dominer; mais il ne se laissa pas décourager par des considérations de cette nature, et comme les circonstances lui prêtèrent un puissant appui, il parvint, jusqu’à un certain point, à réaliser son projet. Nous allons voir de quelle manière il s’y prit.

      Nous avons dit plus haut que le malheureux calife Hichâm II s’était évadé du palais sous le règne de Solaimân, et que, selon toute apparence, il était mort en Asie, ignoré et inconnu. Cependant le peuple, encore fort attaché à la dynastie omaiyade qui lui avait donné la prospérité et la gloire, refusait de croire à la mort de ce monarque, et accueillait avidement les bruits étranges qui couraient sur son compte. Il se trouvait des gens qui se piquaient de pouvoir donner les détails les plus précis sur son séjour en Asie. D’abord, disait-on, il s’était rendu à la Mecque, muni d’une bourse remplie d’argent et de pierres précieuses. Cette bourse lui ayant été arrachée par des nègres de la garde de l’émir, il passa deux jours et deux nuits sans manger, jusqu’à ce qu’un potier, touché de compassion, lui demandât s’il savait pétrir de l’argile. A tout hasard Hichâm répondit que oui. «Eh bien! lui dit alors le potier, si tu veux entrer à mon service, je te donnerai un dirhem et un pain par jour. – J’accepte de grand cœur votre offre, lui répondit Hichâm, mais donnez-moi tout de suite un pain, je vous en supplie, car j’ai été deux jours sans manger.» Pendant quelque temps Hichâm, quoiqu’il fût un ouvrier fort paresseux, gagna sa vie chez le potier; mais enfin, dégoûté de sa besogne, il s’échappa et se joignit à une caravane qui allait partir pour la Palestine. Il arriva à Jérusalem dans le plus complet dénûment. Un jour qu’il se promenait sur le marché, il s’arrêta devant la boutique d’un nattier qui travaillait. «Pourquoi me regardes-tu avec tant d’attention? lui demanda cet homme; est-ce que tu connaîtrais mon métier? – Non, lui répondit tristement Hichâm, et je le regrette, car je n’ai aucun moyen de subsistance. – Eh bien, reste auprès de moi, reprit le nattier; tu pourras m’être utile en allant me chercher du jonc et je te payerai tes services.» Hichâm accepta avec joie cette proposition, et peu à peu il apprit à faire des nattes. Plusieurs années se passèrent ainsi, mais en 1033 il retourna en Espagne22. Après s’être montré à Malaga23, il se rendit à Almérie, où il arriva dans l’année 1035; mais bientôt après, le prince Zohair l’ayant expulsé de ses Etats, il alla se fixer à Calatrava24.

      Ce récit, que le peuple acceptait avec une aveugle crédulité, ne semble mériter aucune confiance. Le fait est qu’à l’époque où Yahyâ menaçait Séville et Cordoue, il y avait à Calatrava un nattier du nom de Khalaf, qui avait une ressemblance frappante avec Hichâm; mais rien ne prouve que cet homme ait été l’ex-calife, et les clients omaiyades tels que les historiens Ibn-Haiyân et Ibn-Hazm, bien qu’il eût été de leur intérêt de reconnaître le soi-disant Hichâm, ont toujours protesté de la manière la plus énergique contre ce qu’ils appelaient une grossière imposture. Khalaf, toutefois, avait de l’ambition. Ayant souvent entendu dire qu’il ressemblait beaucoup à Hichâm II, il se donna pour ce monarque, et comme il n’était pas né à Calatrava, ses concitoyens le crurent. Qui plus est, ils le reconnurent pour leur souverain et se révoltèrent contre leur seigneur Ismâîl ibn-Dhî-’n-noun, le prince de Tolède. Ce dernier vint alors les assiéger, et leur résistance ne fut pas longue. Ayant fait sortir le soi-disant Hichâm de leur ville, ils se soumirent de nouveau à leur ancien seigneur25.

      Cependant le rôle de Khalaf n’était pas fini; il ne faisait que commencer. Le cadi de Séville, quand il fut informé de la réapparition de Hichâm II, comprit sans tarder le parti qu’il pouvait tirer de cet homme s’il le faisait venir à Séville. Peu lui importait que ce fût Hichâm ou un autre; l’essentiel pour lui, c’était que la ressemblance fût assez grande pour qu’on pût prétendre, sans trop se compromettre, que c’était Hichâm, et alors une ligue contre les Berbers pourrait s’organiser en son nom, ligue dont le cadi, en sa qualité de premier ministre du calife, serait le chef et l’âme. Il fit donc inviter le prétendant de se rendre à Séville, et lui promit son appui pour le cas où son identité serait constatée. Le nattier ne se fit pas prier; il vint à Séville, où le cadi le montra à des femmes du sérail de Hichâm. Sachant ce qu’elles avaient à dire, elles déclarèrent presque toutes que cet homme était réellement l’ex-calife, et alors le cadi, s’appuyant sur leurs témoignages, écrivit au sénat de Cordoue ainsi qu’aux seigneurs arabes et slaves, pour leur annoncer que Hichâm II se trouvait auprès de lui et les inviter à prendre les armes pour sa cause26. Cette démarche fut couronnée d’un brillant succès. La souveraineté de Hichâm fut reconnue par Mohammed ibn-Abdallâh, le prince détrôné de Carmona, qui avait trouvé un refuge à Séville27, par Abdalazîz, prince de Valence, par Modjéhid, prince de Dénia et des îles Baléares, et par le seigneur de Tortose28. A Cordoue le peuple apprit avec enthousiasme qu’il vivait encore. Moins crédule et jaloux de conserver le pouvoir, le président de la république, Abou-’l-Hazm ibn-Djahwar, ne fut pas dupe de cette imposture; mais il savait qu’il lui serait impossible de résister à la volonté du peuple. Il comprenait la nécessité de l’union des Arabes et des Slaves sous un seul chef, et il craignait de voir Cordoue attaquée par les Berbers. Il ne s’opposa donc pas aux désirs de ses concitoyens, et il permit que l’on prêtât de nouveau serment à Hichâm II (novembre 1035)29.

      Sur ces entrefaites et pendant que le parti arabe-slave s’armait partout contre lui, Yahyâ assiégeait Séville ou en ravageait le territoire, bien résolu à tirer une éclatante vengeance de l’astucieux cadi. Mais il était entouré de traîtres. Les Berbers de Carmona qu’il avait contraints à s’enrôler sous sa bannière, étaient fort attachés à leur ancien seigneur; ils entretenaient des intelligences avec lui, et en octobre 1035, quelques-uns СКАЧАТЬ



<p>19</p>

Abbad., t. I, p. 223-225. Ibn-Khaldoun (Abbad., t. II. p. 209, 216) dit aussi quelques mots de ces événements, mais au lieu de nommer le cadi, il nomme son fils Motadhid.

<p>20</p>

Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r. et v., 82 r.

<p>21</p>

Abd-al-wâhid, p. 37, 38; Abbad., t. I, p. 222, l. 22.

<p>22</p>

Abbad., t. II, p. 127, 128.

<p>23</p>

Abbad., t. II, p. 34.

<p>24</p>

Abbad., t. I, p. 222; t. II, p. 34.

<p>25</p>

Abbad., t. II, p. 34.

<p>26</p>

Abbad., t. I, p. 222.

<p>27</p>

Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r. et v.

<p>28</p>

Abbad., t. II, p. 34.

<p>29</p>

Abbad., t. I, p. 222; t. II, p. 34. Sur la date, voyez la note A à la fin de ce volume.