Aymeris. Blanche Jacques-Émile
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Название: Aymeris

Автор: Blanche Jacques-Émile

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ démagogues, les paysans, même en Calvados! Ils en veulent au château! Et quel château! Les Pierre ont acheté le seul domaine de Normandie où il n’y ait ni rivière, ni source. Une bicoque plantée entre une gare et un tas de fumier!.. On brûlerait là dedans comme une boîte d’allumettes, il n’y a ni pompiers dans le bourg, ni eau dans la mare. La gendarmerie est à trois lieues d’ici!

      «Tes sœurs ont trouvé a Longreuil leur affaire», écrivait cependant la bonne Mme Aymeris à son mari; «tant que cela durera, profitons-en. Au moins veilleront-elles à ce que le beurre soit proprement fait, et les blés rentrés à temps. Elles lisent des ouvrages sur l’agriculture, ce qui vaut mieux que le journal de guerre de la Générale. Je leur défends d’agiter notre chéri avec ces abominations.»

      Mlles Aymeris dévoraient ces cahiers, à elles prêtés par la comtesse de Mongéroux, seule voisine de campagne qu’elles fréquentassent, à cause de ses opinions et de son patriotisme, mais qu’Alice avait prise en grippe, un soir qu’elle avait amené dans le salon de Longreuil ses nièces, une bossue, une bancale et la troisième obèse, quêteuses pour des œuvres d’entraînement militaire. Ces vierges avaient rongé leur frein, pendant le siège, au lieu d’être aux avant-postes avec leurs frères; elles qui avaient noté les moindres fautes des chefs, conseilleraient les membres de la Défense Nationale, feraient fusiller des traîtres, des misérables pour lesquels elles imaginaient des supplices, des raffinements de torture… Qu’il serait bon de les tenir entre deux fers rouges! Elles leur enfonceraient des épingles dans les prunelles, leur verseraient dans la gorge des bidons de pétrole bouillant; les assiéraient sur une plaque de tôle, avec un brasier en dessous!..

      Georges, qui «modelait» silencieusement dans la salle à manger, avait écouté avec stupeur ces paroles valeureuses, comme les allégros du vieil Octave, musique inédite et si différente des anciens refrains des centenaires de Passy avant la guerre!

      Il entendait ses tantes parler politique; elles lui expliquèrent le sens révolutionnaire de la Marseillaise des petits Gerbois. Quoiqu’elles niassent que l’Empire fût responsable du désastre, elles se ralliaient à Henri V, souhaitaient de mettre bientôt des gants blancs pour applaudir le Roi sur le parvis de Notre-Dame.

      Etait-ce un cauchemar, cette République, ou la réalité? M. Thiers, en tant que Président, verrait-il donc son nom dans le Gotha, imprimé comme celui d’un monarque? Elles riaient, plaisantaient, en reconnaissant que le petit Monsieur à toupet et à lunettes avait été un ami des Princes, «quelqu’un de la Société»! La devise: Liberté, Egalité, Fraternité, leur semblait une provocation «aux classes dirigeantes» et «tout à fait comique».

      – Lili, tu sais que nous devenons tous frères! Frères du serrurier, du jardinier, de la fermière, de la cuisinière! Si la Jessie est l’égale de Georges… pourquoi ne l’épouserait-il pas, plus tard? Tiens! Georges, un parti pour toi, mon chou! C’est à mourir de rire! – déclara Caroline, pendant un déjeuner où n’assistaient pas les Anglaises.

      Georges plia sa serviette, chercha Jessie à travers le jardin, l’appela: —Come on, Jessie, come! Let us go and sit out in the garden? I want you so badly! do come at once16… – et passa son bras autour de la ceinture de son amie, en un irrésistible besoin de lui dire des choses qui, sans doute, lui resteraient dans la gorge; mais il lui ferait cadeau de sa montre, de son mouchoir, d’une plume avec laquelle il écrivait mieux qu’avec les autres; il lui donnerait des cahiers, sa statuette de la reine Victoria, ou même le fameux magot chinois que Nou-Miette lui avait permis d’acheter à l’exposition universelle de 1867: sa première extravagance de collectionneur!

      La nuit suivante il rêva du Sacre du Roi et de la Marseillaise, de Troppmann, des demoiselles quêteuses et du train où les communards chassaient les prêtres vêtus en femme; ses notions en histoire de France, en histoire sainte, qu’il s’était remis à étudier, se confondirent, dans le jour, avec la politique, la guerre, les «classes dirigeantes». Il retenait un seul fait de ce fouillis: Jessie irritait ses tantes, comme la devise: Liberté, Egalité, Fraternité – celle de la République.

      Ce fut à l’époque de sa première communion que Georges doubla le cap des tempêtes. Cette période développa en lui une exaltation mystique, du genre de celles que les prêtres combattent comme un ennemi aussi perfide que Satan.

      Ce n’était pas les scrupules, autant qu’une sorte de volupté dans la prière, qui devaient le troubler.

      M. et Mme Aymeris, d’abord surpris et heureux de sa docilité, se préoccupèrent bientôt d’une ferveur morbide; M. l’abbé Gélines «dont l’intelligence était au niveau de sa piété» partageait leurs sentiments, mais se déclarait démuni de remèdes. Georges se barricada, des heures durant, dans une espèce d’oratoire en planches, plutôt un hangar, dédié par sa mère à saint Jacques et à la Vierge Marie, en mémoire des défunts enfants. On distinguait à peine, dans la pénombre de leurs niches, deux statues, l’une d’un pèlerin, avec son bâton, sa gourde et les coquilles; l’autre statue, la madone, faisait une «pointe», comme une danseuse, sur un croissant argenté, et semblait s’élancer de ce tremplin vers le Père-Eternel. Un prie-dieu de bois noir et or, avec tapisserie à semis de fleur de lis, remplissait presque cette chapelle où Mme Aymeris demandait des forces à Dieu, quand elle se sentait faiblir, au souvenir de Marie et de Jacques, toujours présents à sa pensée. Georges respirait dans la chapelle une atmosphère idoine à ses rêveries. Il y entraîna sa compagne; mais, sans imagination, Jessie ne savait plus qu’y faire, après avoir balayé le tapis, mis les vases et les candélabres en ordre. Georges, à genoux sur le prie-dieu, ou immobile par terre, comme endormi, mettait Jess en fuite. Certain jour, elle le crut mort. – Où est Georges? lui demanda-t-on. On la pressa de questions, mais elle avait promis à Georges de ne jamais révéler la cachette. – Je ne l’ai pas vu. – Il sera sorti.

      Puis se troublant, elle avoua tout. On sonnait la cloche pour un repas, et Georges regagna la maison, plus muet encore, mais irradiant la foi du martyr, les prunelles étincelantes, quand sa mère lui dit: – Regarde-moi en face, dis-moi la vérité: tu étais à l’oratoire?

      – Je causais avec le Bon Dieu.

      Nous verrons plus tard que Mme Aymeris considérait le Bon Dieu comme un interlocuteur avec lequel un enfant, et même un adulte, ne peuvent pas se permettre des familiarités; sa religion était toute de crainte et elle n’en parlait jamais.

      Si les tantes fréquentaient l’église par décence et tradition, elles aimaient peu les enfants qui causent avec le Bon Dieu, «dans une ferveur morbide». Pierre avait, selon elles, de bons sentiments mais, comme les hommes très occupés, ne pratiquait cependant guère… De qui tenait donc Georges? Quel étrange petit être! Passe encore pour ses jeux d’artiste en herbe et sa manie de s’habiller en enfant de chœur! Mais on lui posait trois questions pour qu’il vous balbutiât une réponse… Il hésitait, ou feignait de ne point entendre. Fallait-il que le dernier des Aymeris fût si dégénéré, qu’il tombât en catalepsie, se vautrât dans un oratoire, au pied d’une «Anglaise idiote»? Ah! ces mariages tardifs entre cousins germains!

      Comme cadeau du jour de l’an, Georges choisit une chasuble d’or; il annonce qu’il se fera prêtre, qu’il sera pape peut-être; pour le moins évêque ou cardinal. Ce goût des grades et des pompes catholiques atténuait le déplaisir que prenaient ses tantes de ses trop longues prières à l’oratoire. Néanmoins, sa piété avait «quelque chose de théâtral et de mondain» pour des respectables demoiselles qui se croyaient si modérées en tout. Georges voulut acheter des vêtements sacerdotaux, des ornements d’église, des chromolithographies de Sa Sainteté Pie IX, et une vue du Vatican sur un certain abat-jour, où des trous d’épingle СКАЧАТЬ



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Venez, Jessie! venez! allons nous asseoir au jardin: j’ai tant besoin de vous! Venez tout de suite!