La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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Читать онлайн книгу La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1 - Alcide de Beauchesne страница 32

СКАЧАТЬ m'avoit trouvée blanchie, parlant beaucoup mieux, et un maintien charmant.» Eh bien, si flatteurs que fussent ces succès, madame de Bombelles préférait à la vie de cour la vie tranquille et retirée qu'elle avait menée à Ratisbonne. Les succès de son fils bien-aimé, de Bombon, comme elle l'appelait, la flattaient infiniment plus que les siens. Cette humble et simple femme était une orgueilleuse mère; elle comptait bien, quand les roses de la santé auraient refleuri sur les joues de son enfant, le montrer dans tout l'éclat de sa beauté. En attendant, elle jouissait délicieusement de l'intérêt que Madame Élisabeth témoignait à Bombon d'abord, à elle ensuite. «Madame Élisabeth, continue-t-elle, a eu la bonté de m'envoyer tout à l'heure un courrier pour avoir de ses nouvelles. Mon Dieu, qu'elle est aimable! d'honneur, je l'aime à la folie. Si tu avois vu combien elle étoit contente de mes petits succès d'avant-hier, comme elle est venue tout doucement m'arranger mon fichu, afin qu'il eût meilleure grâce, me dire la manière dont il falloit que je remerciasse la Reine de ce qu'elle m'avoit invitée à cette partie, réellement j'étois attendrie de son intérêt pour moi, et je voudrois avoir mille manières de lui montrer ma reconnoissance.»

      Le 29 mai, de Villiers, habitation d'été de M. et madame de Travanet, ses beau-frère et belle-sœur, madame de Bombelles écrivait à son mari: «… Conçois-tu qu'il n'y ait que vingt jours que nous sommes séparés? Il me semble, en vérité, qu'il y a vingt mois. Comment ferai-je pour être un an sans le voir? Mon Dieu, que cela m'ennuie! Mais il faut du courage: je vais bien m'occuper de tes affaires, de mon petit Bombon, et le temps se passera, car enfin tout passe. Je regarde cette année-ci comme un temps de pénitence, et celle où je te verrai, je serai aussi heureuse que je le suis peu actuellement. Il faut avouer que j'ai bien des dédommagements par Madame Élisabeth, qui me comble de bontés. J'en sens tout le prix, mais j'en jouirai davantage lorsque tu seras avec moi. J'ai toujours oublié de te dire qu'elle m'a priée d'aller voir M. d'Harvelay et de l'engager à lui prêter deux mille louis pour pouvoir se liquider vis-à-vis de M. de Travanet, de la comtesse Diane à qui elle doit cinq cents louis, des marchands; enfin, avec cette somme, elle ne devra plus rien. J'ai cru ne pas devoir lui refuser ce service, et j'irai pour cette raison à Paris jeudi; pourvu que M. d'Harvelay n'aille pas imaginer que cet argent soit pour nous, comme avoit fait M. de Travanet; j'espère que non, et qu'il ne refusera pas cette somme à Madame Élisabeth. Je t'avouerai que j'aimerois autant n'être pas chargée de cette commission; mais comment faire? Madame Élisabeth m'auroit su fort mauvais gré de mon peu de complaisance, et j'aurois manqué à la reconnoissance et à l'attachement que je lui dois…»

«À Versailles, ce 7 juin 1781.

      »Je quitte Madame Élisabeth pour te dire un petit mot. Elle ne vouloit pas me laisser aller; mais lorsque je lui ai dit que j'avois envie de t'écrire parce que le courrier partoit demain de Paris, et que sans cela tu serois cinq jours sans avoir de mes nouvelles, elle m'a répondu: «Va-t'en, dis-lui bien des choses de ma part, et, quoiqu'il me prive ce soir de toi, que je l'aime de tout mon cœur.» Elle a toujours pour moi des bontés charmantes; il n'y a sortes d'amitiés qu'elle ne me témoigne, et je lui suis réellement bien tendrement attachée…

      »J'ai dîné aujourd'hui chez maman, et nous nous sommes amusées ensemble comme des reines; nous avons causé… nous avons joué avec Bombon, qui entend la plaisanterie à merveille, et qui a d'autant bien teté. De là nous avons été chez Madame Élisabeth, où j'ai passé trois quarts d'heure. Madame de Canillac y étoit, avec laquelle je suis fort honnêtement, et je suis revenue te souhaiter le bonsoir avant d'endormir Bombon. Huit heures sonnent: je te quitte pour ce petit marmot; sa nuit commence tous les jours à cette heure-ci…»

«À Versailles, ce 10 juin 1781.

      »… M. de Maurepas a pensé être brûlé à l'Opéra avant-hier. Un moment après qu'il en étoit sorti, la toile s'est allumée par un lampion: le feu a gagné aux décorations et au reste du théâtre avec une si grande promptitude, qu'au bout de vingt-cinq minutes la voûte est tombée avec un fracas épouvantable. Heureusement l'opéra étoit fini… Cependant neuf personnes ont été brûlées. Le feu dure encore. On a bien vite coupé toute communication; de sorte que tout ce qui environne l'Opéra n'est pas endommagé. Le feu étoit si fort que mes gens l'ont vu d'ici en soupant: on pouvoit lire sur le pont de Sèvres; ainsi tu peux juger de la clarté que cela donnoit à tout Paris. On frémit quand on pense que si le feu avoit pris un peu plus tôt, il y auroit eu des milliers de personnes brûlées…»

      Sans cesse le nom, les bontés charmantes de Madame Élisabeth reviennent sous la plume de madame de Bombelles, heureuse de devoir à son amie le vif intérêt de la Reine et ces prévenances qui ont tant de prix quand elles descendent de si haut. La lettre suivante est datée de

«Versailles, le 13 juin 1781.

      »… J'ai été avant-hier au soir au concert de la Reine avec Madame Élisabeth. La Reine m'a demandé comment je me portois ainsi que mon enfant, et si cela ne le dérangeoit pas que je vinsse au concert. Je lui ai dit qu'il venoit de teter. Elle a repris: «Mais, si vous vouliez, on pourroit l'amener ici.» J'ai paru confondue de ses bontés, et lui ai répondu que je craindrois d'en abuser; qu'il attendroit fort bien mon retour. Effectivement cela ne lui a pas fait de mal. Je suis rentrée à neuf heures chez moi; il a teté et s'est endormi tout de suite. Il s'endort ordinairement à huit heures, huit heures et demie; mais ce petit retard ne lui a rien fait. Ce pauvre petit chat ne me gêne pas du tout: il boit et mange parfaitement, et se passeroit fort bien de teter toute la journée; mais aussi il ne peut pas, la nuit, se passer de moi. Il est accoutumé à s'endormir, le soir, à mon sein, à teter toutes les fois qu'il se réveille, et ce régime lui réussit si bien et me gêne si peu, que je ne suis pas pressée de le sevrer…»

      Tous les incidents, tous les événements, les rumeurs même de chaque jour viennent retentir dans cette correspondance, sorte de journal par lequel madame de Bombelles tient son mari au courant de tout ce qui peut l'intéresser.

«Versailles, ce 14 juin 1781.

      »On vient de me dire que l'Empereur étoit arrivé hier soir à Paris. Je suis étonnée qu'il ne soit pas tout de suite venu à Versailles. J'imagine que la Reine l'attend avec beaucoup d'impatience.

      »La procession du Saint-Sacrement, qui s'est faite ce matin, étoit superbe: il faisoit le plus beau temps du monde. J'ai été la voir passer d'une fenêtre: Madame Élisabeth m'a dispensée de l'accompagner, ce qui m'a fait grand plaisir, car par la chaleur qu'il faisoit j'aurois fait du mal à mon lait…

      »Le feu de l'Opéra dure toujours. Madame la duchesse de Chartres a quitté prudemment le Palais-Royal, et s'est établie à Saint-Cloud…»

«À Versailles, ce 17 juin 1781.

      »Madame de Clermont est dans le chagrin, de son côté, parce que son fils va entrer au service et qu'elle n'a pas de quoi l'y soutenir. M. de Castries ne veut rien faire pour elle. Madame Élisabeth m'a promis de lui parler en sa faveur. Cette pauvre femme est presque dans le désespoir, et sera obligée de quitter Versailles si elle n'obtient rien, parce qu'elle n'y peut plus vivre. Cela me fait réellement de la peine: je trouve qu'il est impossible de ne pas être malheureux soi-même de l'infortune des autres, et le tableau continuel des maux de l'humanité seroit bien fait pour détacher de la vie…

      »L'Empereur n'étoit pas à Paris: je t'avois mandé une fausse nouvelle; mais il viendra bientôt, passera quelques jours ici dans le plus grand incognito, et ne verra personne…»

      Dans ces lettres de madame de Bombelles, on peut saisir pour ainsi dire jour par jour la vie de Madame Élisabeth, car ces deux inséparables amies ne se quittent guère, et la Reine prend soin elle-même de les rapprocher. Les lettres suivantes furent écrites à Versailles: les gloires de ce règne, qui compte tant de malheurs, y jettent un reflet.

«À Versailles, ce 23 juin 1781.

      »Madame СКАЧАТЬ