La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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СКАЧАТЬ de ce qu'on avait tenté n'avait donc réussi, et Louis XVI entrait dans la seconde partie de son règne avec des illusions évanouies et des craintes sur l'avenir.

      M. Taboureau remplaça Turgot, et on lui adjoignit d'abord en qualité de conseiller des finances et de secrétaire général du trésor, Necker, qui devait bientôt le remplacer. Les prôneurs de Necker lui prêtèrent du génie en finances, ses adversaires lui refusèrent toute capacité; deux exagérations et deux erreurs. Necker, qui avait des qualités réelles, eut le défaut des hommes de son temps: il visa avant tout à la popularité. Il eut une idée vraie quand il pensa qu'on fonde le crédit d'une nation en mettant de la clarté et de la régularité dans ses finances; mais il fit une fausse application de cette idée vraie, lorsque dans les circonstances difficiles où l'on se trouvait, il déchira tous les voiles qui dissimulaient la fâcheuse situation de nos affaires financières. Ce qui importait, c'était de guérir la plaie et non de la sonder en public; il la sonda sans la guérir. Les paniques sont aussi dangereuses sur le terrain des intérêts que sur un champ de bataille. Un esprit moins avide de popularité et moins infatué de lui-même eût attendu pour parler du péril que le péril eût été conjuré; mais M. Necker tenait avant tout à faire connaître à tout le monde la profondeur du gouffre, pour faire dire ensuite qu'il était seul capable de le combler. Il fallait agir, il voulut paraître.

      À cette époque, le Roi, dans l'intention d'encourager les arts, autorisa le comte d'Angiviller, directeur et ordonnateur général de ses bâtiments, à faire exécuter chaque année un certain nombre de tableaux et de statues par les peintres et les sculpteurs de son académie. Désireux surtout de rendre les arts utiles en les rappelant à leur antique destination, il voulait que les actions et les images de ceux qui ont illustré la France fussent reproduites par le pinceau et le ciseau. M. d'Angiviller disant un jour à Madame Élisabeth que les statues de l'Hôpital, de Sully, de Fénelon et de Descartes étaient commencées: «J'espère, monsieur, lui dit-elle, que vous n'oublierez pas celle de Bossuet72

      Au commencement de l'année 1777, Suleïman-Aga, envoyé du bey de Tunis, eut une audience du Roi à Versailles. Après avoir remis au prince ses lettres de créance, cet envoyé s'exprima ainsi: «Sire, le bey de Tunis, mon maître, m'a commandé de me rendre auprès de Votre Majesté Impériale pour la féliciter sur son avénement au trône de ses ancêtres. Jaloux de remplir tous les devoirs que lui prescrit son attachement inviolable pour l'auguste maison de France, ce prince auroit depuis longtemps fait passer un envoyé dans votre cour impériale pour lui présenter l'hommage de ses sentiments, ses regrets sur la mort de son illustre et grand allié et ami l'Empereur de France Louis XV, de glorieuse mémoire, et son compliment sur le bonheur que la Providence a préparé aux Français en appelant à leur tête un jeune monarque qui réunit au plus haut degré les vertus et les qualités les plus éminentes, si les circonstances où mon maître s'est trouvé depuis cette époque à jamais mémorable lui avaient permis de faire ce que son cœur lui inspirait. Chargé aujourd'hui de ses ordres suprêmes, j'apporte aux pieds de Votre Majesté Impériale les vœux les plus ardents pour la prospérité de votre empire, les marques les plus sincères de son respect et de son entier dévouement pour votre personne sacrée. Daignez, Sire, agréer comme une preuve du désir que mon maître aura toujours de mériter la haute bienveillance d'un aussi grand Empereur, les esclaves et les autres présents que j'ai remis en son nom aux officiers de Votre Majesté Impériale. Le plus beau moment de ma vie est celui où j'envisage la gloire de votre trône impérial. Je serai heureux s'il en émane sur moi un regard favorable.»

      La cour et la ville s'étonnèrent de trouver chez l'envoyé d'une puissance barbaresque la langue de la diplomatie européenne et les formes du monde civilisé.

      L'empereur du Maroc, vers cette même époque, envoya son neveu en France en qualité d'ambassadeur. Il venait offrir au Roi de riches présents. La cour s'extasiait devant ces présents, ne sachant auquel attribuer le plus de valeur. «Je sais, moi, dit la jeune Madame Élisabeth, quel est le plus magnifique, je sais quel est celui qui aura le plus de prix aux yeux du Roi: ce sont vingt marins français qui ont fait naufrage sur les côtes du Maroc, et que le roi de ce pays renvoie à mon frère.»

      LIVRE DEUXIÈME

      LETTRES DE MADAME DE BOMBELLES

      1777 – 1782

Voyage de l'Empereur en France. – L'éducation de Madame Élisabeth terminée. – Mot de la jeune princesse. – Question de son mariage. – Lettre de M. de Vergennes au Roi. – Mesdames de Bombelles, de Raigecourt et des Moutiers. – Récit de madame de Bombelles. – Tableau de la cour à cette époque. – Louis XVI. – Le comte de Provence. – Le comte d'Artois. – Madame Élisabeth étrangère aux intrigues. – Sa sagesse et sa raison. – Dames qu'elle choisit pour sa société. – Esquisse de son portrait. – Son appartement à Versailles. – Naissance de Madame Royale. – Récit de la Gazette. – Baptême de Marie-Thérèse-Charlotte. – Observation de Monsieur. – Mort de Marie-Thérèse. – Les seuls mots que Louis XVI ait dits à l'abbé de Vermond. – Le linceul de l'Impératrice-Reine. – Ses obsèques. – Lettre de l'Empereur au prince de Kaunitz; remarque de la Reine. – Dispositions testamentaires de Marie-Thérèse. – Frédéric II à d'Alembert. – Piété filiale de Marie-Antoinette. – Lettres de madame de Bombelles. – Naissance du premier Dauphin: récit de Louis XVI; récit de madame Campan. – Les corporations des arts et métiers de Paris se rendent à Versailles; parmi eux les fossoyeurs. – Les dames de la halle, vêtues de robes noires, complimentent la Reine. Elles dînent au château de Versailles. – Bal offert à la Reine par les gardes du corps. – Dauphins en or; coiffures à l'enfant; catogans. – Nouvelle toilette des enfants. – Fête donnée au Roi et à la Reine par la ville de Paris, à l'occasion de la naissance du Dauphin. – Tendresse de Madame Élisabeth pour les enfants du Roi. – Madame d'Aumale. – Réserve de Madame Élisabeth; sa perspicacité; son dévouement pour ses amies. – Acquisition par le Roi de la propriété de madame de Guéménée à Montreuil. – La Reine y conduit Madame Élisabeth: Vous êtes chez vous. – Description de la maison, du parc. – Madame de Mackau. – Le Monnier. – Vie de Madame Élisabeth à Montreuil; ses bonnes œuvres. – Le comte de Provence. – Le comte d'Artois. – Mesdames. – Le vieux Jacob. – Catherine Vassent. – Mort de Madame Sophie. – Lettre de madame de Bombelles. – Le duc de Penthièvre et madame de Lamballe. – Humbles funérailles de Madame Sophie. – Voyage du comte et de la comtesse du Nord. – Réformes opérées par Louis XVI. – Guerre d'Amérique; son caractère. – Le capitaine Molli. – Deane et Franklin. – Lettre de Louis XVI au roi d'Espagne. – M. Gérard, ministre plénipotentiaire du Roi aux États-Unis. – M. de Bouillé. – M. de la Pérouse. – Indépendance des États-Unis. – Réflexions

      L'Empereur, qui voyageait sous le nom de comte de Falkenstein, sans suite, sans éclat, arriva à Paris le vendredi 18 avril 1777, vers les quatre heures du soir, et par une autre barrière que celle où il était attendu. Il descendit chez le comte de Mercy, son ambassadeur, bien qu'il eût fait retenir pour le recevoir l'hôtel de Tréville, rue de Tournon.

      Le samedi 19, il se rendit au château de Versailles et se fit annoncer chez la Reine. La Reine le conduisit chez le Roi et les Filles de France; ensuite les Fils de France vinrent le voir chez la Reine. Le 20, le duc d'Orléans et le duc de Penthièvre allèrent s'inscrire chez le comte de Falkenstein, les princesses en firent autant; mais il ne reçut ni les uns ni les autres.

      Le lundi 21, il y eut vers sept heures du soir, chez la Reine en particulier, un concert auquel les dames étaient invitées à se rendre en robes de chambre73. Marie-Antoinette présenta à l'Empereur les personnes qui ne l'avaient point encore vu, notamment le duc de Chartres. Le duc de Penthièvre n'arriva qu'à la СКАЧАТЬ



<p>72</p>

Louis XVI voulant aussi assurer à la nation la jouissance des chefs-d'œuvre qui ont illustré son école, chargea M. d'Angiviller d'acquérir les tableaux dont Le Sueur avait enrichi l'hôtel Lambert. Instruits des motifs qui avaient déterminé le Roi à cette acquisition, les RR. PP. Chartreux de Paris conçurent un grand acte d'abnégation et de dévouement: ils arrêtèrent dans une assemblée capitulaire de faire au Roi l'hommage des tableaux précieux qu'Eustache Le Sueur avait peints dans leur petit cloître. Le 25 juillet 1776, Dom Hilarion Robinet, prieur de cette maison, et Dom Félix de Nonan, procureur général de l'ordre, conduits par le comte d'Angiviller, furent reçus en audience par Sa Majesté, qu'ils supplièrent, au nom de leur communauté, de réunir cette suite de tableaux à sa magnifique collection. Le Roi, en acceptant cette offre, chargea ces députés d'exprimer à leur communauté la satisfaction que lui causaient le zèle de ces religieux aussi bien que leur amour pour le bien public. Le mois suivant, Louis XVI fit l'acquisition du cabinet des médailles rassemblées par les soins de M. Pellerin, ancien commissaire général de la marine. Cette collection, qui renfermait une grande quantité de médailles inconnues et propres à répandre un nouveau jour sur l'histoire ancienne, passait pour une des plus précieuses qui existassent, et fit du cabinet du Roi, déjà célèbre dans le monde savant, le dépôt le plus riche et le plus utile qu'on pût former pour le progrès des lettres.

<p>73</p>

J'ai conservé cette dénomination, qui est celle de l'époque. On dirait aujourd'hui: en toilette de ville.