Название: L'Abbé de l'Épée: sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès
Автор: Berthier Ferdinand
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Quant à la lettre Z, elle s'écrit en l'air avec l'index, absolument comme la plume ou le crayon la reproduirait sur le papier.
Pour indiquer que chaque mot est terminé, on s'arrête et l'on tire en l'air avec le plat de la main, les ongles en dessus, une ligne horizontale de gauche à droite. L'habitude de cet exercice rend, d'ailleurs, cette précaution inutile.
L'accentuation et la ponctuation sont figurées en l'air par l'index. Il en est de même pour les chiffres.
De ce qui précède il résulte que notre alphabet manuel n'est pas à dédaigner des parlants eux-mêmes dont un accident voile ou éteint momentanément la voix, et de ceux qui, dans un âge plus ou moins avancé, perdent entièrement la parole.
N'oublions pas de remarquer, en passant, que les jeunes sourds-muets, dans la plupart des établissements d'éducation qui leur sont ouverts, adoptent, de plus, en dehors de l'enseignement, divers signes caractéristiques particuliers qu'ils affectionnent, et à l'aide desquels ils augmentent et complètent leurs moyens de communication.
Ainsi ils désignent les premiers nombres jusqu'à 10 en levant autant de doigts qu'ils veulent désigner d'objets. Depuis 10 jusqu'aux nombres les plus élevés ils ouvrent les deux mains autant qu'ils ont de dizaines à exprimer, et ils y ajoutent les unités. Plus tard, afin d'éviter toute longueur, toute confusion, ils expriment le nombre de dizaines comme si c'étaient des unités; puis, pour tracer un zéro, ils forment un rond avec le pouce et l'index appuyés l'un sur l'autre, comme s'ils avaient à représenter la lettre O de l'alphabet manuel. S'agit-il d'exprimer cent et mille, ils ont recours au même procédé pour reproduire les chiffres romains C et M.
On nous demande souvent comment il est possible aux sourds-muets de soutenir une conversation dans les ténèbres. L'obscurité n'est pas, tant s'en faut, chez nous un obstacle à cet échange d'idées et de sentiments.
En plaçant sa main dans celle de son interlocuteur, on lui fait palper aisément toutes les formes de l'alphabet manuel. En lui faisant suivre les mouvements qu'exécutent les bras, on le met à même de saisir de l'œil, pour ainsi dire, les pensées qu'on exprime. Ou bien, l'on prend les deux bras de l'interlocuteur, et on leur fait exécuter les mouvements qu'ils font en plein jour. Dans ces divers exercices, l'habitude devance presque toujours la pensée d'autrui, quelque moyen qu'on emploie d'ailleurs pour se faire comprendre. Après ces quelques données suffisantes, il serait, pensons-nous, inutile de décrire ici les mille autres ressources que fournit au sourd-muet le besoin, ou, disons mieux, la nature si ingénieuse et si bienfaisante à son égard.
Toutefois, si l'alphabet manuel ne remplace pas entièrement la langue des gestes, cette langue sublime, universelle, basée sur la nature et la raison, qui tient lieu de toutes les autres, mais ne s'apprend pas en un jour, il peut, à la rigueur, la suppléer jusqu'à un certain point, quoiqu'il n'offre, en définitive, qu'un moyen de relation beaucoup moins parfait et beaucoup moins rapide.
L'abbé de l'Épée, tout en rendant le plus sincère hommage aux talents déployés par Pereire dans l'art de la parole, ne laisse pas de faire consciencieusement observer qu'il n'est pas l'auteur de cette méthode tant prônée, et qu'elle a été pratiquée plus de cent ans avant lui par Bonet, Conrad Amman, et, en Angleterre, par John Wallis, savant professeur de l'université d'Oxford. Comme pour compléter sa justification personnelle, il expose tout uniment, et sans se mettre en frais de protestations nouvelles, qu'il n'a connu aucun de ces illustres auteurs, tout absorbé qu'il a été jusqu'alors par les études d'un tout autre genre, et qu'il n'a pas encore songé à désirer, encore moins à entreprendre de faire parler ses deux élèves. Voilà ses propres expressions.
Il avait, ajoute-t-il, uniquement en vue de leur apprendre à penser avec ordre, à combiner méthodiquement leurs idées. Et c'est d'après ce principe fondamental qu'il s'est efforcé d'assujettir les signes représentatifs à une méthode dont il se propose de composer une espèce de grammaire.
Voici, du reste, comment il raisonne23 pour essayer de convaincre ses lecteurs de l'utilité de ses nouveaux procédés:
«La route des estampes24 n'est point de mon goût. L'alphabet manuel français, que je savais dès ma plus tendre enfance, ne peut m'être utile que pour apprendre à lire à mes disciples. Il s'agit de les conduire à l'intelligence des mots. Les signes les plus simples, qui ne consistent qu'à montrer avec la main les choses dont on sait les noms, suffisent pour commencer l'ouvrage; mais ils ne mènent pas loin, parce que les objets ne tombent pas toujours sous nos yeux, et qu'il y en a beaucoup qui ne peuvent être aperçus par nos sens. Il me paraît donc qu'une méthode de signes combinés doit être la voie la plus commode et la plus sûre, parce qu'elle peut également s'appliquer aux choses absentes ou présentes, dépendantes ou indépendantes des sens…»
Ce point de départ qui, au premier aspect, semblait devoir paraître ingénieux et juste à tous les esprits non prévenus, devint cependant, dans le Journal de Verdun, l'objet d'une attaque irréfléchie, pour ne rien dire de plus, de la part du sourd-muet Saboureux de Fontenay25, que l'abbé de l'Épée ne se lassait pas d'exalter lui-même comme un phénomène de son siècle, capable, par la variété et la supériorité de ses connaissances, d'occuper une place honorable dans la république des lettres. Quelle raison pouvait-il donc faire valoir pour justifier ses hostilités envers notre vénérable instituteur? Aucune, mon Dieu! mais, il faut le dire, rien au monde ne semblait devoir déraciner de son esprit la prévention obstinée qu'il était absolument impossible d'inculper à ses frères d'infortune des idées complètes des choses indépendantes des sens avec le secours des signes méthodiques. L'abbé de l'Épée ne pouvait manquer d'être étrangement surpris de se voir dans la nécessité de combattre un pareil adversaire, auquel son infirmité avait forcément dérobé la partie la plus intéressante de son œuvre, qu'il avait exposée de vive voix devant des personnes présentes avec lui à une de ses leçons.
Quoi qu'il en soit, dépouillant tout amour propre d'innovateur, et n'écoulant que sa philanthropie, sa charité chrétienne, il offre d'être jugé contradictoirement avec Pereire, et d'adopter même son système, s'il est déclaré supérieur au sien.
Essayons de bien fixer la place qui, dans ce concert d'efforts dirigés vers le même but, doit être réservée à l'instituteur portugais. Mais, pour que les droits de chacun soient pesés en parfaite connaissance de cause, il nous semble important de remonter plus haut.
VIII
Tentatives en faveur des sourds-muets en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en France, à Genève, en Espagne, en Portugal, en Italie. – Travaux de saint Jean de Beverley, de Rodolphe Agricola, de Jérôme Cardan, de J. Pasck, de saint François de Sales, de Pedro de Ponce, de Juan Pablo Bonet, de Ramirez de Carion, d'Emmanuel Ramirez de Cortone, de Pedro de Castro, de John Bulwer, de J. Wallis, de William Holder, de Degby, de Gregory, de Georges Dalgarno, de Van Helmont, de Conrad Amman, de Kerger, de Georges Raphel, de Lassius, d'Arnoldi, de Samuel Heinicke, d'Ernaud, de Jacob Rodrigues Pereire. – Succès brillants des deux derniers à l'Académie des sciences de Paris. – Pension de Louis XV au second. Il le nomme son interprète pour les langues espagnole et portugaise. – Sa tolérance religieuse. – Secret absolu recommandé à ses élèves. – Il offre de vendre sa méthode au gouvernement. – Lettre de la sourde-muette Mlle Marois. – Legs du sourd-muet Coquebert de Montbret.
L'histoire ecclésiastique des Anglais, par Bède le VénérableСКАЧАТЬ
23
24
C'est par ce moyen que le père Vanin avait commencé l'éducation des deux sœurs sourdes-muettes.
25
Il a fait paraître un grand nombre de traductions d'ouvrages anglais qui lui étaient commandés par des éditeurs, des lettres sur la dactylologie et un mémoire publié par le