Curiosa. Bonneau Alcide
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Название: Curiosa

Автор: Bonneau Alcide

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ des rouées et des coquettes; elles ne diffèrent que par des nuances pour ainsi dire insaisissables: ces nuances, il les a saisies et fixées. Bien peu d’écrivains du même genre ont si finement arrêté les contours de physionomies fugitives et donné ce cachet de réalité aux filles de leur imagination.

      Juillet 1879.

      XI

      LES NOUVELLES

      DE SACCHETTI40

      Les Trecento Novelle de Franco Sacchetti sont un des monuments de la littérature Italienne: comme style, de pur Toscan, elles font autorité et se classent parmi les testi di lingua; comme fond, elles ont l’inappréciable avantage d’être des tableaux de mœurs d’une vérité, d’une précision et d’une couleur on ne peut plus rares. Il y a lieu de s’étonner qu’elles soient restées manuscrites près de cinq siècles; presque contemporaines de Boccace, elles n’ont vu le jour que du temps de Voltaire. Les Italiens de la Renaissance les connaissaient pourtant à merveille; Strapparola, Bandello, le Lasca, Pogge surtout, en ont largement profité, mais l’idée de s’en faire l’éditeur n’est venue à personne de ceux qui les mettaient si bien à contribution. Peut-être était-ce par remords et pour ne pas dévoiler leurs larcins: croyons plutôt qu’ils les trouvaient d’un style trop rude, trop archaïque, et qu’ils préféraient de bonne foi à ces vieilleries leurs amplifications ou rajeunissements. Bottari les imprima le premier en 1724; Poggiali en donna une édition plus correcte et plus exacte (Livourne, sous la rubrique de Londres, 1795, 3 vol. in-8); à cette époque, le temps avait déjà produit dans l’œuvre de Sacchetti des ravages irréparables. Les copies en étaient encore nombreuses; il y en avait à Florence, à Rome, dans les bibliothèques publiques et dans les collections particulières; mais la plupart étaient de date récente, du XVIIe siècle ou de la fin du XVIe, et leurs auteurs ne semblaient avoir eu qu’une préoccupation: rajeunir le texte et lui enlever toute saveur, raccourcir ou délayer les Nouvelles, substituer leurs propres réflexions à celles de Sacchetti; ces copies ne pouvaient être d’aucune utilité. Un manuscrit ancien de la Bibliothèque Laurentienne, à Florence (on le croit du XVe siècle), servit de base aux travaux de Bottari, de Poggiali et de tous ceux qui vinrent après eux; malheureusement, il était mangé des vers, perdu d’humidité, des feuillets avaient été arrachés, le commencement et la fin manquaient. Le commencement fut retrouvé, cousu à une copie plus récente, dans la Bibliothèque Magliabecchi; la fin n’a jamais été découverte, et, même en rejoignant les deux parties, séparées l’une de l’autre, nous ne savons à quelle occasion, on ne réussit pas à combler toutes les lacunes. Dans l’état où elles sont actuellement, après cinq ou six éditions dont la meilleure est celle de M. Ottavio Gigli (Firenze, Le Monnier, 1868, 2 vol. grand in-18), les Trois cents Nouvelles se trouvent réduites à deux cent vingt-trois41.

      Placé entre Boccace, qui le précède d’une vingtaine d’années, et Pogge, qui le suit à un demi-siècle de distance, Sacchetti tient à la fois de l’un et de l’autre; il refait à sa manière certains contes du Décaméron, par exemple le Diable en enfer, comme pour montrer ce que l’on peut tenter, même après un chef-d’œuvre; et par courtoises représailles, Pogge traite à son tour en Latin, avec l’originalité qui lui est propre, un grand nombre de sujets tirés des Trecento Novelle. Mais Pogge a une préférence marquée pour les brèves anecdotes, les reparties spirituelles, surtout pour les contes gras; il vise au trait et va droit au mot de la fin en une page ou deux. Boccace, conteur éloquent et fleuri, Cicéronien d’éducation et de style, affectionne les récits longuement accidentés, les aventures épiques. Peu lui importent le lieu de la scène et le temps de l’action; il choisit dans l’histoire ancienne, aussi bien que parmi les événements contemporains, le fait qu’il juge propre à captiver l’intérêt, il l’idéalise et le transforme en une peinture générale des travers, des vices et des passions: chacune de ses Nouvelles est un poème, une tragédie, une comédie. Sacchetti a de moins hautes visées; tandis que son prestigieux rival rehausse de tout l’éclat de son imagination les aventures déjà empreintes d’un caractère exceptionnel, lui se borne à nous raconter la vie au jour le jour, le fait divers de la semaine, l’aventure bourgeoise qui a défrayé les commérages du quartier. Les personnages de Boccace, même les plus vulgaires, deviennent des types, comme ceux de Molière et de Shakespeare: ils représentent l’humanité; ceux de Sacchetti restent des individus. Mais si l’auteur des Trecento Novelle n’a pas les hautes facultés d’idéalisation de son rival, il possède d’autres qualités à peine inférieures, et, en concentrant sur un seul foyer la peinture des mœurs Italiennes à son époque, toute l’intensité de son observation, il a réussi à nous laisser des tableaux pleins de l’animation de tout ce qui est vrai et sincère; on y sent la vie. L’un de ses mérites, très sensible même aux étrangers (combien doit-il l’être plus aux Italiens!), consiste dans le naturel et la justesse de l’expression, empruntée toute vive à la langue populaire, dans un style fourmillant d’idiotismes Florentins. Il a quelque chose de notre Villon, qui, lui aussi, nous a conservé tant de vieux proverbes et de locutions Parisiennes: l’absence de toute recherche littéraire et, sous cette négligence apparente, la précision du trait, du détail caractéristique, l’art d’esquisser une physionomie, de donner le croquis d’une scène, d’une manière ineffaçable, en deux ou trois coups de crayon; il ne compose pas un récit, il vous met la chose même sous les yeux.

      Mieux que personne, Sacchetti était en position de bien connaître tous ces menus faits de la vie journalière, qu’il a recueillis pour son amusement et pour le nôtre; il remplit dans la dernière moitié de sa vie la charge de Podestat, magistrature qui, outre ses attributions administratives et politiques, conférait un pouvoir presque arbitraire, et dont la juridiction singulièrement étendue allait des cas de simple police aux causes emportant la peine capitale: dans la même séance, le Podestat décidait d’une contestation à propos d’un panier d’œufs et envoyait un mauvais drôle à la potence. Sacchetti ne dut assurément pas être pour les petites villes de Bibbiena et de San-Miniato, où l’envoya successivement la République de Florence, ce qu’est Angelo, tyran de Padoue, dans le sombre drame de Victor Hugo: la griffe du tigre sur la brebis, l’homme devant qui les fenêtres se ferment, les passants s’esquivent, le dedans des maisons tremble; mais s’il n’entendait point, la nuit, des pas dans son mur, il est bien permis de croire que son esprit observateur et curieux pénétrait assez facilement les murs et les secrets des autres. De là, dans ses Nouvelles, tant de renseignements puisés aux meilleures sources sur les principales familles Italiennes et les personnages en vue de son temps; il aimait ses délicates fonctions, tout en se dépitant de ne pas les exercer sur un plus vaste théâtre, il se plaît à les rehausser, à rapporter de beaux procès, jugés soit par lui-même, soit par divers de ses collègues, et, au milieu de ses récits généralement plus plaisants que tragiques, il tient souvent en réserve quelque terrible histoire, propre à effrayer quiconque voudrait se moquer des Podestats, Prévôts, Capitaines-grands et autres gens de justice.

      Par sa naissance autant que par ses aptitudes, Franco Sacchetti était destiné aux charges publiques. La famille des Sacchetti est citée avec celle des Pulci, par Machiavel, comme une des plus anciennes et des plus importantes du parti Guelfe, chassées de Florence lors d’un triomphe éphémère des Gibelins à l’approche de l’Empereur Frédéric II, réduites à se réfugier dans les forteresses du Val-d’Arno et dont l’exil faisait la sécurité des vainqueurs. Elles furent rappelées peu de temps après et depuis lors conservèrent presque toujours le pouvoir. Dante aussi en parle comme d’une des premières familles de Florence:

      Grande fut jadis la colonne du Vair,

      Les Sacchetti, Giuochi, Fifanti, Barucci,

      Galli, et ceux qui rougissent à cause du Boisseau42

      (Les Sacchetti СКАЧАТЬ



<p>40</p>

Nouvelles choisies de Franco Sacchetti, bourgeois de Florence (XIVe siècle), traduites en Français pour la première fois par Alcide Bonneau. Paris, Liseux, 1879, pet. in-18.

<p>41</p>

Ginguené en compte par erreur deux cent cinquante-huit (Histoire littéraire d’Italie, tome III); il a été trompé par le chiffre de la dernière Nouvelle, qui est bien en effet CCLVIII, mais les éditeurs Italiens ont avec raison conservé à chacune d’elles, comme nous l’avons fait nous-même pour notre Choix, le numéro qu’elle porterait dans le recueil complet. En réalité, outre les quarante-deux dernières, dont il ne subsiste pas trace, il en manque trente-cinq dans le corps de l’ouvrage, et une trentaine des deux cent vingt-trois qui restent ne sont que des fragments réduits parfois à quelques lignes.

<p>42</p> Grande fu già la colonna del Vaio,Sacchetti, Giuochi, Fifanti, BarucciE Galli, e quei ch’arrossan per lo Staio…(Paradiso, XVI, 103-105.)