Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I. Bussy Roger de Rabutin
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СКАЧАТЬ se moquoit de lui volontiers. Madame (28 août 1719) dit: «C'étoit un singulier personnage que ce prince. Il étoit bien élevé, il apprécioit fort bien les affaires, il raisonnoit avec justesse; mais, dans tout ce qu'il faisoit, il étoit plus simple qu'un enfant de six ans.»

Et le reste.

Il y avoit une chanson ainsi tournée:

Ventadour et Mecklembourg

Sont toujours tout seuls au cours;

Ce n'est pas que l'amour

Leur tracasse la cervelle,

Mais c'est qu'à la cour

On les fuit comme des ours.

Laissons ce malheureux, qui n'a pas mérité son sort, et qu'après tout il ne faut pas plaindre s'il a tenu absolument à posséder la brillante madame de Châtillon.

De très bonne heure, mademoiselle de Boutteville s'étoit montrée encline à l'amour. D'abord elle s'imagine que Condé l'adore (1644). Condé faisoit semblant de l'aimer par ordre de mademoiselle du Vigean, qu'il aimoit en réalité (Motteville, t. 2, p. 130). Elle n'a que dix-neuf ans quand Coligny l'enlève. Ce fut une scène de mélodrame: un suisse de madame de Valençay, sa sœur, y périt vertueusement. La mère poussoit des cris de Rachel désespérée. Un amant évincé, Brion, faisoit chorus. Voiture n'y vit pas de mal (Œuv., t. 2, p. 174), et dit du ravisseur, dans un rondeau que nous approuvons:

Il a bien fait, s'il faut que l'on m'en croye.

On parloit beaucoup alors de la beauté de mademoiselle de Guerchy. Madame de Châtillon apprit avec une grande joie que le jeune prince de Galles la jugeoit plus belle que sa rivale (Montp., t. 2, p. 1, 1647); mais M. de Châtillon devoit, au jour de sa mort, avoir la jarretière de cette rivale nouée autour de son bras.

Je sais bien que les Mémoires de M. de *** ne peuvent pas être considérés comme des mémoires d'une grande valeur et qu'ils ressemblent à une compilation; je les appellerai toutefois en témoignage. Ce qu'ils disent nous fait faire un grand pas dans notre histoire, et, aux louanges méritées en 1648 par la beauté de la duchesse, ils ajoutent déjà quelque chose des critiques sévères que sa conduite postérieure va attirer sur elle.

«Élisabeth de Montmorency étoit de belle taille; son air et son port étoient nobles et pleins d'agréments; ses traits étoient réguliers, et son teint avoit tout l'éclat que peut avoir une brune; mais sa gorge et ses mains ne répondoient pas à la beauté de son visage. Son esprit vif et plein de feu rendoit sa conversation agréable, et elle avoit des manières douces et flatteuses dont il étoit impossible de se défendre. Elle avoit de la vanité et aimoit la dépense; mais, comme elle n'avoit pas assez de bien pour la soutenir, elle obligeoit ceux qui s'attachoient auprès d'elle à fournir à ses profusions. Bien qu'elle eût beaucoup de discernement, après avoir vu à ses pieds un prince aussi grand par ses belles qualités que par sa naissance, elle s'abaissoit souvent à des complaisances indignes d'elle pour des personnes qui lui étoient inférieures en toutes choses, mais qui pouvoient être utiles à ses desseins.» (Mém. de M. de ***, Collect. Michaud, p. 469.)

Mais il faut d'abord que la dame soit veuve; mariée elle est contrainte; Châtillon expire donc dans l'une des premières journées sérieuses de la Fronde.

«Ce jeune seigneur fut regretté publiquement de toute la cour à cause de son mérite et de sa qualité, et tous les honnêtes gens eurent pitié de sa destinée. Sa femme, la belle duchesse de Châtillon, qu'il avoit épousée par une violente passion, fit toutes les façons que les dames qui s'aiment trop pour aimer beaucoup les autres ont accoutumé de faire en de telles occasions; et comme il lui étoit déjà infidèle et qu'elle croyoit que son extrême beauté devoit réparer le dégoût d'une jouissance légitime, on douta que sa douleur fût aussi grande que sa perte.» (Mott., t. 3, p. 183.)

Voilà la veuve en campagne. Un prêtre que nous reverrons, Cambiac, M. de Nemours, Condé et d'autres de ci et de là, lui enlèvent son cœur, qu'elle expose fort aux surprises, peu par amour sincère, si ce n'est pour Nemours, beaucoup par intérêt. Cambiac lui servit à conquérir un pouvoir absolu sur la princesse douairière, qu'il dirigeoit, et qui lui légua des rentes considérables (Lenet, p. 219). On verra ce que signifia l'intrigue qu'elle eut avec Condé. En 1652, au moment de la bataille Saint-Antoine, elle ne lui plaît pas encore beaucoup, car il lui fait une rude grimace chez Mademoiselle (Montp., t. 2, p. 269). Le canon avoit tonné tout le jour. À dîner, «elle faisoit des mines les plus ridicules du monde, et dont l'on se seroit bien moqué si l'on eût été en humeur de cela». Un peu plus tard, la même année (Montp., t. 2, p. 326), elle «mouroit d'envie de donner dans la vue à M. de Lorraine. Elle vint un soir chez moi, dit Mademoiselle, parée, ajustée, la gorge découverte», etc. «Dès qu'elle fut partie, M. de Lorraine nous dit: Voilà la plus sotte femme du monde; elle me déplaît au dernier point.» – La veille ou l'avant-veille, elle avoit fait venir un joaillier, lui présent, et avoit en vain essayé de se faire offrir quelque bijou.

En même temps elle aime Nemours, et la guerre n'y fait rien. Mademoiselle est toujours bonne à interroger (t. 2, p. 214); elle nous dira comment les amoureux couroient alors les grands chemins au travers des mousquetades. Belle époque! et qu'un écrivain a récemment eu raison (M. Feillet, dans la Revue de Paris) de traiter mal. Les seigneurs mettent tout en révolution; ils jouent à la bataille, ils écrivent des billets doux pendant que les campagnes succombent sous une effroyable misère.

«Madame de Nemours partit aussitôt pour le venir trouver. Madame de Châtillon vint avec elle jusqu'à Montargis; elle disoit qu'elle alloit pour conserver sa maison de Châtillon. Mais comme elle fut arrivée à Montargis, elle jugea que de là elle conserveroit bien ses terres, et qu'il y avoit plus de sûreté pour elle à se mettre dans les filles de Sainte-Marie, d'où elle ne sortoit que deux ou trois fois pour aller voir M. de Nemours, quoique des officiers qui vinrent à Orléans en ce temps-là me dirent qu'elle alloit tous les jours voir M. de Nemours toute seule avec une écharpe; qu'elle croyoit être bien cachée, mais qu'il n'y avoit pas un soldat dans l'armée qui ne la connût.»

Peut-être sera-t-il à propos de placer ici une relation qu'on est tout étonné, tant elle entre dans le détail des choses, de trouver dans les Mémoires de M. de *** (p. 533. – 1652): «M. le Prince étoit plus amoureux que jamais de la duchesse de Châtillon, et sa jalousie pour le duc de Nemours avoit augmenté depuis qu'il n'avoit plus été le médiateur de l'accommodement du parti avec la cour. Le prince de Condé avoit prié cette duchesse de ne plus voir son rival, et, comme elle crut que la guerre, si elle duroit, éloigneroit bientôt ce prince, elle lui promit tout ce qu'il voulut, ce qui ne l'empêcha pas néanmoins de chercher les moyens de voir le duc de Nemours sans que Son Altesse en eût connoissance. Madame de Châtillon, ayant su que le prince de Condé étoit retenu au lit par quelque incommodité, en avertit le duc de Nemours et lui manda de la venir voir à dix heures du soir. Cet amant ne manqua pas à l'assignation, et, pour ne point faire d'affaire à la duchesse, il laissa son carrosse dans une rue détournée, d'où il prit à pied le chemin de la maison, le nez enveloppé dans un manteau.

«L'obscurité et le soin qu'il prenoit de se cacher lui firent manquer la porte. Il entra dans une autre, qu'il trouva ouverte, et une fille le conduisit sans lumière à une chambre où, après lui avoir dit que sa maîtresse l'attendoit au lit, elle le laissa seul, tirant sur elle la porte, qu'elle ferma à clef. Le duc de Nemours s'aperçut bientôt de la méprise, parcequ'il ne s'attendoit pas à un traitement si favorable. Il voyoit bien qu'il n'étoit pas loin de la maison de la duchesse, et il savoit que dans celle qui touchoit à la sienne il logeoit une fort jolie femme, qu'il avoit vue plusieurs fois chez madame de Châtillon; il avoit même appris que le mari de cette femme étoit sorti de la maison pour aller poser une sauvegarde que M. le Prince lui avoit donnée, à la prière de la duchesse, pour une assez belle maison qu'il avoit en Brie. Il résolut de profiter de l'occasion que la fortune lui offroit, et se coucha auprès de cette dame. Elle lui fit la guerre sur sa paresse, et il s'en excusa en termes généraux, pour ne rien dire qui pût découvrir la méprise. Il comprit par la suite que c'étoit pour moi qu'elle le prit et que le voisinage avoit fait notre connoissance. J'avois l'honneur d'être connu de lui, et il savoit que mon père avoit un beau château à un quart de lieue de La Queue, en Brie. Ainsi il lui fut plus aisé de répondre juste à ses questions. J'y vins un quart d'heure après, et, trouvant la porte fermée, je crus que le mari étoit revenu, et je m'en retournai sans hésiter. Le duc passa la nuit avec la dame, qui ne s'aperçut de son erreur que par le retour de la lune. Elle alloit s'exhaler en reproches contre celui qui venoit de la tromper d'une manière si peu civile; mais, ayant reconnu le duc de Nemours, elle se contenta de le prier de lui garder le secret.

«M. le Prince, qui vouloit être éclairci si la duchesse de Châtillon lui tenoit exactement parole, avoit mis des espions en campagne pour investir la maison. СКАЧАТЬ