Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I. Bussy Roger de Rabutin
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СКАЧАТЬ a fait la vie de Lauzun. Elle ne seroit pas faite que les mémoires suffisent bien. Quel homme incompréhensible que ce favori, qui a une jeunesse si triomphante, une virilité si pavanée encore, et, dans la personne de son neveu, Riom, une vieillesse si vertement gaillarde!

Parmi les pièces historiques qui datent de la Fronde, la Bibliothèque nationale en possède une (Catal., t. 2, n. 3142) qui a pour titre: La défaite des troupes des sieurs de l'Isle-Bonne et du Plessis-Belière et Sauvebœuf par le comte de Lauzun, en Guienne (30 septembre), etc., 1652, in-4. Lauzun avoit juste vingt ans. Si c'est de lui qu'il s'agit, il commençoit bien. En 1660, aux fêtes de la Bidassoa, Antoine Nompar de Caumont est capitaine d'une compagnie des gardes à bec de corbin, charge de la famille (Montp., t. 3, p. 515); en 1668 il est nommé colonel-général des dragons (Daniel, t. 2, p. 505); en 1662 il avoit déjà tâté de la prison. «Il y eut de grandes intrigues, dit Mademoiselle (t. 4, p. 35) entre beaucoup de femmes de la cour, dans lesquelles M. de Péguilin fut mêlé et envoyé à la Bastille pendant sept ou huit mois, avec un ordre exprès du roi de ne lui laisser voir personne. Bien des gens sentirent sa prison avec douleur, et, quoique je ne le connusse pas dans ce temps-là aussi particulièrement que j'ai fait depuis, je ne laissai pas de le plaindre sur la réputation générale et particulière qu'il avoit d'être un des plus honnêtes hommes de la cour, celui qui avoit le plus d'esprit et le plus de fidélité pour ses amis, le mieux fait, qui avoit l'air le plus noble. L'histoire véritable ou médisante disoit qu'il faisoit du fracas parmi les femmes; qu'il leur donnoit souvent des sujets de se plaindre pour n'avoir pas la force d'être cruel à celles qui lui vouloient du bien. Ainsi elles se faisoient des affaires et lui attirèrent ce châtiment, qui ne lui étoit rude que par rapport à la peine qu'il souffroit d'avoir déplu au roi, pour lequel il avoit une amitié passionnée.»

Le style de ce morceau est vif, on y sent l'instinct de l'amoureuse, on y voit l'hyperbole dans ce mot: «le mieux fait».

Un fait certain, c'est que Lauzun étoit, suivant l'expression vulgaire, la coqueluche des dames de la cour. La plupart le vouloient pour amant. Cela tenoit à une certaine suffisance très apparente qui ne déplaît jamais lorsqu'elle n'est point fade, et à des qualités secrètes qui plaisent encore plus. Tout se sait, grâce à la médisance; on sut ce que Lauzun valoit, on le courtisa: il fut forcé d'être brusque, inconstant, et, avec cette brusquerie et cette inconstance, il ne contenta pas toutes les coquettes.

Madame de Monaco, sa cousine, l'aima véritablement, ce qui ne l'empêcha pas de se donner au roi et au marquis de Villeroi ensuite. Lauzun ne recula pas, il se mit résolument en face de son maître; une nuit il lui joua le tour (Choisy, Coll. Michaud, p. 631) de le laisser se morfondre sans succès dans un corridor. Quand il fut vaincu, il eut de la colère, il s'emporta. La Bastille se rouvrit. Nous ne citerons plus qu'un seul nom de femme, celui de madame Molière. Lauzun est l'un de ceux qui ont déchiré le cœur de notre grand poète.

Mais voici le portrait de ce preneur de villes: «C'étoit un petit homme blond, bien fait dans sa taille, de physionomie haute et d'esprit, mais sans agrément dans le visage; plein d'ambition, de caprice et de fantaisie; envieux de tout, jamais content de rien, voulant toujours passer le but; sans lettres, sans aucun ornement dans l'esprit; naturellement chagrin, solitaire, sauvage; fort noble dans toutes ses façons, méchant par nature, encore plus par jalousie; toutefois bon ami quand il vouloit l'être, ce qui étoit rare; volontiers ennemi, même des indifférents; habile à saisir les défauts, à trouver et à donner des ridicules; moqueur impitoyable, extrêmement et dangereusement brave, heureux courtisan; selon l'occurrence, fier jusqu'à l'insolence et bas jusqu'au valetage; et, pour le résumer en trois mots, le plus hardi, le plus adroit et le plus malin des hommes.»

À cette touche, qui n'a pas reconnu Saint-Simon, ce merveilleux Saint-Simon (t. 10 de l'édit. Sautelet, p. 88) que les libraires d'aujourd'hui popularisent? Saint-Simon dit simplement «un petit homme.» Bussy écrit (à Sévigné, 2 fév. 1689): «C'est un des plus petits hommes pour l'esprit aussi bien que pour le corps». En admettant que Bussy soit sévère pour l'esprit, il ne doit rien inventer pour le corps. C'étoit donc un fort petit homme, ce qui prouve une fois de plus que les petits hommes, à qui on a déjà concédé la supériorité intellectuelle, peuvent réclamer aussi le rôle le plus actif dans la vie amoureuse et compter sur les succès les plus réels.

Ne voulant pas raconter la vie de Lauzun, je me bornerai à un extrait des Mémoires de Mademoiselle (t. 4, p. 454), qui, en 1682, respire le désenchantement et la vérité: «Il me paroissoit fort intéressé, ce que je ne croyois pas, ni personne de ceux qui le connoissoient avant sa prison; il paroissoit tout jeter par les fenêtres, et en bien des occasions il en usoit ainsi. Ses manières, cachées et extraordinaires, faisoient qu'il ne se montroit que dans ses beaux jours et que l'on ne connoissoit que ses beaux moments. Il connoissoit son humeur et sçavoit la cacher.»

Lauzun avoit un frère, le chevalier de Lauzun, qui, après une vie obscure, mourut en 1704 (Saint-Simon, t. 6, p. 147). On retrouvoit en lui tous les vices de son aîné, sans aucune de ses qualités: Lauzun le nourrit dans ses ténèbres.

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Le maréchal de Grammont étoit fils d'Antoine II de Grammont, comte de Guiche et de Louvigny, prince souverain de Bidache, duc à brevet le 13 décembre, et mort en août 1644. Cet Antoine II étoit un bâtard de Henri IV. Il refusa honorablement d'être reconnu en qualité de fils naturel du roi; mais il n'en est pas moins vrai que les Grammont sont des Bourbons: de là leur attachement au roi et les égards du roi pour eux.

Antoine II eut deux femmes. De la première, accusée d'adultère, est descendu le maréchal; de la seconde (Claude de Montmorency-Boutteville, épousée en 1618) est né Philibert, comte de Grammont, qui se trouvoit parent, par sa mère, de madame de Châtillon et de celui qui devoit être Luxembourg.

Le maréchal de Grammont étoit frère de Suzanne-Charlotte de Grammont, mariée à Henry Mitte de Miolans, marquis de Saint-Chaumont (Voy. les Lettres inédites des Feuquières, t. 2, notice). De son nom il étoit Antoine III, duc de Grammont, pair et maréchal de France, souverain de Bidache, comte de Guiche et de Louvigny, vice-roi de Navarre et de Béarn, maire héréditaire de Bayonne. Il étoit né en 1604 à Hagetman en Gascogne; il mourut à Bayonne en 1678. Il eut quatre enfants: le comte de Guiche, le comte de Louvigny (Antoine-Charles), plus tard duc de Grammont, marié en 1688 à Marie-Charlotte de Castelnau, mort en 1720, après avoir laissé des mémoires sous le nom de son père; madame de Monaco, née en 1639, mariée en 1660, morte le 5 juin 1678, et la marquise de Ravelot, veuve en 1682, puis religieuse.

Les Mémoires de Grammont ne mentent pas quand ils l'appellent (Coll. Michaud, p. 329) «le courtisan le plus délié et le plus distingué qu'il y eût à la cour», ni même lorsqu'ils lui donnent (p. 326) «un esprit jeune et de tous les temps». En 1625, Antoine III, alors comte de Guiche, fréquente à l'hôtel de Rambouillet. Il n'y brille pas parmi les versificateurs; on lui fait des farces: on le gave de champignons (Tallemant des R., t. 2, p. 492), on le couche, on lui découd, on lui rétrécit ses habits. Mais il va à la guerre: de 1629 à 1630, il se distingue à Mantoue. Toutefois, on ne le considéra jamais ni comme un Gassion, ni comme un Condé. Après la bataille d'Honnecourt, il y eut tant de couplets militaires décochés sur lui avec le refrain:

Lampon, Lampon,

Camarades, Lampon,

qu'on l'appela le maréchal Lampon.

On avoit inventé les «éperons à la Guiche»; on disoit:

Le maréchal de Guiche,

Qui fuit comme une biche.

On a même dit qu'il se fit battre exprès à Lomincourt (1642) pour plaire à Richelieu, qui vouloit la guerre longue. C'étoit faire bon marché de la gloire des armes, et, sauf le sang versé, l'estimer à son prix.

Richelieu l'avoit fait maréchal de bonne heure, parcequ'il avoit épousé sa parente, mademoiselle Françoise-Marguerite du Plessis-Chivray, après avoir failli épouser mademoiselle de Rambouillet en personne. Souple devant son parent le cardinal, et, par habitude, devant les ministres qui lui succédèrent, le maréchal étoit arrogant devant les simples mortels. Tallemant (t. 3, p. 180) parle de son avarice et l'accuse de sodomie, ni plus ni moins qu'un Condé.

À propos de Condé, pendant la Fronde, le maréchal de Grammont ne voulut pas être contre lui. On approuva généralement sa conduite.

En 1644, il eut la charge de mestre de camp des gardes (Mott., t. 2, p. 80). Il étoit fort assidu auprès de la régente. À la fin de 1648, il est fait duc (Mott., t. 3, p. 117); en 1649, il bloque Paris du côté de Saint-Cloud (Mott., t. 3, p. 160). Il fut l'un des plus constants et des meilleurs amis de Mazarin; on le voit à côté de lui, à l'heure de la mort (Aubery, Hist. du card. Mazarin, liv. 8, t. 3, p. 357, de СКАЧАТЬ