Les rues de Paris, Tome Premier. Bouniol Bathild
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Название: Les rues de Paris, Tome Premier

Автор: Bouniol Bathild

Издательство: Public Domain

Жанр: Биографии и Мемуары

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СКАЧАТЬ ou des fonctionnaires prirent la fuite. «On n'oublia rien, dit l'abbé Jauffret, pour persuader à l'Évêque que l'intérêt de la religion et celui de son peuple exigeaient qu'il mît ses jours à couvert.

      «À Dieu ne plaise! répondit-il, que j'abandonne un peuple dont je suis obligé d'être le père. Je lui dois et mes soins et ma vie, puisque je suis son pasteur.»

      Aussitôt il assemble les curés et les supérieurs des communautés, qui s'étaient dévoués comme lui au service des pestiférés; il leur donne ses instructions en applaudissant à leur zèle, et lui-même, le premier, intrépide, infatigable, il saura donner l'exemple du dévouement, d'un dévouement qui n'aura pas un instant non pas de défaillance mais seulement d'hésitation pendant les longs mois que dura la contagion. Pour savoir ce que fut celle-ci il faut lire ce qu'en dit le courageux pontife dans son mandement du 22 octobre 1720, dont nous détachons seulement ce passage si terriblement éloquent:

      «… Sans entrer dans le secret de tant de maisons désolées par la peste et la faim, où l'on ne voyait que des morts et des mourants, où l'on n'entendait que des gémissements et des cris, où des cadavres, que l'on n'avait pu faire enlever, pourrissant depuis plusieurs jours auprès de ceux qui n'étaient pas encore morts et, souvent dans le même lit, étaient pour ces malheureux un supplice plus dur que la mort même! Sans parler de toutes les horreurs qui n'ont pas été publiques, de quels spectacles affreux, vous et nous, pendant près de quatre mois, n'avons-nous pas été et ne sommes-nous pas encore les tristes témoins? Nous avons vu, pourrons-nous jamais nous en souvenir sans frémir et les siècles futurs pourront-ils y ajouter foi? nous avons vu tout à la fois toutes les rues de cette ville bordées des deux côtés de morts à demi pourris, si remplies de hardes et de meubles pestiférés jetés par les fenêtres que nous ne savions où poser les pieds! toutes les places publiques, toutes les portes des églises traversées de cadavres entassés, et en plus d'un endroit mangés par les chiens sans qu'il fût possible, pendant un nombre considérable de jours, de leur procurer la sépulture!.. Nous avons vu, dans le même temps, une infinité de malades devenus un objet d'horreur et d'effroi pour les personnes mêmes à qui la nature devait inspirer pour eux les sentiments les plus tendres et les plus respectueux, abandonnés de ce qu'ils avaient de plus proche, jetés inhumainement hors de leurs propres maisons, placés sans aucun secours dans les rues parmi les morts dont la vue et la puanteur étaient intolérables… Nous avons vu les corps de quelques riches du siècle enveloppés d'un simple drap et confondus avec ceux des plus pauvres et des plus misérables en apparence, jetés comme eux dans de vils et infâmes tombereaux et traînés avec eux sans distinction à une sépulture profane, hors de l'enceinte de nos murs; Dieu l'ordonnant ainsi pour faire connaître aux hommes la vanité et le néant des richesses de la terre et des honneurs après lesquels ils courent avec empressement… Cette ville enfin, dans les rues de laquelle il y a peu de temps on avait de la peine à passer par l'affluence ordinaire du peuple qu'elle contenait, est aujourd'hui livrée à la solitude, au silence, à l'indigence, à la désolation, à la mort.»

      Mais quelle est la cause première du fléau et de tous les malheurs qu'il entraîne à sa suite? L'homme apostolique, malgré sa compassion pour ceux qui souffrent, ne peut se la dissimuler, et la tendresse paternelle ne saurait étouffer sur ses lèvres le cri de la vérité. Écoutons: «N'en doutons pas, mes très-chers frères, c'est par le débordement de nos crimes que nous avons mérité cette effusion des vases de la colère et de la fureur de Dieu. L'impiété, l'irréligion, la mauvaise foi, l'usure, l'impureté, le luxe monstrueux se multipliaient parmi vous: la sainte loi du Seigneur n'y était presque plus connue; la sainteté des dimanches et des fêtes profanée; les saintes abstinences ordonnées par l'Eglise et les jeûnes également indispensables violés avec une licence scandaleuse, les temples augustes du Dieu vivant devenus pour plusieurs des lieux de rendez-vous, de conversation, d'amusements; des mystères d'iniquité étaient traités jusqu'au pied de l'autel, et souvent dans le temps du divin sacrifice; le Saint des saints était personnellement outragé dans le très-saint Sacrement par mille irrévérences et par une infinité de communions indignes et sacriléges!.. si donc nous éprouvons combien il est terrible de tomber entre les mains d'un Dieu en courroux, si nous avons le malheur de servir d'exemple à nos voisins et à toutes les nations, n'en cherchons point la cause hors de nous.»

      Ce langage paraîtra peut-être sévère à quelques-uns aujourd'hui, mais il ne semblait que juste à ceux qui l'entendaient. Ils savaient d'ailleurs ce qu'il en coûtait pour parler ainsi à leur saint évêque qu'ils avaient vu, qu'ils voyaient sans cesse donner l'exemple de l'absolu dévouement, comme il avait fait naguère de toutes les vertus. Son zèle, disent à l'envi les historiens, son zèle le multiplie en quelque sorte; on le voit parcourir les rues à travers des monceaux de cadavres infectés; il entre dans les maisons dont la puanteur est extrême; il y réconcilie les pécheurs couchés avec des morts sur le même lit, les console, les encourage et sacrifie tout à la douceur inexprimable de les voir mourir chrétiens. Les secours spirituels qu'il prodiguait aux malades étaient d'autant plus précieux qu'ils ne tardèrent pas à devenir rares par la mort d'un grand nombre de prêtres qui, dans l'exercice de leurs périlleuses fonctions, avaient trouvé sous ses yeux le martyre et la couronne de la charité… En même temps, il répand entre les mains des pauvres, tourmentés par la famine, tout ce qu'il a d'argent. Il se prive du nécessaire pour fournir à leurs besoins.

      Il se montre partout où le danger l'appelle;

      Partout où le fléau semble le plus affreux,

      Il vole, et ses secours sont au plus malheureux,

      a dit admirablement le poète24. Afin qu'aucun ne fût oublié, il réunit tous les indigents qui se présentent dans une vaste enceinte où, pendant plusieurs mois, chaque jour, il leur rend visite pour leur distribuer ou leur faire distribuer les secours dont ils ont besoin.

      Le fléau cependant continuant ses ravages, le pieux prélat, convaincu que de Dieu seul on pouvait obtenir la cessation d'une telle calamité, résolut de consacrer, par un vœu solennel sa personne et son diocèse au Sacré-Cœur de Jésus. Ce fut dans ce but qu'il publia le Mandement dont nous avons donné plus haut un extrait, et il fixa au 1er novembre, jour de la Toussaint, la célébration de cette fête qui se fit avec les cérémonies les plus augustes. Dès le matin, le son des cloches, silencieuses depuis quatre mois, vint réjouir les Marseillais dont les cœurs se réveillèrent à la foi comme à l'espérance.

      Toutes les églises se trouvant fermées depuis longtemps, le prélat fit dresser un autel au bout du Cours. Il s'y rendit processionnellement à la tête de son clergé, marchant la tête et les pieds nus, la corde au cou et la croix entre les bras. Après avoir prononcé l'amende honorable, suivie d'une exhortation des plus pathétiques, souvent interrompue par les larmes et les sanglots des assistants, il prononça à voix haute, la formule de la consécration du diocèse au Sacré-Cœur, puis enfin célébra solennellement le Saint-Sacrifice. Le peuple, agenouillé sur la place et dans les rues voisines, s'unissait du fond du cœur à son évêque, et le rayonnement des visages au milieu du deuil témoignait de la confiance de tous dans ces invocations suprêmes. Cette espérance ne fut point trompée; à dater de ce jour, la contagion commença visiblement à décroître et Marseille sembla renaître. On avait craint que la réunion de tant de personnes sur un même point n'amenât une recrudescence du fléau, il n'en fut rien; la maladie avait perdu toute sa force et si quelque étincelle de la contagion parut se montrer encore, elle s'éteignit aussitôt.

      Pour récompenser le zèle du prélat, le Roi, dans l'année de 1746, le nomma à l'archevêché de Laon, la seconde pairie de France; mais Belsunce ne put se résigner à se séparer de ses ouailles qui lui étaient devenues plus chères que jamais et que désolait la nouvelle de son départ. Quelques années après, il refusa pareillement l'archevêché de Bordeaux, en déclarant qu'il voulait mourir au milieu de son troupeau, comme il fit en effet plus tard. Car, pendant une longue suite d'années, il continua d'édifier les pieux fidèles par l'exemple de ses vertus comme aussi de les éclairer, СКАЧАТЬ



<p>24</p>

Millevoye. La Peste de Marseille (poème).