Le roi du Klondike. Auzias-Turenne Raymond
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le roi du Klondike - Auzias-Turenne Raymond страница 2

Название: Le roi du Klondike

Автор: Auzias-Turenne Raymond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ possible!..

      – Et comme elle n'a pas d'égale au monde, elle est nommée première télégraphiste de la Bourse, à New-York. Tant pis pour vous! Au revoir!

      Frank Smith vit le soleil se lever sur un visage de femme, et, dans le silence, il crut entendre quelques mots entrecoupés. C'était, sans doute, la nouvelle employée qui le remerciait. Mais une autre voix, fort désagréable, celle de presque un demi-siècle d'expérience, lui disait à l'oreille:

      «Vous avez parlé trop vite, mon ami. Sottise! Vous avez fait une sottise. Elle est trop jolie pour la Bourse, et pour vous qui êtes marié.»

      Brutalement, alors, pour mieux secouer l'espèce de fascination qui pesait sur lui, il répéta à voix haute ce qu'il pensait tout bas et ajouta:

      – N'importe, c'est dit, et chacun sait que ma parole vaut un chèque… Vous connaissez le métier à fond. Si vous pouviez vous défigurer ou devenir bossue, vous seriez parfaite. Telle que vous voilà, nous vous essaierons quand même à la corbeille. Mais, il vous faut d'abord jurer le secret le plus absolu sur tous les télégrammes, toutes les conversations que vous expédierez, que vous entendrez, que vous devinerez… Vous allez porter au bout de ces petits doigts bien des fortunes, et encore plus de ruines. Le seul moyen d'éviter les pièges que chacun vous tendra, ce sera d'être une machine, rien autre, entendez-vous? et qui saura tout et qui ne dira rien. Rien. À quel culte appartenez-vous?

      – Je suis catholique romaine, née à New-York de parents français.

      – Eh bien, miss d'Auray, vous allez jurer devant moi, sur le Christ qui ferme cette Bible, une discrétion pleine, entière, absolue. Levez la main; baisez la croix… que Dieu vous soit en aide!

       II

      TOM TILDENN

      Cinq heures du matin. Là-bas, sans doute, les champs et les bois de la Nouvelle-Angleterre se réveillent au souffle de la brise; des prairies, des taillis, s'exhale une essence de vie nouvelle, et ces sourdines d'orgues lointaines qui chantent parmi les hautes herbes, c'est l'hymne des abeilles jusqu'à l'heure où frémissantes, comme enivrées, elles s'en vont, par les chemins de l'air, glissant vers la ruche qui embaume.

      Et c'est une autre ruche aussi qui se réveille dans les faubourgs de New-York: après la nuit sinistre, étouffée par toutes les vapeurs qui sortent des pavés défoncés, des boues honteuses, des immondices amassées aux portes, les cloches des manufactures appellent tristement les travailleurs: «À la besogne! à la besogne!» Un moment, le sommeil, cette demi-mort presque aussi miséricordieuse que l'autre, leur a donné le repos et l'oubli; déjà aux cris du bronze, parmi les sifflements de la vapeur, ils s'en retournent vers leur tâche, les hommes aux corps jamais dispos, les femmes à l'âme plus lasse encore, les enfants que Moloch réclame et broie et dévore plus avidement qu'aux jours de Carthage. Sur eux, les portes lourdes se referment; et la cité de luxe, un peu plus loin, ressuscite à son tour…

      Son bonnet de fourrure gaillardement incliné sur l'oreille, son bâton court sous le bras gauche, le policeman Patrick O'Hara, hume le brouillard du Central Park; lui du moins il est heureux de vivre. Cette belle matinée, qui lui rappelle Erin la Verte, a débuté par une dîme prélevée sur le bar de la 109e rue; maintenant, c'est une faction de quatre heures, ou plutôt une flânerie à travers l'air qui sent frais, car le parc est encore désert, et un honnête Irlandais peut gagner l'heure du lunch sans se surmener. Pourtant… oui, c'est bien une voiture… on ne la distingue pas encore, mais on l'entend, et, par saint Patrick, elle va beaucoup trop vite!

      – Holà! arrêtez! arrêtez donc, l'homme!.. Je vais vous…

      Phuitt! où sont-ils, les deux trotteurs, qui ont déchiré la brume, paru et disparu comme si le diable les menait? Pat, son assommoir en main, ouvre la bouche et l'oreille; mais il n'entend plus rien. Alors, il exécute une sorte de gigue où il dépense un peu de sa rage; ce n'est, du reste, que partie remise! Il a reconnu l'audacieux qui foulait ainsi la loi aux sabots de ses chevaux. C'est Titi! autrement dit, Tom Tildenn, le jeune spéculateur dont New-York parle depuis trois semaines, parce que, mieux que les autres, il a trouvé le secret de faire passer, sans être pincé, l'argent d'autrui dans ses poches. Gueux de capitalistes!

      Or, tandis que le fils de Dublin exhale ses ressentiments ataviques, Tom s'est arrêté un peu plus loin, et c'est pourquoi on ne l'entend plus. Sur le trottoir d'asphalte, il a cru reconnaître une femme, une taille, un visage qu'il devinerait entre cent mille, rien qu'à écouter battre son cœur. C'est bien elle! Il soulève son chapeau, se penche en avant, et, avec son audace de yankee, risque la première carte, qui pourrait être la dernière.

      – Mademoiselle d'Auray! Comme vous êtes matinale! Voulez-vous me permettre de vous enlever? C'est délicieux de fendre le brouillard, ce matin: on dirait un pays de rêve!

      – Tom Tildenn, un rêveur! Ah! ah! par exemple!..

      Elle sourit et elle hésite; lui, qui a peur d'un «non», reprend vite:

      – Je ne dirai rien, pas un mot, et vous mènerez. Ne m'avez-vous pas déclaré, un jour, que vous possédiez le maniement des chevaux comme celui du télégraphe, que vous aviez le même doigté?..

      – Tentateur! Oui, c'est moi qui menais mon grand-père, jadis, avant le déluge… Y a-t-il longtemps de cela!.. Je vais essayer tout de même.

      – À vos ordres, mademoiselle. Vous me ferez un plaisir…

      – Chut! Oubliez-vous déjà votre promesse: «Je ne dirai rien». Comment s'appellent-ils, vos chevaux?

      – Orloff et Rita.

      – Hop! allons. Orloff! plus vite, Rita!.. Là, ensemble, hop, hop! Ça y est. Soutenu à présent… Hurry, hurry, hurry!

      D'abord surpris par la voix nouvelle, les deux trotteurs donnent un coup de mâchoire sur le mors, reconnaissent une main souple, un bras ferme, puis se jettent en avant de tous leurs nerfs surexcités: huit sabots martèlent le sol en une merveilleuse cadence, rythme vertigineux de pur sang à longue lignée d'ancêtres. Leurs narines dilatées boivent l'air qui frémit sur les rouges membranes, leurs crinières s'envolent, plus fauves que la chevelure d'Aélis, et, quand ils repassent devant Pat, si l'on disait au brave homme qu'ils vont quitter terre pour s'élancer à travers l'espace, eh bien! il le croirait, car, cette fois, ce doit être sainte Brigitte qui les mène, parole!..

      Elle est finie, la course fantastique, – une course au paradis, oui, vraiment: pour Tom, parce qu'il était près d'elle; pour Aélis, parce qu'une enfance heureuse, évoquée devant ses yeux, lui faisait oublier pendant quelques minutes la ruine, la misère, les siècles d'angoisse… Ah! pour lutter contre tous, et même, aux plus mauvaises heures, contre elle-même, elle se sentait si seule dans ce grand New-York!.. Cependant, au lieu de rêver, il fallait obéir, elle aussi, aux cloches de tout à l'heure; et par une si belle journée, la malédiction jetée sur Adam se faisait plus lourde qu'à l'ordinaire.

      Aélis soupire, repasse les rênes à son compagnon; puis, un peu confuse, le remercie. Ce que voyant, il s'enhardit:

      – Où faut-il vous reconduire? Pas encore à la Bourse!

      – Si, j'ai à vérifier les derniers perfectionnements apportés aux appareils de Baudot, à six claviers. Je déjeunerai sur le pouce.

      – Venez plutôt avec moi chez Delmonico. La jeune fille le regarde: aussitôt il s'excuse.

      – Je vous demande pardon: je suis un sot. C'est СКАЧАТЬ