Voyage autour du monde par la frégate du roi La Boudeuse et la flûte L'Étoile, en 1766, 1767, 1768 & 1769.. Louis-Antoine de Bougainville
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СКАЧАТЬ la patience invincible des officiers et équipages de mes deux vaisseaux. Il n’a pas été nécessaire de les animer par un traitement extraordinaire, tel que celui que les Anglais ont cru devoir faire aux équipages de M. Byron. Leur constance a été à l’épreuve des positions les plus critiques, et leur bonne volonté ne s’est pas un instant ralentie. C’est que la nation française est capable de vaincre les plus grandes difficultés, et que rien n’est impossible à ses efforts, toutes les fois qu’elle voudra se croire elle-même l’égale au moins de telle nation que ce soit au monde.

      CHAPITRE II

      Dans le mois de février 1764, la France avait commencé un établissement aux îles Malouines. L’Espagne revendiqua ces îles, comme étant une dépendance du continent de l’Amérique méridionale; et son droit ayant été reconnu par le roi, je reçus l’ordre d’aller remettre nos établissements aux Espagnols, et de me rendre ensuite aux Indes orientales, en traversant la mer du Sud entre les tropiques. On me donna pour cette expédition le commandement de la frégate La Boudeuse, de vingt-six canons de douze, et, je devais être joint aux îles Malouines par la flûte L’Étoile, destinée à m’apporter les vivres nécessaires à notre longue navigation et à me suivre pendant le reste de la campagne.

      Le retard, que diverses circonstances ont mis à la jonction de cette flûte avec moi, a allongé ma campagne de près de huit mois.

      Dans les premiers jours du mois de novembre 1766, je me rendis à Nantes où La Boudeuse venait d’être construite, et où M. Duclos-Guyot, capitaine de brûlot, mon second, en faisait l’armement. Je la trouvai arquée de sept pouces; ce qui provenait de ce qu’il s’est formé un banc à l’endroit où elle a été lancée à l’eau. Le 5 de ce mois, nous descendîmes de Paimbeuf à Mindin pour achever de l’armer; et le 15, nous fîmes voile de cette rade pour nous rendre à la rivière de la Plata. Je devais y trouver les deux frégates espagnoles la Esmeralda et la Liebre sorties du Ferrol le 17 octobre, et dont le commandant était chargé de recevoir les îles Malouines au nom de Sa Majesté Catholique.

      Le 5 à midi, nous appareillâmes de la rade de Brest.

      Je fus obligé de couper mon câble à trente brasses de l’ancre, le vent d’est très frais et le jusant empêchant de virer à pic et me faisant appréhender d’abattre trop près de la côte. Mon état-major était composé de onze officiers, trois volontaires, et l’équipage de deux cent trois matelots, officiers mariniers, soldats, mousses et domestiques. M. le prince de Nassau Siegen avait obtenu du roi la permission de faire cette campagne. À quatre heures après-midi, le milieu de l’île d’Ouessant me restait au nord-quart-nord-est du compas à la distance d’environ cinq lieues et demie, et ce fut d’où je pris mon point de départ, sur le Neptune français dont je me suis toujours servi dans le cours du voyage.

      Pendant les premiers jours nous eûmes assez constamment les vents d’ouest-nord-ouest et sud-ouest, grand frais. Le 14, à sept heures du soir, le vent étant assez frais à l’est-sud-est et la mer très grosse de la partie de l’ouest et du nord-ouest, dans un roulis, le bout de bâbord de la grande vergue entra dans l’eau d’environ trois pieds, ce que nous n’aurions pas cru possible, la vergue étant haute.

      Le 17 après-midi, on eut connaissance des Salvages, le 18 de l’île de Palme et le 19 de l’île de Fer.

      Ce qu’on nomme les Salvages est une petite île d’environ une lieue d’étendue de l’est à l’ouest; elle est basse au milieu, mais à chaque extrémité s’élève un mondrain; une chaîne de roches, dont quelques-unes paraissent au-dessus de l’eau, s’étend du côté de l’ouest à deux lieues de l’île: il y a aussi du côté de l’est quelques brisants, mais qui ne s’en écartent pas beaucoup.

      La vue de cet écueil nous avait avertis d’une grande erreur dans l’estime de notre route; mais je ne voulus l’apprécier qu’après avoir eu connaissance des îles Canaries, dont la position est exactement déterminée.

      La vue de l’île de Fer me donna avec certitude cette correction que j’attendais. Le 19 à midi, j’observai vingt-huit degrés deux minutes de latitude boréale; et en la faisant cadrer avec le relèvement de l’île de Fer, pris à cette même heure, je trouvai une différence de quatre degrés sept minutes, valant par le parallèle de vingt-huit degrés deux minutes, environ soixante et douze lieues, donc j’étais plus est que mon estime. Cette erreur est fréquente dans la traversée du cap Finisterre aux Canaries, et je l’avais éprouvée en d’autres voyages: les courants, par le travers du détroit de Gibraltar, portant à l’est avec rapidité.

      J’eus en même temps occasion de remarquer que les Salvages sont mal placées sur la carte de M. Bellin. En effet, lorsque nous en eûmes connaissance le 17 après-midi, la longitude que nous donnait leur relèvement différait de notre estime de trois degrés dix-sept minutes à l’est. Cependant cette même différence s’est trouvée, le 19, de quatre degrés sept minutes, en corrigeant notre point sur le relèvement de l’île de Fer, dont la longitude est déterminée par des observations astronomiques. Il est à remarquer que, pendant les deux jours écoulés entre la vue des Salvages et celle de l’île de Fer, nous avons navigué avec un vent large, frais et assez égal, et qu’ainsi il doit y avoir eu bien peu d’erreur dans l’estime de notre route. D’ailleurs, le 18, nous relevâmes l’île de Palme au sud-ouest-quart-ouest corrigé, et selon M. Bellin, elle devait nous rester au sud-ouest. J’ai pu conclure de ces deux observations que M. Bellin a placé l’île des Salvages trente-deux minutes environ plus à l’ouest qu’elle n’y est effectivement. Au reste, sur la carte anglaise du docteur Halley, cette île des Salvages est placée trente lieues encore plus à l’ouest que sur celle de M. Bellin.

      Je pris donc un nouveau point de départ le 19 décembre à midi. Notre route n’eut depuis rien de particulier jusqu’à notre atterrage à la rivière de la Plata.

      La nuit du 17 au 18 janvier, nous prîmes deux oiseaux, dont l’espèce est connue des marins sous le nom de charbonniers. Ils sont de la grosseur d’un pigeon. Ils ont le plumage d’un gris foncé; le dessus de la tête blanc, entouré d’un cordon d’un gris plus noir que le reste du corps, le bec effilé, long de deux pouces et un peu recourbé par le bout, les yeux vifs, les pattes jaunes, semblables à celles des canards, la queue très fournie de plumes et arrondie par le bout, les ailes fort découpées et chacune d’environ huit à neuf pouces d’étendue. Les jours suivants nous vîmes beaucoup de ces oiseaux.

      Depuis le 27 janvier nous avions le fond et le 29 au soir nous vîmes la terre, sans qu’il nous fut permis de la bien reconnaître, parce que le jour était sur son déclin et que les terres de cette côte sont fort basses. La nuit fut obscure, avec de la pluie et du tonnerre. Nous la passâmes en panne sous les huniers, tous les ris pris et le cap au large. Le 30, les premiers rayons du jour naissant nous firent apercevoir les montagnes des Maldonades. Alors, il nous fut facile de reconnaître que la terre vue la veille était l’île de Lobos.

      Les Maldonades sont les premières terres hautes qu’on voit sur la côte du nord après être entré dans la rivière de la Plata, et les seules presque jusqu’à Montevideo. À l’est de ces montagnes, il y a un mouillage sur une côte très basse. C’est une anse en partie couverte par un îlot. Les Espagnols ont un bourg aux Maldonades, avec une garnison. On travaille depuis quelques années, dans ses environs, une mine d’or peu fiche; on y trouve aussi des pierres assez transparentes.

      À deux lieues dans l’intérieur, est une ville nouvellement bâtie, peuplée entièrement de Portugais déserteurs et nommée Pueblo Nuevo.

      Le 31, à onze heures du matin, nous mouillâmes dans la baie de Montevideo, par quatre brasses d’eau, fond de vase molle et noire. Nous avions passé la nuit du 30 au 31, mouillés sur СКАЧАТЬ